Précédemment dans #62jours : Pourquoi je me lève ce matin ? (et tous les autres jours)
Je peux respirer, stp.
J’ai à peine eu le temps de reprendre mon souffle, que j’étais déjà repartie.
On se rappelle quand j’aurai sorti la tête de l’eau.
J’ai déjà utilisé chacune de ces expressions, et bien avant d’avoir mon Bac. Je les ai souvent entendues dans la bouche d’autres personnes, de très proches comme de parfait•es inconnu•es, croisé•es l’iPhone collé à l’oreille, sur le quai d’un métro.
« Je suis sous l’eau », c’est fou ce que ça dit de ma situation, lorsque je mets ces mots dessus. Je suis en train de dire que je ne peux pas respirer. C’est la mort assurée en quelques minutes !!! Alors qu’est-ce qui me prend de rester des jours, des semaines, des mois entiers « sous l’eau » ?
Évidemment que je finis par avoir envie de crever…
La première bouffée d’air
J’ai appris à respirer en faisant du théâtre, par les exercices de relaxation et de travail de la voix. Et puis, j’ai oublié.
J’ai laissé la pression des études, des attentes, des critiques, de mes propres critiques et jugements, des autres, de moi-même, du travail, j’ai laissé tout ça m’appuyer sur les épaules, la nuque, compresser ma cage thoracique.
Je respire de moins en moins. Tu m’étonnes, que je finis par avoir l’impression d’être « sous l’eau ».
Sauf que la première fois que je suis effectivement allée sous l’eau, j’ai enfin appris à respirer. Tu parles d’un paradoxe!
C’est en faisant mon baptême de plongée que je me suis rendu compte de ça : je ne respire qu’avec le haut de la poitrine. J’avais oublié, après toutes ces années passées sous pression, que j’avais tout le ventre à remplir, à gonfler, pour pouvoir respirer.
Note à moi-même : respirer pour survivre
Avant de me jeter à l’eau, j’étais tétanisée : j’ai fait une crise d’angoisse sur le bateau. Mon souffle s’était emballé, j’ai eu besoin d’une demi-heure pour me calmer.
Ma première seconde dans l’eau avait ravivé l’angoisse. La deuxième seconde allait me libérer : j’ai soufflé. Expiré tout ce que j’avais dans les poumons, pour pouvoir descendre dans l’eau.
Et forcément, l’instant d’après, j’ai inspiré. Mais pressée par l’hostilité de cette étendue de bleu, pressée par la pression ressentie, oppressée à l’idée de ne pas pouvoir respirer librement, j’ai aspiré tout l’air que le détendeur de mon scaphandre voulait bien me donner.
Ça faisait longtemps que j’avais pas inspiré aussi profondément. J’ai senti ma cage thoracique et mon ventre se tendre comme un ballon de baudruche qu’on gonfle pour la première fois.
J’avais besoin de respirer pour survivre, alors je me suis souvenu de comment il fallait faire : inspirer, à fond. Expirer, longuement. Recommencer. Lentement.
Apprendre à respirer… hors de l’eau
Mince. J’avais passé une vie à me sentir « sous l’eau » à la surface. Et il a fallu que j’aille vraiment sous l’eau pour réapprendre à respirer.
Bien sûr, à force de passer du temps sur la terre ferme, j’ai à nouveau oublié. C’est en recommençant la méditation, et en pratiquant son exercice phare — focaliser son attention sur sa respiration, que j’ai repris cette habitude : respirer.
Je me suis rendu compte que je respirais souvent lorsqu’il était trop tard. J’étais déjà à bout de souffle, à bout de patience, j’étais déjà… essoufflée.
Ça prend pas vraiment de temps, respirer. Mais ça demande un peu de temps pour s’y habituer : pour prendre le réflexe d’inspirer par le ventre, pour retrouver ou garder l’équilibre, tout au long de la journée.
Depuis que j’ai recommencé à respirer profondément, au lieu d’haleter ou de ventiler avec le haut de la poitrine, je suis moins fatiguée. Moins stressée. Moins énervée. Moins essoufflée, tout simplement.
Je respire donc je vis
Avant, mes seules respirations profondes étaient celles qui exprimaient mon exaspération, mon agacement, mon énervement profond.
Elles étaient la purge de mes émotions négatives. Je soufflais de colère, je fulminais de rage… Mais désormais, elles sont une ancre, qui me raccroche à la réalité.
L’inverse d’une ancre, en vrai : lorsque je passe la tête sous l’eau, mes inspirations profondes me ramènent à la surface.
C’est comme ça que j’ai remarqué : au-dessus de la surface de l’eau, c’est le moment présent. C’était donc là que j’essayais d’aller.
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