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Comment des stars comme Kim Kardashian et Jennifer Lopez alimentent la machine de nos auto-détestations avec leur marque beauté
Chronique

Le secret de beauté ultime ne se trouve pas dans les produits vendus par Jlo ou Kim K, mais dans leurs privilèges

Jennifer Lopez, Kim Kardashian et bien d’autres stars doublées de redoutables femmes d’affaires, mettent au point des lignes de produits de beauté dont l’argument marketing se résume à : « si vous voulez hériter de mon glow, être aussi belles et jeunes que moi, achetez mes produits. » Ou comment faire miroiter l’accès à leurs standards tout en occultant les privilèges dont elles bénéficient.

« Vous n’êtes pas laides, vous êtes pauvres » affichent des dizaines de mèmes, TikTok et publications humoristiques présentant des avant-après de personnalités du clan Kardashian ou autres célébrités accroc du bistouri, fillers, médecine esthétique et escortées d’une ribambelle de professionnels beauté partout où elles se déplacent. Qu’importe les mensonges du complexe mode beauté (concept de la chercheuse Sandra Barkty développé dans les années 1990, repris notamment par Angela McRobbie puis l’autrice Naomi Wolf dans The Beauty Myth en 1990 et Mona Chollet dans Beauté fatale en 2012) se déployant dans les magazines féminins au travers de la publicité qu’ils affichent une page sur deux, la beauté et la jeunesse (supposément) éternelles ne se trouvent pas dans un sérum Jlo Beauty ou la dernière routine skincare SKKN BY KIM, mais bien dans vos capitaux économiques et sociaux. Pour le dire vite, le secret de beauté ultime, c’est d’être riche

« Hallucination collective »

En laissant croire par leurs argumentaires marketing qu’il suffirait d’utiliser leurs produits pour leur ressembler, elles font l’impasse sur le beauty gap (idée que la conformation aux normes de beauté dépend de ses richesses et que la beauté telle que construite reflète une hiérarchie de classes) et omettent sciemment de mentionner l’armada de personnes qui travaillent à l’entretien de leurs conditions physiques ainsi que les montagnes de dollars déboursés. La promesse de vente des stars qui élargissent leurs offres à divers soins hydratants, raffermissants, rajeunissants est fallacieuse puisque utiliser les produits vendus par Jlo ou Kim K ne vous donnera pas les privilèges de Jlo ou Kim K.

Les effets de l’âge, en dehors de la génétique, sont surtout corrélés aux conditions de vie et aux acquis (ou héritages) sociaux et économiques. « L’industrie cosmétique a toujours exploité l’image de femmes riches et privilégiées payées très cher pour cultiver une apparence parfaite, cette distorsion que l’on observe avec les célébrités lançant leurs marques n’est pas nouvelle. Nous nous retrouvons dans un lien de « pensée magique » encore plus fort et direct, renforcée par l’illusion de proximité permanente créée par les réseaux sociaux », rappelle l’essayiste Mona Chollet.

Kim Kardashian et ses 165 000 dollars de budget beauté par mois

Prenons l’exemple de Kim Kardashian qui, parmi ses multiples entreprises, a développé une ligne skincare. Soyez assurées que ce n’est pas en claquant 80 ni même 500 euros dans sa gamme que vous obtiendrez sa qualité dermique. La routine skincare de Kim, est estimée à 5000 dollars par mois de sérums, huiles et crèmes. La star se rend également plusieurs fois par an au Medispa du docteur Kanodia de Los Angeles pour un traitement au laser raffermissant pour le visage pour la modique somme de 7 600 dollars par session.

Quant à son budget beauté global – asseyez-vous – il s’élève à 165 000 dollars par mois, d’après The Sun. Cette dernière bénéficie notamment des services de la coach sportif des stars Melissa Alcantara (10 000 dollars par mois), de multiples séances de bronzage (350 dollars la séance), d’épilation au laser (500 dollars la séance), de sessions de maquillage et coiffure quotidiennes (son coiffeur Chris Appleton facture 2000 dollars par coiffure et ses maquilleurs Mario Dedivanovic et Ariel Tejada, 2500 dollars par séance de maquillage). Elle s’offre également une manucure/pédicure à 500 dollars tous les 10 jours et confie ses sourcils à Anastasia Soare, qui facture jusqu’à 1 200 dollars pour une visite à domicile et bien d’autres services beauté.

