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Santé

J’étais alcoolique à 25 ans, voici où j’en suis, deux ans plus tard

Quand à 17 ans cette madmoiZelle a commencé à boire, ça a été le début d’une véritable descente aux enfers. Deux ans après son premier témoignage, elle nous raconte sa rechute, et comment elle s’en est sortie.

Mise à jour du 24 mars 2017 — Plus de deux ans après son témoignage sur madmoiZelle, Julie revient nous parler de son combat contre l’alcoolisme, en parallèle de son passage dans l’émission Mille et une vies. Rendez-vous en fin d’article !

Article initialement publié le 9 février 2015

Trigger Warning : ce témoignage évoque une tentative de suicide et peut perturber certain-e-s d’entre vous.

Je ne me souviens plus vraiment quand est-ce que tout ça a commencé. Quand est-ce que j’ai commencé à lâcher prise et perdre le contrôle de ma consommation d’alcool.

Ce que je sais, c’est que c’est arrivé lentement. Telle une maladie sournoise qui se glisse doucement dans le corps d’une personne et infecte tour à tour chaque organe, chaque artère, chaque cellule.

Je ne me souviens plus vraiment de ces soirées, celles passées à boire jusqu’à perdre le contrôle. Bercée par l’ivresse, il m’arrivait de faire des choses que je n’aurais jamais faites en étant sobre. Le produit dévoilait un « moi » différent. Un « moi » sûre d’elle, plus forte, plus drôle.

J’y ai pris goût. J’ai pris goût à cette substance que l’on voit partout. Dans les bars, les soirées, sur les panneaux publicitaires, dans les magazines, sur Internet, à la radio… Ce produit présent partout à l’extérieur s’est collé à moi, s’y est greffé, tel une nouvelle partie de moi, et il ne m’a pas quitté depuis. Et il ne me quittera jamais.

À lire aussi : Ma mère est alcoolique — Témoignage

Une drogue galvanisante

Je crois que mon histoire avec l’alcool commence à partir de la fin du lycée. Ma consommation d’alcool a augmenté lors des soirées étudiantes ; elle passait inaperçue car tout le monde buvait trop.

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Une consommation anormale passe plus facilement inaperçue à l’adolescence, où l’on teste les limites et découvre l’alcool. Pourtant, cette consommation-là peut faire basculer dans l’alcoolisme, car elle augmente les risques de dépendance. Le dossier de l’inserm Alcool et santé : bilan et perspectives explique en effet que :

« Des travaux montrent que l’exposition précoce à l’alcool, que ce soit in utero ou à l’adolescence, serait un facteur de risque considérable de dépendance ultérieure. […]

Jusqu’à l’âge de 20 ans, le cerveau continue de se développer. La consommation d’alcool au cours de cette période perturbe le développement normal du cerveau et augmente le risque de dépendance. »

Avant ça, j’étais ce que beaucoup considèrent comme une jeune fille exemplaire. J’exécrais l’alcool, le tabac, la viande rouge et les aliments frits. Je me couchais tôt, je buvais un litre d’eau par jour, et prenais autant de douches qu’il était possible d’en prendre.

Ces « bonnes habitudes » ont disparu lentement à cause de l’alcool. Je me souviens encore de ces jours où je ne me lavais pas et où j’enfilais rapidement un jean et un t-shirt pour aller acheter ma « dose ».

L’alcool est une drogue. Pour moi, il s’agit même d’une drogue dure. Dont il est difficile, voire impossible, de se détacher.

L’alcool est de fait bien considéré comme une drogue, et le processus de dépendance est le même, comme expliqué dans le dossier de l’inserm :

« La dépendance à l’alcool (comme pour les autres drogues) est liée à son usage répété, excessif et compulsif.

L’individu perd le contrôle de sa consommation, devient tolérant aux effets négatifs et présente un syndrome de sevrage quand l’administration cesse : confusion, tremblements, voir des crises de convulsion. Le risque de récidive est élevé et prolongé après une période d’abstinence ou de réduction. »

Des effets positifs ? Il y en a, oui. Mais ce sont des effets aussi concrets que l’illusion d’être en bonne santé alors qu’on vous annonce que vous avez un cancer en phase terminale.

