J’ai « survécu » à mon baptême de plongée. N’y voyez pas une exagération dramatique, mais plutôt toute la mesure du bouleversement qu’a été pour moi cette initiation, offerte par l’UCPA qui m’invitait à découvrir les activités proposées par leur centre de Hyères.
Entendons-nous bien : je sais nager, et j’aime nager. J’aime l’eau, la mer et l’océan, surtout pour leurs odeurs et leurs couleurs (j’aime pas les vagues). Je mets volontiers la tête sous l’eau, tant que je peux l’en sortir comme bon me semble. Mais sans plus.
Car le concept même de la plongée sous-marine est rigoureusement contre-indiqué pour la control freak que je suis : je supporte très mal toute perte de contrôle. Je ne bois jamais à en perdre la mémoire ou le contrôle de mes mouvements, et je suis sujette aux crises d’angoisses en cas de turbulences prolongées dans un avion, par exemple. Ne riez pas, c’est très sérieux.
Si j’ai risqué la crise d’angoisse le temps d’un trajet en bus embarqué sur l’Eurostar, imaginez un peu l’engouement que je pouvais avoir à l’idée de m’immerger sous plusieurs mètres d’eau, engoncée dans une combinaison à mi-chemin entre le ridicule du pingouin et l’inconfort de la grenouille.
N’écoutant que mon courage, ou plutôt la folie, espiègle conseillère jamais à court d’audace, je me suis jetée à l’eau, au propre comme au figuré (pardon, c’était facile).
« Jusqu’ici, tout va bien »
Avant de partir en mer, on s’équipe. Laissez-moi vous dire que vous n’avez pas connu la contrariété tant que vous n’avez pas essayé d’enfiler une combinaison intégrale en néoprène, capuche comprise. Non, je ne vous montre pas de photo, ce serait cruel.
Dès le début, je flaire l’arnaque : on me flanque une bouteille imposante censée me permettre de survivre sous la surface, sauf que le paquetage pèse environ une tonne cinq. Sûr que si je me jette à l’eau avec tout ce poids sur le dos, je coule à pic !
On m’explique que la bonbonne contient de l’air, et qu’entre la combinaison, la réserve d’air et le gilet gonflable (stabilisateur), le problème n’est pas de couler mais de ne pas flotter à la surface. C’est d’ailleurs pour régler ce problème qu’on me refile également une ceinture de plomb. Tout va bien.
Pas convaincue, j’embarque tout de même sur le Zodiac, ce que je regrette amèrement cinq minutes plus tard : la mer a beau être calme, entre le vent et la vitesse du frêle mais puissant esquif, la sortie en bateau est plus proche du manège à sensations (sans ceinture de sécurité) que de la croisière.
Vingt minutes plus tard, le Zodiac est amarré au point de plongée, et je calme tant bien que mal une crise d’angoisse provoquée par cet épisode mouvementé (alerte euphémisme).
C’est là qu’on t’explique que la clé pour bien respirer sous l’eau, c’est de prendre des inspirations calmes et profondes, et faire de loooooongues expirations.
La bonne blague ! Laissez-moi mourir en paix, merci.
Déjà sur le bateau, je n’en menais pas large.
– Merci à Céline pour la photo ! Son blog.
Baptême de plongée : c’est le moment d’écouter
Animée par toute la détermination de l’aventurière et la vigueur de l’instinct de survie, j’écoute les conseils du moniteur comme si ma vie en dépendait. Et de fait, si je ne risque pas grand-chose aujourd’hui, ma vie peut néanmoins dépendre de ma capacité à respecter les consignes (on y viendra dans le développement).
J’ai été vraiment secouée par la sortie en bateau et j’ai bien failli ne pas plonger, surtout si on me demandait de plonger en même temps que tout le monde. Mais pour un baptême, la sortie se fait un par un : un plongeur débutant pour un moniteur (c’est la loi française). D’autres débutantes ont plongé avant moi, ce qui m’a permis de calmer ma respiration et de prendre le temps de me préparer. Le fait de savoir que le moniteur ne me quitterait pas d’une palme m’a rassurée.
Après tout, j’avais déjà fait un vol en parapente dans une configuration similaire. Si je suis capable de m’élancer dans le vide accrochée à un sac en tissu et sanglée à un inconnu, je dois bien pouvoir me jeter à l’eau dans les bras d’un autre, avec un poids sur le dos !
