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Culture

Il a beau être ultra coloré, How to Have Sex est un film sur la zone grise du consentement

Vous avez une envie de cinéma, mais ne savez pas quoi choisir parmi les sorties en salle ? Dans Premier Rang, Maya Boukella, journaliste culture chez Madmoizelle, vous recommande un film à l’affiche. Cette semaine, on a vu un film qui nous rappelle la puissance du cinéma à représenter le trouble, le paradoxe, la zone grise.

How to Have Sex, de quoi ça parle ?

Tara, Skye et Em ont 16 ans. Pour fêter la fin du lycée, elles partent pour la première fois sans adultes dans une station méditerranéenne ultra fréquentée. Le trio compte bien enchaîner les fêtes, cuites et nuits blanches, en compagnie de colocs anglais rencontrés à leur arrivée. Pour la jeune Tara, ce voyage de tous les excès a la saveur électrisante des premières fois… jusqu’au vertige. Face au tourbillon de l’euphorie collective, est-elle vraiment libre d’accepter ou de refuser chaque expérience qui se présentera à elle ?

Au-delà de l’esthétique clippesque

À première vue, How to have Sex semble être l’héritier de ces œuvres qui brouillent les frontières entre clip et cinéma. En découvrant le film, on pense être tombée sur une variation d’Euphoria à laquelle on aurait rajouté un shoot de l’énergie épileptique de Spring Breakers.

Mais au-delà de son apparence visuelle ultra pop, néonneuse et saturée, le film de Molly Manning Walker va là où Sam Levinson et Harmony Korine ne sont jamais allés. L’immense différence de How to Have Sex par rapport à ceux qui filmaient déjà des adolescents repoussant toutes les limites de leurs corps, leurs sensations et leurs émotions, c’est le female gaze. La réalisatrice n’observe pas ces personnages comme des objets mais comme des sujets.

Dans les lits, on dort à quatre, à cinq, tête-bêche. Les tissus fluos des paréos, les robes ultra serrées se confondent avec les jambes, les bras et les ponytails synthétiques. Dans les piscines géantes, on ne sait plus qui est qui, noyé dans l’eau, la sueur et l’alcool. Dans la boite de nuit, le dress code impose à tout le monde de s’imiter, d’être pareil.

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Pourtant, dans ce contexte où chacun cherche, plus qu’à se mélanger, à se dissoudre dans les autres, la réalisatrice tient un parti pris ferme : filmer son personnage principal, Tara. Ne jamais la laisser disparaitre, quand, elle, semble avoir envie de goûter à cette sensation de s’oublier, de se laisser aller, de se perdre avec les autres pour être comme eux.

En créant cette esthétique de clip où tout n’est qu’explosions de couleurs, de bruits et de désirs, Molly Manning Walker révèle précisément ce que cette surface édulcorée contient de zones grises.

Source : Mubi
Source : Mubi

Que reste-t-il du consentement quand la culture du viol contamine tout ?

La zone grise de How to Have Sex, c’est celle du consentement. Ces vacances, Tara en a envie. Ses amies sont censées être les meilleures qu’elle ait. Ces garçons, dont la chambre d’hôtel est collée à la leur, sont beaux, grands, cools.

Source : Mubi
Source : Mubi

Mais aussi parfaites que soient les apparences, on ne peut jamais complètement se mentir à soi-même. Lorsque l’on se tait, la douleur nous parle. How to Have Sex saisit parfaitement ce que la culture du viol a de profondément pernicieux. Comme beaucoup de femmes, la réalisatrice sait que les victimes de viol n’ont pas toutes été agressées par un inconnu, la nuit, dans une ruelle sombre.

Si l’on parle de culture du viol, c’est que cette dernière infuse et détermine les relations entre les hommes et les femmes. Elle alimente et contamine les normes de masculinité – être viril, puissant, entreprenant, écouter son seul désir. Les normes de féminité – être belle, désirable, drôle, pas coincée, et surtout, pas vierge. La culture du viol influence et pourrit de l’intérieur les relations amicales et introduit de la jalousie, de la rivalité entre les femmes hétérosexuelles. L’agression et le traumatisme sont en jeu partout et surtout, bien au-delà de cette fameuse ruelle sombre.

Le film de Molly Manning Walker est un chef-d’œuvre. C’est une expérience personnelle, profonde, remuante, intime. Pour autant, c’est aussi la réponse la plus politique possible aux stéréotypes qui empêchent de penser la violence de la culture du viol et dès lors, l’entretiennent. Ce film brillamment mis en scène est une voie tracée vers une société où les jeunes femmes n’ont plus à être presque systématiquement brisées et où les hommes ne sont plus presque systématiquement violents, qu’elles et ils en aient conscience ou non.

Aussi longtemps que l’on entendra : « Mais t’en avais envie non, puisque t’as pas dit non ? », « C’est toi qui a demandé à coucher, de quoi tu te plains ? », « Il est trop beau, j’aurais aimé être à ta place. », How To Have Sex sera profondément retentissant.

À lire aussi : Plus qu’une romance sociale, Simple comme Sylvain appelle à s’aimer soi-même pour être aimée correctement

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