Avec l’alcool, vous avez l’impression d’être plus fort-e, moins timide, plus téméraire. 

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Vous osez faire et dire des choses que vous ne pourriez ni dire ni faire sans cette boisson. Une chaleur inonde votre corps, de vos pieds jusqu’à la racine de vos cheveux, et vous vous sentez mieux.

Les tracas du quotidien s’évanouissent dans cette brume euphorisante.

À lire aussi : L’alcool change-t-il la perception de soi ?

Une autre personne

Avec l’alcool, je me sentais libre. J’étais capable de tout.

D’ailleurs, je me suis une fois retrouvée en haut d’un échafaudage de dix mètres « grâce » à ça. Je n’ai pas ressenti de peur sur le moment. Même pas lorsque j’ai atteint le toit de l’immeuble, lorsque le vent fouettait mon visage.

Ce n’est que le lendemain, lorsque les effets de l’alcool se sont évaporés, que j’ai pris conscience de la bêtise incommensurable de mon acte et du risque fatal qu’entraînait l’ascension du toit.

Ceci dit, lorsque je me suis retrouvée tout en haut, je me suis sentie libre et puissante. Mon coeur battait la chamade, je respirais vite, mais je me sentais vivante.

L’effet désinhibant de l’alcool est bien connu (toujours selon l’inserm) :

« L’alcool agit directement sur le cerveau avec des conséquences variables sur le comportement en fonction de la dose ingérée.

Pour des alcoolémies inférieures ou égales à 0,50 g/l, l’éthanol a un effet stimulant qui s’accompagne d’une désinhibition : les tâches cognitives sont exécutées plus rapidement et avec une sensation subjective de facilité mais avec un taux d’erreurs accru.

Au-delà de 0,50 g/l, il a un effet sédatif et perturbe les fonctions motrices (perte d’équilibre, de la coordination des mouvements). Ces effets dépendent également d’une sensibilité individuelle aux effets de l’alcool qui s’explique en partie par des facteurs génétiques. »

J’ai longtemps eu besoin de faire ce genre de choses pour me sentir exister. N’ai-je pas commencé à flirter grâce à l’alcool ?

Avant de commencer à boire, les garçons ne m’intéressaient pas. Mais une fois que j’ai commencé à consommer, mes envies « lubriques » sont apparues. Lorsque je sortais avec mes amies, j’étais toujours en quête d’un partenaire de soirée.

J’étais totalement désinhibée et prête à tout.

C’est donc en toute logique que j’ai perdu ma virginité en étant sous l’influence de l’alcool. J’avais rencontré un garçon sur Internet et même s’il ne me plaisait pas physiquement, je l’ai fait.

Nous avons passé la soirée dans un hôtel bas de gamme, alternant bières et vodka sur fond de musique électronique. Lorsque j’ai été suffisamment ivre pour ne plus être dans la retenue, je l’ai embrassé et j’ai posé sa main sur ma poitrine.

La suite ? Je vous laisse deviner.

Encore une fois, ce n’est que le lendemain que j’ai pris conscience de mon acte, que j’ai amèrement regretté. Je me suis sentie souillée, et j’avais l’impression d’avoir été forcée. Pourtant, ce garçon ne m’a jamais menacée ou incitée.

Je sais cependant avec certitude que je ne l’aurais jamais touché ni laissé me toucher si je n’avais pas bu d’alcool. C’est l’alcool qui m’y a poussée.

Je me souviens encore de la douleur de l’acte, et de cette tache de sang sur le drap. Je me souviens aussi de la longue douche chaude que j’ai prise le lendemain, comme pour me purifier.

Je n’ai pas eu de relations sexuelles les deux années qui ont suivi cette première fois.

À lire aussi : Un poème sur l’alcoolisme qui va vous flinguer

L’alcool, mon fidèle compagnon

J’ai toujours eu des relations compliquées avec les garçons. Je m’investissais trop émotionnellement et je n’en ressortissais jamais indemne. Ma première vraie relation sentimentale date d’il y a deux ans.

J’ai toujours donné plus que je n’ai reçu, et, lorsque nous avons rompu, l’alcool fut le remède contre la peine que j’avais.

