« Tous les goûts sont dans la nature », je suis bien au courant. Sur le papier, je suis même d’accord de ouuuuuf. Je suis pour la tolérance, le respect des préférences des autres, l’écoute et l’argumentation calme et posée.
Je suis pour et je crois, sans vouloir me vanter, que je suis plutôt douée pour supporter l’idée et l’appliquer au quotidien. Quand quelqu’un émet un avis sur un film, par exemple, qui n’est pas le même que le mien, je respecte. Je reste pépouze. Parfois, je ne dis rien, même. Ou alors je dis « ah c’est marrant, je ne suis pas d’accord parce que [raisons], mais je comprends ton point de vue ».
Super, non ?
Oui, super. Enfin, normal, quoi. Une façon normale de parler d’un truc. Une façon adulte d’envisager les points de vue.
Quand ce sont les autres qui ne sont pas d’accord avec moi, je manque peut-être encore un peu de maturité.
Sauf que, quand ce sont les autres qui ne sont pas d’accord avec moi, je manque peut-être encore un peu de maturité. Car dans ce cas de figure, somme toute assez banal, je… Je m’vénère. Mais pour mieux trouver la solution afin de ne plus agir de la sorte, et pour t’aider toi aussi, décortiquons un peu la raison de mon agacement.
Quand on me contredit, ça me fait faire la même tête que Rosa dans Brooklyn Nine Nine, le gloss en moins (parce que comme j’ai une petite bouche on dirait juste que j’ai bouffé salement du poulet rôti avec la peau).
Ne pas prendre les choses personnellement (surtout que ce n’est pas le cas)
Je crois que la raison pour laquelle je m’énerve, c’est que je me vexe. Parce que ce sont mes propos à moi qui sont contredits. Ce n’est pas ne pas être du même avis que quelqu’un qui me fatigue et m’irrite (et me rend, disons ce qui est, un peu con). C’est le fait qu’on contredise ce que moi je dis. Même poliment. Même sans jugement.
Tu parles d’une zinzin.
Je crois que la raison pour laquelle je m’énerve, c’est que je me vexe.
C’est fou, je crois que je serais moins vexée qu’on critique mon travail à moi, mes créations, le fruit de centaines d’heures de labeur et de sueurs, de larmes et de joie, que quand on critique un film, une chanson, une émission ou que sais-je que j’ai aimé.
Et tu sais pourquoi ? La raison est simple. Parce que je n’oserais probablement jamais dire « j’aime beaucoup ce que j’ai fait ». Enfin, ça ne m’empêche pas de le penser, parfois, c’est juste que ça sonnerait chelou de le dire ainsi, de parler de ce que je produis comme je discute de ce que les autres font.
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Mais comme je sais que les gens n’aiment pas la vantardise, bah je ne le dis pas. Donc, personne ne peut me dire « mhh, je ne suis pas d’accord avec toi ». Et quand je présente mes productions à des pros, je prends tout pour des critiques constructives et je note précieusement tout ce qui m’est dit. Donc, rien à voir.
Pas que je sois davantage du genre à défendre les trucs des autres que ce que je fais ; pas du tout même. C’est juste que le contexte n’est pas le même. Et qu’assez clairement, je suis le genre d’énergumène à me vexer comme un pou si, à la fin d’un film, on me répond « hmmmmouais, bof » quand j’ai dit « C’ÉTAIT TROP BIEN ! J’AI TROP AIMÉ ! ».
Accepter que les gens disent ce qu’ils pensent (parce que merde, on est en démocratie)
Je crois que le pire, c’est quand je regarde un truc à la télé et que quelqu’un, voyant l’écran, me dit « ah je n’aime pas, ça ». Ou que j’écoute une chanson en voiture et qu’on me dise « ah mais c’est quoi cette merde ? », en pensant que ce n’est pas moi qui aie choisi de la mettre, ou de laisser cette station de radio jusqu’à la fin du morceau.
Je crois que le pire, c’est quand je regarde un truc à la télé et que quelqu’un, voyant l’écran, me dit « ah je n’aime pas, ça ».
Je me sens toute gênée, presque coupable, et je m’en veux : ça me coupe tout mon plaisir. Et comme ça détruit ce moment, j’en veux à la personne qui a donné son avis sur ce truc que j’aime bien, comme si parce que j’aime bien, elle n’a pas le droit de dire qu’elle n’aime pas.
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C’est bête. C’est rarement pour juger les personnes qui adorent que les gens disent ne pas aimer quelque chose. Ils donnent juste leur avis. Sans forcément qu’on leur ait demandé, soit, mais rien ne les interdit de l’ouvrir, tant que ça reste poli pour les humains.
C’est Leslie Knope mdr jador lumour
Ne pas surinterpréter
Bon, après, il y a plusieurs façons de faire, à des degrés différents. Je me souviens d’une fois, quand j’étais petite, où je dégustais avec mes parents mon premier Bacon & Egg McMuffin chez McDonalds (depuis devenu de loin mon petit-déjeuner préféré. Je sais même le refaire moi-même). Je me régalais, je n’en croyais pas mes papilles. C’était formidable. Un souvenir incroyable.
Bon, après, il y a plusieurs façons de donner son avis, à des degrés différents.
Et là, il y a une meuf qui rentre dans le McDo avec son petit-frère et ses parents, une fille de, genre, deux ans de plus que moi, donc forcément extrêmement stylée à mes yeux (ça ne marche plus du tout de cette façon aujourd’hui. Ça ne suffit plus. Mes critères ont changé).
Elle entre, elle est grande et fine avec des cheveux lisses, alors que je suis malhabile et dégueulasse à mes yeux, et que mes cheveux, coiffés ou pas, ont toujours l’air débiles (ça marche encore aujourd’hui). BREF ! Je la trouve stylée, tandis que moi non.
Et cette fille, stylée donc, regarde mon sandwich (MON sandwich) et dit très fort à ses parents qui l’avaient visiblement très mal élevée (et indirectement à tout le McDo) (et un peu aussi à tout le département, la bougresse avait du coffre) :
« AH DÉGUEUUUU JE DÉTESTE LES ŒUFS ! »
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J’ai déjà si souvent raconté cette histoire, c’est fou. C’est dire si elle m’a traumatisée, quoi. Alors qu’au fond, la meuf a juste dit qu’elle n’aimait pas les œufs, mais d’une façon qui sous-entendait un certain mépris.
Alors qu’au fond, la meuf, elle a juste dit qu’elle n’aimait pas les œufs, mais d’une façon qui sous-entendait un certain mépris.
Alors que si ça se trouve, pas du tout. Ou tout au moins pour les œufs, mais en tout cas pas pour moi. Il y a de ça, aussi : je prête aux gens des intentions qui ne sont pas forcément les leurs quand ils ne sont pas du même avis que moi (sur un film, une chanson ou un sandwich à l’œuf et au bacon, donc. Un souci de premier ordre).
Moi quand on critique mon petit-déjeuner.
Ça brouille tout et je me sens visée et mal vue alors je me mets en colère parce que oui, j’ai le droit d’aimer les œufs et la disco-dance de la fin des années 90 (bip up, Cher, ton retour est la meilleure chose qui soit arrivée à 1998). Ami•es du même acabit, venez, on essaiera d’arrêter de se sentir persécuté•e•s.
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Même s’il y a des gens qui aiment bien ça, se sentir persécuté. Je ne peux pas juger, qui suis-je pour cela ? Après tout, tous les goûts sont dans la nature.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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