Initialement publié le 22 septembre 2015
Teaser : des photos-dossier se sont glissées dans cet article.
Le sport et moi, à l’origine, on partait pas fâchés. Derrière la maison de mes parents, il y avait un terrain de foot, encadré par une piste d’athlé, une zone de saut en longueur, et deux terrains de tennis (une surface dure, et une terre battue). J’avais tout sous le nez pour devenir une athlète accomplie, et avoir autant d’espace en libre accès quand on est enfant, c’est le kif absolu.
Et puis, comme la plupart des trucs qui sont cool à faire quand on a six ans, le sport est devenu relou dès que les adultes s’en sont mêlés. Très vite dans ma tête, il s’est opéré une dichotomie entre « courir derrière un ballon avec mes ami•es », et « faire du sport », qui pouvait être la même activité, mais pratiquée à l’école.
Quand les adultes s’en mêlent…
Le sport à l’école, c’était beaucoup de consignes, beaucoup de contraintes, et très peu de fun. Avec le recul, je comprends bien que c’était aussi important de nous expliquer les règles des différentes activités, mais en vrai, ce que j’ai retenu des codes du basket et du foot, je l’ai appris en regardant les Jeux Olympiques et les compétitions internationales avec mon père.
À lire aussi : Je suis une fille et j’aime le foot
Au collège, le sport est carrément devenu un supplice pour de trop nombreuses personnes de mon entourage. Chacun•e trouvait une raison de détester ce cours ; que ce soit à cause de l’épreuve des vestiaires collectifs à un âge où le sentiment de pudeur est sans doute à son paroxysme, à cause de l’absence ou de l’excès de discipline pendant l’heure ou deux consacrées aux activités, à cause de la difficulté des exercices… les raisons de détester ces moments étaient légion.
Pour ma part, ce sont les barèmes d’évaluation qui m’ont toujours laissée perplexe. Je ne comprenais pas pourquoi on distinguait la notation des garçons et des filles, alors qu’on ne prenait pas en compte par exemple la taille et le poids, qui me semblaient être des critères bien plus pertinents et déterminants pour jauger les performances.
D’accord, aux JO d’Atlanta en 1996, je voyais bien que les hommes et les femmes jouaient séparément, mais au judo par exemple, il y avait bien des catégories de poids ! Et à nos âges pré-pubères, honnêtement, la distinction par sexe n’avait pas beaucoup de sens…
À lire aussi : Zlatan méprise le football féminin (et il a tort)
Le sport : du désamour à la rupture
Je détestais les standards associés à ce système d’évaluation : « la meilleure des filles » n’était en quelque sorte « que » la meilleure des filles — sous-entendu « c’est plus facile » que de surpasser des garçons. Mais à l’inverse, il y avait toujours quelques filles pour avoir de meilleurs résultats que certains garçons, et alors là, c’était l’opprobre absolue.
« Tu vas pas te laisser battre par une fille ! » répondaient trop souvent les profs, entre autres interpellations semi-moqueuses, qui se voulaient sans doute encourageantes, mais qui se vautraient dans le sexisme ordinaire le plus méprisant. L’insulte était double, puisque les deux genres étaient rabaissés, l’un par rapport à l’autre.
À lire aussi : Les stéréotypes de genre sont dangereux pour la santé
https://instagram.com/p/ekWmQqC7Lr/
Moi quand un adulte disait à un garçon « tu vas pas perdre contre une fille ! »
En bref, en quittant le collège, j’avais bien appris deux leçons essentielles : j’étais « pas une matheuse », mais c’était pas grave parce que j’étais « littéraire », et j’étais « nulle en sport », mais c’était pas très important parce que j’étais « une intellectuelle »…
À lire aussi : Sexisme dans le sport : c’est bientôt fini, oui ?
Au lycée, la rupture entre le sport et moi était consommée. On n’avait « pas le temps pour l’échauffement » les jours d’évaluation, ce qui me valait inlassablement entorses et claquages, parce que hé, scoop : quand on passe sa semaine et sa journée le cul vissé sur une chaise, et que tout à coup, sans préavis, on se lance au triple galop vers le filet pour renvoyer un volant critique, en freinant brusquement, étrangement, l’organisme proteste un peu, voire lâche carrément !