La pression monte (private joke de plongeur)
Palmes aux pieds, combinaison zippée jusqu’au menton, masque plaqué sur les yeux et le nez, embout du détendeur bien calé en bouche (c’est le distributeur d’air respirable), je prends mes premières respirations artificielles. Jusqu’ici, tout va bien. Une main sur le visage, l’autre derrière la tête, je remonte les genoux vers mon nez et le poids de la bonbonne m’entraîne en arrière : v’là la mise à l’eau de plongeur pro, les palmes en l’air.
Quand soudain, je change de paradigme. Sous l’eau, les Terriens que nous sommes doivent renoncer à tous leurs repères : la position verticale, l’équilibre conféré par notre centre de gravité, nos cinq sens, tout est chamboulé.
Adieu, mes 5 sens, je vous aimais bien
Premier choc : la position dans l’espace. C’est marrant et agréable quand on barbote dans une piscine, mais sous quelques mètres d’eau à 15°C, avec ces palmes qui donnent aux mouvements une amplitude maladroite, le passage d’une position verticale à une position horizontale est tout à fait déroutant.
Où est mon centre de gravité ? Je n’en ai plus. Je n’ai plus d’équilibre. C’est une sensation d’apesanteur écrasante, et c’est tout à fait paradoxal. Le bleu et le silence assourdissant de cet univers renforcent la dimension lunaire de l’exploration sous-marine, ponctuée de ces respirations robotiques, style Dark Vador enrhumé.
N’utilisez pas vos bras, ça ne sert à rien pour avancer. N’utilisez pas vos genoux, vos mouvements ne sont pas efficaces et vous vous fatiguez. Respirez par la bouche. Bref, arrêtez de vous comporter comme un bipède terrien.
Inspire, expire
Je le redoutais comme étant potentiellement la pire difficulté, mais respirer grâce à la bouteille est finalement ce qu’il y a de plus facile. Au moins, ça, ça ne change pas : on respire normalement. Pas besoin de coordonner inspiration par la bouche/expiration par le nez comme je me l’étais imaginé : ça ne fonctionne pas comme ça !
L’air contenu dans la bouteille est distribué par un dispositif qui laisse passer l’inspiration (à pression « normale »), et rejette notre expiration dans l’eau : le détendeur. C’est magique : on respire normalement, mais uniquement par la bouche.
La vraie difficulté consiste à prendre de profondes inspirations, de longues expirations, pour ne pas s’épuiser par une respiration trop rapide, nerveuse, saccadée.
Mais parole de meuf qui a fait son baptême de plongée une demi-heure après une crise d’angoisse : l’atmosphère très particulière d’une immersion marine à plusieurs mètres de fond, ça calme. Vraiment.
Sourde et muette
Dans l’eau, le son se déplace cinq fois plus vite que dans l’air : ton cerveau n’a pas le temps de te dire si c’est l’oreille droite ou la gauche qui a entendu un bruit en premier. Impossible de savoir d’où vient un son autour de soi !
Je n’ai pas entendu autre chose que le bruit oppressant et rassurant à la fois de ma propre respiration. Oppressant par sa tonalité très mécanique, caractéristique de ces appareils de respiration artificielle. Mais rassurant par sa régularité apaisante : ce bruit, c’était ma ligne de vie, comme un électro-cardiogramme en métronome. Inspire. Expire. À l’infini.
Il est quasiment impossible de communiquer par la parole, pas seulement parce qu’on n’entend rien : si vous avez bien suivi, on se sert de la bouche pour respirer. Je ne pense pas devoir développer davantage ce point, vous saisissez l’ordre de mes priorités.
On ne parle pas, mais il faut pourtant communiquer, par des gestes simples, qui servent à échanger en continu pendant la plongée. Un dialogue sous-marin retranscrit, ça donne ça :
« OK ? OK. OK ? OK. Débouche tes oreilles. OK. OK ? OK. À droite. Vers le haut. Touche ça. Je touche ça ? OK. Tourne sur toi-même. Débouche tes oreilles. OK ? OK. »
On peut aussi dire « j’ai mal aux oreilles », « ça va trop vite », « j’ai froid », « je veux remonter », « je ne respire plus » et autres signaux de détresse entraînant une réaction immédiate du partenaire de plongée.
Je vois la vie en bleue (à travers un hublot)
Ce fut sans doute la plus grande surprise : je n’étais absolument pas préparée à subir une réduction de mon champ de vision de 180° à 90°C environ.
Porter un masque de plongée revient à porter des oeillères et une visière : on ne voit qu’à travers la vitre du masque, soit une fenêtre extrêmement réduite. Je ne voyais que devant moi, et c’était extrêmement perturbant. Le moniteur m’a tenu par le bras gauche pendant la quasi-totalité de notre immersion, et pourtant, je ne voyais de lui que les signes « OK » qu’il prenait soin d’effectuer devant mes yeux.