Tout ceci sans compter les multiples aides : cuisiniers à domicile qui lui concoctent des plats équilibrés, équipe de nannies et aide au ménage permettant de déléguer les charges domestique et maternelle – n’omettons pas que le déficit de sommeil et la charge d’un foyer et d’enfants à plein temps est un facteur de stress, de fatigue et donc de vieillissement. De plus, le temps que l’on y consacre, on ne le passe pas à se pouponner.

kim kardashian vampire face lift
Selfie Instagram de Kim Kardashian en plein Vampire Face Lift.

Jlo et sa rengaine hypocrite de la « beauté qui vient de l’intérieur »

Afin de vendre ses produits, Jennifer Lopez nous chante la mélodie-sornette : « la beauté c’est dans la tête, un état d’esprit » et matraque auprès de Coveteur ce qu’elle dit être le mantra de sa marque : « la beauté n’a pas de date de péremption, elle vient de l’intérieur et nous sommes jeunes et intemporelles à tout âge ». Mais alors, si la véritable beauté vient de l’intérieur, pourquoi acheter tes produits Jenny ? Parce que la beauté telle qu’édictée par les médias et les marques ne réside pas en la nature des choses et des êtres qui vieillissent, changent, mais bien dans la chimère que nous pourrions (ou devrions) toute notre vie durant correspondre à des normes inatteignables de beauté et de jeunesse.

Ainsi, la beauté ne vient pas de la profondeur de notre intérieur, mais de celle de notre porte-monnaie pouvant nous permettre de ralentir le cours du temps. L’impressionnante campagne marketing de la ligne Jlo Beauty mettait l’accent sur l’idée de la démocratisation du glow lopezien, avec une Jennifer d’Arc libératrice du peuple : « Jennifer Lopez propose son glow aux masses » résume même Fashionista. Merci Jenny, c’est vraiment trop sympa. Je veux bien que son amour ne coûte rien, mais ses soins beauté, sûrement un peu plus. Les crèmes ne sont pas des potions magiques et des élixirs de jouvence qui permettront à toutes les femmes de ressembler à la superstar à 50 piges. Un tube de crème Jlo Beauty n’est rien de plus qu’une promesse illusoire qui ne gommera jamais l’écart entre son train de vie, son accès aux meilleurs soins, opérations esthétiques, services et produits, et vos réalités matérielles.

Jennifer Lopez a posté ce selfie le lendemain de son mariage, invitant en légende à s'abonner à sa newsletter afin d'en savoir davantage sur son mariage.
Jennifer Lopez a posté sur Instagram ce selfie le lendemain de son mariage, invitant en légende à s’abonner à sa newsletter afin d’en savoir davantage sur sa cérémonie.

 « Sous le prétendu culte de la beauté prospère une haine de soi et de son corps. Un processus d’auto dévalorisation qui alimente une anxiété constante au sujet du physique en même temps qu’il condamne les femmes à ne pas savoir exister autrement que par la séduction, les enfermant dans un état de subordination permanente », écrit Mona Chollet, toujours dans Beauté fatale. Et malgré le vernis marketing d’acceptation de soi, ces stars alimentent la machine de nos auto-détestations.

Crédit photo de Une : campagnes de pub de JLO Beauty et SKKN BY KIM.


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Les Commentaires

11
Avatar de ampw
20 février 2023 à 21h02
ampw
Je trouve que l'on peut en effet étendre ça à toute l'hystérie autour du skincare...
Je suis la première à me perdre sur insta à regarder des nanas se tartiner la face via des routines à je ne sais combien de produits/gadgets... Et je ne juge pas, moi-même j'adore prendre soin de ma peau, mais c'est vrai que quand j'y pense par exemple, ma mère à mon âge n'avait pas une routine skincare, ou une fitness routine, ou je ne sais pas quoi d'autre. Elle était trop occupée à vraiment vivre dans le moment présent je crois ?
8
Voir les 11 commentaires

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