Précédemment dans #62jours : Ma peur et moi : le fauve qui me ronge les tripes
Je déteste faire mes valises. J’emporte systématiquement trop d’affaires, dont bien sûr des affaires inutiles, et tout ce barda m’encombre ensuite dans les transports. Je perds ensuite du temps à déballer et ranger mes affaires dans des placards évidemment pas prévus pour un tel volume.
Et quelques jours plus tard, je désespère à l’idée de devoir re-faire ma valise, cette fois-ci pour rentrer.
Quand j’ai découvert la randonnée itinérante, j’ai d’abord été paniquée par la contrainte du sac à dos : comme le principe est de partir pour plusieurs jours, il faut donc réfléchir à ce dont on a absolument besoin pour la durée du voyage.
J’ai pris cette donnée pour une contrainte, c’est évidemment un exercice difficile pour la bordélique que je suis. Pour 5 jours en montagne, j’emmène quoi ?
Mon premier guide de rando itinérante appelait ce processus « penser son sac ». C’est-à-dire réfléchir précisément au nécessaire à prendre, ainsi qu’à la manière de ranger les affaires à l’intérieur.
Tout ce qu’on emmène, il faut le porter
« Penser son sac » est un exercice délicat, puisqu’il faut prendre en compte les éventualités. En montagne par exemple, qu’on parte 2 ou 5 jours, il faut prévoir de quoi se protéger du soleil, de la pluie, du vent, et du froid.
Mais il faut aussi garder cette contrainte essentielle à l’esprit : tout ce que je veux emporter, je vais devoir le porter.
Et pas le porter 5 secondes, le temps de soupeser le sac et de se dire « ça paaaasse ! ». Il va falloir le garder au dos six heures par jour, marcher, monter, descendre… Ce qui « paaaasse » pendant 30 minutes peut casser le dos au bout d’une heure.
L’effet de seuil : les grammes de trop
Chaque personne a sa propre limite. Peut-être que mon voisin sera à l’aise avec le double du poids maximum que je suis capable de porter.
Mais tout le monde a cette limite, au-delà de laquelle le poids porté devient pénible, douloureux, voire insupportable au bout d’un certain temps. On appelle ça l’effet de seuil.
J’ai déjà connu l’effet de seuil, sur une rando itinérante. J’avais rajouté une partie des vivres sur mon propre portage, et c’étaient quelques grammes de trop.
On m’a retiré moins de 500g de nourriture, et ça allait mieux. C’était à peine croyable. La différence ressentie était énorme, et pourtant, elle n’était objectivement que de quelques centaines de grammes.
C’est pour ça qu’il faut réfléchir aussi méticuleusement au contenu de son sac. Il est rarement trop lourd à cause d’un poids exorbitant. J’ai encore jamais vu un randonneur emmener une trousse de toilette hôtelière, une console de jeu ou que sais-je encore.
C’est souvent 100g + 100g + 100g qui font qu’à la fin, il y a quelques 100g de trop.
Tous ces grammes que je porte et qui me cassent le dos
J’ai eu une illumination pendant mes 5 jours de marche, en me félicitant toute seule pour la façon dont j’avais pensé mon sac. J’étais très à l’aise, malgré son poids.
Je me sentais fière, d’avoir réussi à prendre le strict minimum, et à la fois, le strict nécessaire. J’ai tout utilisé dans ce sac, et il ne m’a rien manqué.
Et son poids était optimal.
Comme quoi, j’en étais capable !
…Alors pourquoi, au quotidien, je m’encombre de tant de poids ? De la même façon que je suis capable, désormais, de ne plus fourrer des centaines de grammes parasites et inutiles dans mon sac de randonnée, pourquoi est-ce que je continue d’emporter partout avec moi des pensées négatives, défaitistes, des frustrations, de la négativité ?
Ça aussi, ce sont des grammes que je porte au quotidien. Oh, ça pèse rien tu sais, une colère ravalée par-ci, une frustration digérée par-là… Un sentiment d’inutilité, une angoisse, une appréhension…
Ça pèse rien, une pensée. Mais une + une + une finissent par atteindre ce fameux effet de seuil. Et soudain, j’en ai plein le dos.
Je me demande ce qui ne va pas, pourquoi je suis triste ou frustrée aujourd’hui. Comme je me demandais avant ce qui peut bien peser si lourd dans ce foutu sac, et ce que je pourrais sortir pour l’alléger.
C’est jamais bien lourd, mais c’est toujours une accumulation.
Avancer l’esprit libre, pour éviter l’effet de seuil, au quotidien
De la même façon que je suis désormais capable de partir 5 jours en montagne avec le strict nécessaire, je dois être capable, à l’avenir, d’avancer chaque jour dans la vie libérée des poids inutiles. Fussent-ils infimes, quasiment insignifiants.
Ça implique de savoir repérer ce qui me pèse, et ne pas laisser tout ça se glisser subrepticement sur mon dos.
« Penser son sac » demande un réel effort de réflexion, de concentration, d’anticipation — et un certain sens du sacrifice (adieu shampoing et crème hydratante). Mais le confort d’évolution ensuite vaut bien tous ces sacrifices.
Il en va de même pour le travail qui m’attend. J’ai trop goûté à la liberté d’une marche l’esprit léger pour reprendre sur les épaules tous ces soucis qui pèsent si peu, mais dont je finis pourtant par en avoir plein le dos.
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