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À cette époque, je buvais dès le matin, jusqu’à la fin de journée. L’alcool était une amante idéale. Toujours fidèle au poste, présente dès que j’avais besoin d’elle.

Accessible, car peu chère, je n’avais aucun mal à m’en procurer. Il m’arrivait même de faire les poches des manteaux de mes parents, ou de fouiller dans le sac de ma mère pour trouver un peu de monnaie qui me permettrait d’en acheter.

Je n’avais plus goût à rien, hormis celui de boire jusqu’à l’ivresse.

L’ivresse, parlons-en. C’était ce qui me plaisait le plus.

Je me fichais du goût et de la qualité de l’alcool que je buvais. Il fallait juste que ça fasse effet, et ce rapidement. Je buvais donc de la bière forte, et je la buvais le plus vite possible.

Une chaleur envahissait tout mon corps, bien plus diffuse et subtile que la chaleur qui vous envahit lorsqu’on vous injecte un produit lors d’un scanner. L’ivresse était totale.

Jusqu’à ce moment où mon estomac n’a plus réussi à supporter ce trop-plein d’alcool bu en un temps limité. Je finissais alors souvent à genoux, les coudes posés sur la cuvette des toilettes, me vidant les intestins jusqu’à ne plus rien avoir dans le ventre.

Je me sentais si apaisée lors de mes consommations d’alcool. Tous mes tracas, du plus infime au plus grave, disparaissaient soudainement.

Je me sentais libre de faire ce que je voulais, et je me sentais plus belle, plus intelligente. Tout semblait plus beau et joyeux. Le monde m’apparaissait de manière différente, et j’aimais la vision que j’en avais lorsque je buvais.

À lire aussi : « Et toi comment tu bois », l’enquête sur la consommation d’alcool des étudiants

Quand l’alcoolisme passe inaperçu

Mon alcoolisme est passé inaperçu pendant des années, aussi improbable que cela puisse sembler. Mes amis n’y ont jamais fait attention. On buvait tous trop en soirée, donc c’était facile de cacher « ça » derrière l’excuse de la festivité.

Quant à mes parents, ils ne me voyaient pas ivre car je buvais la nuit ou lorsqu’ils s’absentaient.

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Je cachais les bouteilles dans une valise sous mon lit. À l’époque, je prétextais souvent un mal de tête ou un mal de ventre pour rester dans mon lit la journée et récupérer de ma cuite nocturne.

J’ai effectué une véritable descente aux enfers, sans que personne ne fasse le lien avec ma consommation.

L’alcool me fatiguait et bouffait tout mon temps.

J’ai fini par tout laisser tomber, j’ai abandonné mes études et les quelques jobs que j’avais pu faire au tout début de mon alcoolisme, et je me suis complètement renfermée sur moi-même, perdant contact avec la plupart de mes ami•e•s.

Mes parents ont été déçus que j’arrête tous mes projets d’études et professionnels, mais ils ont cru que c’était de la mauvaise volonté ; ils ont été assez cool, et ils se sont dit que j’avais juste besoin de temps pour trouver ma voie.

L’alcoolisme fait autant de ravages notamment parce qu’il n’est que très difficilement considéré comme une « vraie » maladie, et masqué par le déni qui l’entoure trop souvent.

Dans l’article du Figaro Pourquoi si peu de malades alcooliques sont-ils soignés ?, le professeur Michel Lejoyeux analyse ainsi que :

« La maladie alcoolique est également frappée de déni parce qu’elle angoisse ceux qui boivent sans difficulté et s’étonnent qu’un produit en apparence banal, agréable et convivial puisse provoquer des maladies.

Il a bien été montré qu’en France la culture de l’alcool et de l’art de vivre rend moins vigilant aux signes de la dépendance. La prise de conscience a eu lieu pour la dépendance aux drogues illicites, au tabac.

Elle tarde pour l’alcool, tant ce produit apparaît avant tout comme hédoniste, comme un bon produit ou un « produit du terroir ».

Cette non-reconnaissance collective des dangers de l’alcool favorise les comportements de déni individuels. Elle encourage l’attitude des malades qui disent « je bois comme tout le monde ».

