Précédemment dans #62jours : Comment tenir la distance ? Le marathon et le sprint
La routine me tue. C’est une mort lente et indolore : une plongée dans l’ennui. La répétition inconsciente des petits gestes agit sur mon quotidien comme un dépôt de cholestérol dans une artère. Un jour, ça me fera claquer. Et sans doute sans prévenir.
Alors, je lutte contre les habitudes comme si elles étaient des cellules cancéreuses, menaçant de gangréner tout mon être.
Sauf qu’elles ne sont pas intrinsèquement négatives : ce n’est que ma vision qui l’est. Objectivement : qu’est-ce que les habitudes ont à m’apporter ?
Les habitudes… Un carcan pour mes ambitions, ou un tuteur pour mes projets ?
Les habitudes, c’est l’équivalent dans le temps de « mettre un pied devant l’autre » dans l’espace. Ça ne me mène nulle part, mais ça me fait avancer.
Je me lève le matin parce que le réveil sonne et qu’il faut que j’aille bosser. Comme tous les jours de la semaine. Une litanie d’habitudes m’entraîne du lever jusqu’au bureau, puis à travers toute la journée.
On dit parfois qu’il y a « des jours avec et des jours sans », dans ma tête, clairement, « les jours sans » ce sont les jours sans moi. Je ne suis pas dans la cabine de pilotage, mais l’inertie des habitudes est suffisamment forte pour que je continue sur la lancée du quotidien. Ça roule… c’est la routine.
Mais si j’ai la sensation de m’enliser dans mes habitudes, qu’elles étouffent mes ambitions et mes envies, c’est juste parce que je leur donne ce pouvoir. Je me laisse faire.
C’est pour ça que je me lance si souvent dans un projet au rythme d’un sprint : pour dépasser mes habitudes, comme un coureur sauterait les haies sur sa piste. Sauf que je finis essoufflée, épuisée au bout de quelques kilomètres à peine.
Les habitudes me rythment, quoique j’en pense. Et si le rythme ne me convient pas, il n’y a peut-être qu’à changer de tempo, tout simplement…
Comment j’ai découvert les habitudes qui tuent
Il y a un an, pratiquement jour pour jour, j’étais en pleine formation pour devenir guide de plongée. Je plongeais tous les jours, plusieurs fois par jour.
Ça veut dire que je m’équipais, que je me déséquipais plusieurs fois par jour, que je vérifiais l’équipement de mes clients et de mes accompagnatrices plusieurs fois par jour.
Et je n’avais qu’une seule hantise : prendre l’habitude de ces gestes. Ça voulait dire : ne plus voir ce que je fais, ne plus y faire attention. Je répète ces gestes et ces vérifications si souvent, que je n’ai plus conscience de ce que je fais. C’est devenu automatique.
Les habitudes qui tuent…
C’est confortable, mais c’est dangereux : si j’oublie un geste, si je ne remarque pas un défaut sur les autres, je peux causer un accident. C’est exactement le même phénomène qui m’amenait aussi à penser, en plein amphi, « est-ce que j’ai bien éteint le fer à lisser en partant ce matin ? » Je ne sais plus. Je le fais tous les matins, mais ce matin… je ne sais plus.
Ça, ce sont les habitudes qui tuent. Les gestes qu’on fait sans les remarquer, ceux qui endorment, ceux qui nous rendent de l’espace de cerveau disponible en passant dans l’inconscient.
Sauf que c’est un mauvais calcul : ils continuent d’utiliser « de la bande passante cérébrale », sans m’apporter de la sécurité.
Les habitudes qui tuent, c’est le « je connais la route par coeur », le « je pourrais m’équiper les yeux fermés ». Ce sont les mots qui viennent tous seuls parce qu’on écrit toujours les mêmes, les gestes qu’on fait sans y penser.
Ce sont celles qui font que les jeunes singes agissent comme les vieux singes, sans se poser de question. C’est du goudron qui nous englue les plumes.
…vs les habitudes qui sauvent
Les habitudes qui sauvent,
c’est tout le contraire : ce sont les gestes qu’on fait en sachant pourquoi on les fait.
Les habitudes qui sauvent, c’est le clic de la ceinture de sécurité, le tac-tac-tac-tac c’est bon j’ai mes clés, c’est le code de la CB, c’est vérifier la pièce jointe avant de cliquer sur envoyer. C’est regarder à droite, à gauche et puis à droite avant de traverser. C’est se relire avant de cliquer sur « envoyer ».
Ce sont les automatismes qui ne coûtent rien comparé aux drames qu’ils évitent.
Les habitudes qui tuent sont celles qui n’ont pas de sens, juste l’illusion de la sécurité, maquillée en confort. C’est « si les clés ne sont pas sur le tableau, c’est qu’elles sont dans ma poche », parce que ça coûte moins d’effort de jeter un coup d’oeil que de tâter sa poche.
Les habitudes qui tuent endorment, les habitudes qui sauvent économisent de l’énergie sans compromettre la sécurité, la performance, la productivité, la créativité.
Ta réunion quotidienne ou hebdomadaire est une habitude qui tue si c’est juste une coquille vide, un RDV fixe qui existe parce qu’on le respecte. C’est une habitude qui sauve si elle sert à re-dynamiser une équipe comme la marée qui monte.
Mes TOC sont des habitudes qui tuent si je ne sais plus pourquoi je fais le tour de la cuisine avant de sortir de chez moi. C’est une habitude qui sauve si je sais que je vérifie l’état des plaques de cuisson et du robinet avant de m’absenter.
Comment cultiver les habitudes qui sauvent ?
Hier, lorsque je réfléchissais à comment tenir la distance, j’ai qualifié les habitudes de mauvaises herbes, que j’arrache aussi souvent que possible.
Sauf que pour aller loin, j’ai besoin de bonnes habitudes, de jalons, de réflexes qui me porteront à travers « les jours sans ». À moi de planter les bonnes graines, pour nourrir les bonnes habitudes — des habitudes qui sauvent.
En fait, les habitudes qui sauvent sont toutes celles qui répondent à la question « pourquoi ? ». Et cette réponse n’est jamais « parce que ».
- Pourquoi je choisis ce sujet, pour écrire ?
- Pourquoi j’écris ?
- Pourquoi je fais du sport ?
- Pourquoi je mange ça, pourquoi je ne mange pas ça ?
Si j’ai réussi à devenir végétalienne, alors que je n’avais jamais tenu un régime plus de 3 jours dans ma vie, c’est parce que la réponse à la question « pourquoi je suis végétalienne » tenait la route. C’est pour ça que sur ce sujet, par exemple, je tiens la distance. Je ne m’en suis pas lassée. C’est même devenu de plus en plus facile…
Ce modèle, je peux le répliquer sur tous les aspects de ma vie. Si, chaque matin, je peux répondre à la question « pourquoi je me lève ? », ce ne sera jamais un effort, toujours un rappel.
Les habitudes que je dois prendre, celles qui me sauvent, sont celles qui me rappelleront quotidiennement pourquoi je fais ce que je fais.
Alors, pourquoi je me lève le matin ? Grande question… À suivre ?!
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires