Le 17 juillet 2020
Vis ma vie de childfree est une série de témoignages initialement publiés sur Rockie en 2020.
Nous avions demandé à des femmes de 40 ans et plus, sans enfant par choix, de nous raconter leur vie, le regard de leur entourage sur leur choix de ne pas procréer, l’impact de cette décision sur leur individualité et/ou leur couple.
Vous êtes childfree et vous vous reconnaissez dans ce profil ? Vous pouvez toujours témoigner en nous écrivant à [email protected], avec en objet « Je suis childfree » !
J’ai 43 ans, je n’ai pas d’enfant, et nous ne sommes pas très nombreuses autour de moi dans cette situation, à mon âge. C’est peut-être parce que la pression était plus grande dans les années 2000 qu’elle ne l’est en ce moment, et parce que le regard social était tellement intégré qu’il était difficile de faire autrement.
La pression sociale sur la maternité
La maternité ne s’est jamais imposée à moi. J’ai été en couple pendant longtemps au cours des années où on peut se poser la question, et à chaque fois, je me disais que ce n’était pas le moment.
Je n’étais pas encore là où je voulais être à titre personnel et professionnel et je ressentais très nettement que ces hommes avec lesquels j’étais, malgré tout l’amour que je leur portais, allaient faire reposer sur moi la charge du quotidien et je ne m’en sentais pas capable.
J’avais aussi à cette période-là une idée très exigeante de ce que voulait dire la maternité que je considérais comme un vrai engagement que je n’avais pas vraiment envie de prendre. Je concluais donc à chaque fois que ce n’était pas la bonne personne.
Je trouvais que la maternité était probablement une expérience incroyable, mais extrêmement coûteuse pour faire les choses bien. Souvent, les femmes autour de moi faisaient payer leur engagement à leurs enfants. Je les voyais les élever non pas pas pour qu’ils soient libres, mais pour les garder auprès d’elles toute leur vie.
Moi, j’ai traversé ces années où tout le monde décrit la pression de l’entourage et de la société sans rien en voir.
Il faut dire que mon père, pourtant né dans les années 30, était un vrai féministe et m’a toujours dit que j’étais libre de me marier ou pas, d’avoir des enfants ou pas et que la seule chose qui était importante était que je sois indépendante. Je pense que cette liberté familiale a fait pour beaucoup dans mon aveuglement total à la pression sociale.
Des questionnements à l’approche de la quarantaine
À titre individuel, j’ai eu un vrai questionnement à l’approche de la quarantaine. C’était autant un enjeu pour moi et mes envies qu’un enjeu pour le couple au sein duquel j’étais : je me disais qu’à l’approche de ma date de « péremption, je voulais que l’on mette au clair la question des enfants avec mon partenaire, pour éviter qu’il ne se réveille des années plus tard en voulant des enfants, alors que pour moi, ce serait trop tard.
Cette question était lourde pour nous deux et comme ni lui ni moi n’étions au clair, nous n’avons pas eu d’enfants et avons fini par nous séparer.
Cette relation a été très importante, parce qu’elle a permis d’éclaircir mon ambiguïté sur ce sujet : au fond, j’avais tout fait pour ne pas en avoir, j’étais enfin libérée de cette question et j’allais enfin pouvoir être libre.
Même si je n’avais aucune pression familiale, il y avait un modèle social très présent et, à l’époque, les magazines féminins, les psys et l’ambiance générale martelaient que pour être une vraie femme il fallait être une mère. Ma position quant à la maternité était donc perçue comme un problème, une déviance, un trouble psychique probablement dû à la relation à ma propre mère ou que sais-je.
Si je ne sentais pas de pression à faire ce qu’on attendait de ma qualité de femme j’étais plus perméable aux discours qui me diagnostiquaient sur une potentielle déviance psychologique.
Travailler pour assurer mon indépendance
J’ai travaillé pendant longtemps dans de grosses entreprises à Bruxelles et à Berlin.
Aujourd’hui je travaille pour moi-même, et c’est probablement plus facile d’assumer une vie qui ne rentre pas dans des cases que si j’étais encore dans l’univers socialement normé de la grosse entreprise, où le regard des autres aurait pu être plus violent.
J’ai toujours été consciente que la liberté, surtout féminine se payait cher. J’ai donc su très tôt que pour mener la vie que je voulais il fallait que je construise mon indépendance financière. C’est ce qui m’a permis de quitter l’univers professionnel normé.
Aujourd’hui, j’ai construit une vie personnelle et professionnelle qui me satisfait pleinement. Je vis à moitié à Paris et à Lille, me suis construit un métier qui n’existait pas avant, après avoir travaillé dans le marketing.
Au fond, je pense que la question de la maternité est une façon de réduire la question de la transmission à celle de la reproduction. Je suis persuadée qu’il est important de transmettre son univers mais que cela ne passe pas forcément par la reproduction.
J’ai fait mienne la phrase de Pierre Bergé qui disait à peu près que les gens font des enfants lorsqu’ils ne peuvent pas faire autre chose.
Ma vie affective est riche
Aujourd’hui, je ne sais pas vraiment si mon mode de vie de quadra sans enfants est accepté par les autres.
Avec mes amis qui sont des hommes, c’est très faciles. Avec mes partenaires, c’est plus compliqué, surtout lorsqu’ils ont des enfants eux-mêmes, dont ils s’occupent une semaine sur deux par exemple. Mais cela fait aussi le tri assez rapidement, selon ce qu’ils attendent d’une relation avec moi.
Mes meilleures amies sont des mères heureuses, avec lesquelles j’ai une grande complicité tout en ayant conscience que nous sommes sur des planètes différentes. La question de la comparaison ne se pose pour moi jamais. Je sais que j’ai renoncé à une expérience, à la surprise, à une forme d’amour que je ne connaitrai pas.
Mais je n’ai pas renoncé à la découverte de moi-même pour autant et je pense que la maternité n’en est qu’une forme mais qu’il y en a beaucoup d’autres.
Au contraire, j’aime beaucoup parler avec mes amies mères parce qu’elles m’apportent un éclairage que je n’ai pas, et je pense que c’est réciproque.
Le regard des autres sur ma vie de childfree
Je ne sais pas vraiment ce qu’est une femme de 40 ans sans enfant, dans les yeux des autres.
Les regards extérieurs me renvoient une image d’originalité, de liberté. Certains viennent se nourrir auprès de moi d’une certaine forme de sagesse (le rapprochement de la femme sans enfant et de la sorcière est un sujet intéressant, qui pourrait être développé d’ailleurs), sûrement parce que j’ai plus de temps et d’appétit qu’elle et eux pour lire, réfléchir, creuser des sujets, rencontrer des gens…
Il y a juste un point qui est très pénible et qui revient tout le temps, on me dit régulièrement :
« Toi qui n’as pas de contrainte… »
Pour justifier de me faire déplacer, justifier qu’on ne sait où je suis, ou qu’on s’attend à ce que je sois toujours disponible. Cette phrase, qui est un grand tic de langage du moment est absolument horrible pour tout le monde.
Je ne suis également jamais invitée à des diners ou en week-end avec des couples mariés avec enfants.
Au départ je pensais que c’était un sujet de concurrence, que j’étais une menace sexuelle pour les autres femmes, mais un ami m’a donné une explication qui est peut être plus juste : contrairement à une femme divorcée avec enfants, mon mode de vie leur est tellement étranger qu’il est dangereux pour les femmes parce qu’il les confronte à leurs choix.
Cela me semble assez pertinent, et je ne me vexe pas.
Mon objectif de vie, vieillir heureuse
Je ne pense vraiment pas que je regretterai de ne pas avoir eu d’enfants plus tard si je mène une vie riche avec laquelle je suis en accord, que j’ai l’impression de transmettre à d’autres, enfants ou adultes. En revanche, plus intéressante est la question de savoir combien de femmes ont eu des enfants et le regrettent. C’est impossible à savoir parce que cela ne s’avoue pas.
Au moment où juste avant 40 ans j’ai réfléchi à la question de la maternité je me suis demandée ce que je voulais de ma vie, la seule image qui m’est apparue est celle d’une vieille dame qui sourit.
Il y en a peu, surtout dans Paris. Je me suis dit que ce serait le fil conducteur de ma vie et qu’avoir des enfants était un des nombreux outils pour y arriver, mais que me concernant ce n’était pas le meilleur.
C’est sur cette réflexion que la question a été résolue.
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