Les personnes en difficulté avec l’alcool sont ainsi exposées à un double déni. Leur maladie n’est pas considérée comme une vraie maladie, mais parfois comme un manque de volonté, un « vice » ou une « faiblesse ».

Dans le même temps, leur comportement paraît incurable au nom de fausses croyances difficiles à combattre comme « Qui a bu boira ». »

Tout a éclaté quand moi j’ai pris conscience du fait que j’avais un problème, lorsque j’ai réalisé que je ne me levais de mon lit que pour boire, et lorsque je me suis mutilée en étant sous alcool. Mon cerveau a tiré la sonnette d’alarme, et je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose.

C’est là que j’ai fait une tentative de suicide en prenant des cachets et de l’alcool. J’avais 20 ans.

Ma mère a alors trouvé la valise sous mon lit avec tous les cadavres de bouteilles. Mon addiction a éclaté au grand jour.

Ma mère était sous le choc lorsqu’elle a appris que j’étais alcoolique. Elle s’en est voulue de ne rien avoir remarqué. Elle m’a tout de suite pris rendez-vous dans un centre d’addictologie pour que je puisse en parler avec un professionnel.

Mon père avait ses problèmes à lui, donc je ne me souviens pas de sa réaction, ni celle de mes amis, vu que je ne les voyais plus beaucoup. J’ai juste révélé ma maladie à une amie cette année, et elle m’a tout de même dit qu’elle avait bien vu que quelque chose n’allait pas.

À lire aussi : Lettre d’amour à une amie alcoolique

La lutte contre la maladie

Après ma prise de conscience, je pensais cependant que je pourrais à nouveau consommer de l’alcool « normalement », je ne me rendais pas bien compte de ce que j’avais.

Il m’a fallu plusieurs sevrages à l’arrachée et plusieurs rechutes pour enfin réussir à vraiment réaliser et mettre des mots sur ma maladie.

Contrairement à certaines idées reçues qui persistent, l’alcoolisme est bien une maladie. Comme défini par l’inserm,

« L’addiction à l’alcool est une maladie chronique et hautement récidivante en dépit des traitements, notamment en cas d’association avec un terrain anxieux ou dépressif.

Elle entraîne de nombreuses complications hépatiques, cardiovasculaires et neurologiques ainsi que des cancers. »

Les premières tentatives de sevrage ont échoué car je n’avais pas bien conscience de ma maladie et j’avais encore beaucoup de problèmes qui ont fait que je replongeais tout le temps, pour me soulager de mes soucis.

J’ai finalement décidé de me faire hospitaliser au Centre Gallouedec au Mans. C’est un centre où un service est réservé aux « soins de suite » concernant l’alcoolisme.

On y va une fois que notre sevrage physique est fait, ce qui prend généralement une à deux semaines.

J’ai effectué mon sevrage physique grâce à l’aide de mon médecin généraliste. Il m’a prescrit du Seresta, et j’en ai pris pendant quelques semaines. Le sevrage s’est bien passé, même si j’avais du mal à dormir, des sueurs nocturnes, des angoisses, etc.

L’alcoolisme a des conséquences terribles, parfois mortelles : il s’agit en effet de la « deuxième cause de mortalité prématurée en France », toujours selon l’inserm. En effet :

« Certaines maladies sont exclusivement attribuables à l’alcool, notamment la cirrhose alcoolique ou des atteintes neurologiques comme le syndrome de Korsakoff. Pour d’autres pathologies, l’alcool constitue un facteur de risques.

C’est le cas de certains cancers notamment des voies aérodigestives supérieures (bouche, pharynx, larynx, œsophage), du foie, du sein ou encore du cancer colorectal ainsi que des maladies cardiovasculaires (hypertension artérielle, cardiopathie ischémique).

Par ailleurs, des troubles cognitifs sont observés chez plus de 50 % des personnes alcoolodépendantes et sont lentement réversibles : altération de la mémoire, inadaptation de certains mouvements, etc. »

À ces dommages physiques s’ajoutent les problèmes de comportement qui peuvent atteindre des proportions dramatiques :

« La consommation excessive d’alcool entraîne parallèlement des problèmes de conduite et des dommages sociaux.

En 2006, les tribunaux ont prononcé plus de 271 condamnations pour homicide involontaire sous emprise de l’alcool et dans 28% des cas de violences conjugales enregistrées en région parisienne, l’auteur consommait régulièrement des quantités importantes d’alcool. »

J’ai ensuite passé un mois au centre, et j’ai beaucoup appris sur ma maladie. J’ai rencontré des personnes avec un vécu incroyablement dur et triste qui ont su se relever face aux épreuves de la vie.

Cela m’a aidé à surmonter celles que je rencontrais.

J’y ai fait beaucoup d’activités ; de l’art thérapie (chant, expression corporelle), de l’affirmation de soi (jeux de rôles et mise en situation), des groupes de paroles où l’on lisait des lettres d’un médecin à son patient alcoolique et dont on discutait ensemble, etc.

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Une jeune femme prend conscience de son alcoolisme dans le joli film Smashed.

Le séjour s’est très bien passé. J’ai été prise en charge par une équipe soignante très impliquée et sympa, et le groupe de patients était cool aussi. Je me suis bien intégrée, même si j’étais la plus jeune patiente — les autres avaient au moins 40 ans.

La dernière tentative de sevrage a fonctionné car j’ai vraiment compris que je ne pourrai plus jamais boire d’alcool. Et tout ce que j’ai appris au centre a consolidé le sevrage.

En conclusion

Désormais, j’ai 25 ans. Je gère très bien mes envies d’alcool. À vrai dire, l’alcool n’est plus une obsession et me dégoûte carrément. En soirée, je m’en passe très bien, et je profite beaucoup plus en étant sobre.

Le séjour au centre m’a vraiment aidée et je me sens apaisée sur ce point. Mais je sais qu’une rechute peut toujours arriver, donc je reste prudente. J’ai des projets professionnels et je me sens beaucoup mieux !

L’alcoolisme n’est pas un vice, c’est une maladie qui peut toucher n’importe qui. Alors si vous sentez que vous perdez le contrôle de votre consommation, n’hésitez pas et prenez contact avec un centre d’alcoologie.

Mise à jour du 24 mars 2017 — Je reviens, deux ans après la publication de mon témoignage, pour vous faire part de la suite de mon combat contre cette foutue maladie, l’alcoolisme.

Parallèlement à la publication de mon témoignage en 2015, j’ai rechuté. Cela s’est fait d’un coup, et ça a été une véritable descente aux enfers.

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La rechute de l’alcoolisme

J’ai été prise d’une envie irrésistible d’alcool un samedi soir, et je n’ai pas réfléchi. Je suis sortie de chez moi et je suis allée acheter quelques canettes de bières, que j’ai bues très vite.

Le lendemain, je n’avais pas une gueule de bois énorme, mais pas autant que mes regrets.

En fait, tous les efforts que j’avais fournis lors de mon séjour post-cure me semblaient lointains, presque inexistants, et j’ai sombré, buvant quasi-quotidiennement.

Cela a empiré jusqu’à la fin du mois de mars 2015. J’ai atteint le stade où j’étais tout simplement en train de me laisser mourir, ne mangeant plus, n’ayant plus le goût de vivre.

Je me suis donc faite interner de mon propre chef au CHS (Centre Hospitalier spécialisé) du coin le 1er avril.

J’y suis restée onze jours, et j’y ai réappris à vivre.

Ne serait-ce qu’en prenant un petit-déjeuner, lisant, dormant, discutant avec d’autres patients aimant rester au soleil le plus longtemps possible (ce qui m’a valu d’énormes coups de soleil, car je suis très pâle et je prends un traitement à base d’antidépresseurs qui favorisent les allergies au soleil, on adore).

Addictologue, hôpital de jour et guérison

Je suis sortie de l’hôpital psychiatrique en ayant enfin le sentiment d’avoir tourné la page et vaincu ma dépression, et mis un terme à ma consommation excessive et morbide d’alcool.

Cette fois, j’ai continué à voir mon addictologue et j’ai aussi, durant deux mois, passé trois demi-journées par semaine en hôpital de jour.