Deuxième surprise, qui n’aurait peut-être pas dû en être une, mais que voulez-vous, j’ai sans doute trop regardé Le Monde de Nemo : sous l’eau, tout est bleu. Ça change de la grisaille citadine, et je ne me plains pas de ce filtre azur, qui donne au monde une teinte de sérénité. Mais ça surprend.
Mes attentes
La réalité
Le toucher… à vos risques et périls
Si ça n’avait tenu qu’à moi, je n’aurais jamais mis la main sur quoi que ce soit en-dessous du niveau de la mer. Sérieusement, la biodiversité marine est si incroyable qu’on découvre régulièrement de nouvelles espèces. Et vous voudriez que je touche des choses non identifiées à l’aspect étrange ? Dites donc. Déjà que j’ai accepté de me jeter à l’eau avec des poids, contre toute logique et tout instinct de survie, faudrait pas abuser.
Nous passons au-dessus d’un bosquet (on ne dit sûrement pas « un bosquet » pour parler des algues, mais ça y ressemblait) ; je tente naturellement de prendre de la hauteur, parce que Dieu seul sait ce qu’abrite cette jungle aquatique. Et là, le moniteur me fait le signe « touche » !
…mais ça va pas bien ? Cette personne n’a pas lu Harry Potter, il ne sait pas que c’est EXACTEMENT dans ce genre de végétation que se cachent les Strangulots, ces viles créatures qui t’entraînent vers les fonds pour te noyer ? MAIS ENFIN ???
Aucune attaque de Strangulot n’est à déplorer parmi les stagiaires de l’UCPA (moi-même, j’étais un peu déçue de l’apprendre).La seule conséquence un peu dramatique de cette expérience sensorielle, c’était que toucher ces trucs chelous provoquait chez moi un éclat de rire. Si vous avez déjà entendu mon rire, rappelez-vous que la bouche sert à respirer uniquement, et vous comprendrez pourquoi j’ai bien failli me noyer une demi-douzaine de fois.
Aux extrémités du monde, des paradis hostiles
À peine immergée, j’ai perdu toute notion du temps. J’ai cru plonger des heures, sans voir le temps passer. Le baptême a duré une quinzaine de minutes, mais cette unité de mesure me semble incohérente, inadaptée pour décrire la véritable durée de l’expérience.
En plongée, le temps, c’est de l’air disponible, et c’est sans doute l’unité de mesure qui convient le mieux pour quantifier ce baptême de plongée : c’était une expérience à couper le souffle.
Je ne vais pas vous mentir : mon coeur est montagnard. Je ne suis jamais aussi à l’aise que sur le plancher des vaches, à plusieurs milliers de mètres d’altitude. L’humilité, le respect et l’admiration que je ressens pour la montagne, je les ai ressentis pour les fonds marins, où la main du moniteur remplaçait la cordée du guide.
Aux extrémités du monde, où les sommets caressent les cieux, où les fonds marins flirtent avec les abysses, des paradis hostiles narguent les hommes et tentent les audacieux. Ils m’ont offert mes plus belles découvertes, de celles qui se méritent au prix de l’effort et du dépassement de soi.
Ce baptême de plongée, c’était un premier pas, une première rencontre avec un univers encore plus fascinant que je ne l’imaginais.
Je savais qu’en descendant à une certaine profondeur, les plongeurs s’exposent à un syndrome d’ivresse étrange. Ce que je ne savais pas, c’est qu’en mettant la tête sous l’eau, je n’aurais plus qu’une envie en remontant : y retourner dès que possible.
On n’est pas bien, dites-moi, dans une eau à 15°C ?
– Merci à Marc, sobrement dénommé « le moniteur » tout au long de ce récit. Pas seulement parce que j’ai « survécu », mais surtout parce que j’ai grave kiffé.
Et toi, as-tu déjà fait un baptême de plongée ? Qu’en as-tu pensé ? Viens en parler dans les commentaires !
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Les Commentaires
J'ai commencé la plongée en novembre pour passer mon niveau 1, j'ai tellement aimé que j'ai passé mon niveau 2 en avril. Par contre j'ai choisi un endroit un peu plus chaud pour le passer : Koh Tao.
J'ai écris tout un article pour raconter mon expérience plongée aussi
https://celibatrentenaireparisienne.com/2016/11/30/j-1283-vacances-en-thailande-partie-2/