Ces demi-journées m’ont permis de reprendre goût au sport et à d’autres activités. Encore mieux, je me sentais vraiment plus à l’aise socialement parlant.

J’avais rechuté car j’étais très complexée par mon corps, ne supportant pas les kilos que je n’arrivais pas à perdre.

Et ce n’est qu’en changeant de traitement lors de mon séjour à l’hôpital que j’ai réussi à VRAIMENT perdre du poids et me réapproprier mon corps. Ça a aidé.

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Je suis beaucoup plus à l’aise avec mon corps, et j’ai aussi vraiment gagné en aisance concernant mes rapports sociaux.

Je discute volontiers avec n’importe qui, et j’ai même tendance à être trop bavarde !

Nous sommes en mars 2017, et je vis depuis presque deux ans avec mon copain. Si je n’ai pas repris d’études, je suis actuellement à la recherche d’un emploi, ayant pour espoir de trouver un job qui pourrait correspondre à mes centres d’intérêt : la lecture et le cinéma.

J’ai d’ailleurs commencé à écrire ce qui, je l’espère, deviendra un livre qui racontera précisément, sans censure, de manière simple mais brute et vraie, mon alcoolisme… ainsi que tout ce qui s’est greffé à cette addiction et aurait pu me conduire à un destin ô combien sombre, voire funeste.

Ces heures à l’hôpital ont donc été très salvatrices, je n’ai eu aucune réalcoolisation ou rechute depuis.

Je peux désormais dire que je suis réellement sortie de cette putain d’addiction, et que j’ai comme leitmotiv de rendre une de mes tantes fière de moi, même si elle n’est plus là.

De l’importance de l’inspiration pour lutter contre l’alcoolisme

Son combat contre un cancer a été un exemple très fort pour moi, et je me suis jurée, lors de ses derniers instants de vie en soins palliatifs et après son décès, de tout mettre en oeuvre pour ne jamais sombrer à nouveau.

Cette tante chère à mon coeur est la personne qui m’a le plus inspirée, et j’ai toujours du mal à me dire qu’elle n’est plus parmi nous, les vivants.

Elle me manque cruellement, et j’ai le sentiment sûrement naïf qu’elle peut me voir de là où elle est, et qu’elle est quand même fière de moi, car de son vivant, elle m’encourageait déjà, et elle savait très bien que je réussirais.

Encourager sans juger était une de ses nombreuses qualités. Une qualité qu’on ne peut malheureusement pas trouver chez beaucoup de personnes de mon entourage.

C’est pour elle, mais aussi pour les autres, les personnes de mon âge, les plus jeunes, les plus âgées, que j’ai témoigné dans l’émission Mille et une vies diffusée ce jeudi 23 mars sur France 2 à 14h.

Le replay est disponible en cliquant ici.

Je n’aurais jamais pensé avoir cette superbe opportunité de parler de ma maladie à la télé et de pouvoir diffuser un message positif mais aussi informatif de manière plus vaste qu’avec mon témoignage sur madmoiZelle.

Hélas, une émission ou un témoignage écrit ne peut pas contenir tout ce que j’ai vécu durant ces années d’errance, de doute, d’auto-mutilation, alors j’espère vraiment pouvoir faire publier mon futur livre afin de transformer ce que j’ai connu de plus sombre en une expérience lumineuse et ô combien thérapeutique.

Le combat continue !

Pour aller plus loin :

À lire aussi : Comment j’ai arrêté de boire — Carnets de sobriété #3

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Les Commentaires

21
Avatar de Tinou15
1 avril 2017 à 18h04
Tinou15
J'ai trouvé ce témoignage très touchant. Ça ne doit pas être évident d'aborder ce sujet d'autant plus que ce sujet reste à mon sens encore un peu tabou dans notre société.

Dans le cadre professionnel, j'ai parfois affaire à des personnes confrontées à une problématique addictive et cet article m'a beaucoup intéressée car il aide un peu à appréhender ce qui se joue pour la personne.

Je tenais à féliciter l'auteure de cet article d'avoir eu le courage de témoigner et d'essayer de faire ressortir quelque chose de positif de son expérience.
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