À lire aussi : Les pires conseils qu’on m’a donnés – Le sport
C’est ainsi que d’accidents en dispenses, le sport et moi, on a coupé les ponts. Pourtant, à une époque, c’était bien.
Le sport et moi, l’époque des kifs
En dehors de l’école, le sport et moi, on s’entendait bien. Mais un peu à l’image de Jimmy et Gretchen, le couple-qui-s’ignore de la série You’re the Worst, on vivait notre relation dans le déni. Je détestais l’endurance et j’aimais pas le foot, mais j’adorais les randonnées estivales en montagne, et je tenais volontiers les buts pour mes frères et leurs amis. Voilà…
De colo en voyages, de vacances en week-end, je me tournais de plus en plus souvent vers des activités ludiques pour occuper mes moments de détente. Il était loin le temps où je geignais que « j’aime pas marcher ! » : désormais c’était moi qui réclamais des escapades dans les Vosges, le temps d’une journée à ramasser des myrtilles.
La découverte de l’accrobranche m’a séduite immédiatement, et je suis rapidement passée aux via ferrata, plus faciles et plus variées que l’escalade sur parois naturelles (et plus impressionnantes aussi !).
Au fil des ans, sans m’en rendre compte, j’avais développé un goût pour « les activités de plein air ».
Tombera ? Tombera pas ? Extrait d’une épique vidéo du Mud Day 2013 !
« Le culte de la performance » et l’impossible réconciliation
Mais le sport dans ma tête, c’était l’ennemi de mon bien-être, et c’était pourtant bien avant que le culte de la minceur ne prenne les avatars du « healthy » et du « fitspo », c’est-à-dire la contraction de « fitness » et « inspiration ».
À lire aussi : Le thigh gap, l’obsession minceur qui prend de l’ampleur
Faire du sport, c’était capituler face à la pression sociale, au culte de la minceur
Impossible pour moi de m’inscrire à une activité hebdomadaire, ou d’en pratiquer une par moi-même régulièrement. « Faire du sport » comme ça, en salles ou dans la ville, ça ne pouvait pas être un plaisir, ça n’avait rien à voir avec ceux que je m’offrais en vacances.
C’était capituler face à la pression sociale, l’injonction à avoir « un corps sain » et donc nécessairement mince et svelte ; je refusais d’investir la moindre énergie à poursuivre l’illusion du ventre plat.
Sophie parle bien mieux que moi de ce paradoxe dans lequel on peut se retrouver coincée, à force d’être bombardée de messages contradictoires. Entre « sois-belle et tais-toi » et « ne cède pas à la pression sociale, aime ton corps », on ne sait plus si faire un jogging c’est se faire du bien, ou trahir sa cause.
À lire aussi : L’été où j’ai appris à aimer mon corps
Et puis, surtout, je suis « nulle en sport », je vous rappelle.
Le sport : du défouloir au kif
Lorsque je suis arrivée à Paris, je suis tombée directement dans une « routine d’adulte » : métro, boulot de 9h à 19h, re-métro, dodo, avec des déjeuners de deux heures au resto à midi, des plats à emporter ou à réchauffer le soir, la flemme, la fatigue de l’habitude, et je me suis sentie dépérir.
Au début, c’était juste « sortir 30 minutes », et j’en courais dix.
Alors, en attendant de pouvoir gambader dans les Alpes l’été prochain, je me suis mise à faire du jogging, l’air de rien. Au début, c’était même pas « du jogging », c’était juste sortir pendant une demi-heure pour prendre l’air (même si à Paris, il est plutôt pollué).
Ma règle, c’était de quitter mon appartement avec juste mes clés, pas de sac ni de téléphone, dans une tenue confortable. Je courais dix minutes puis j’étais essoufflée, alors je continuais en marchant. Mais de jour en jour, je courais de plus en plus longtemps.
À l’approche de l’été, comme je préférais finir mes journées en terrasse, entre amis, je calais ma demi-heure de « défoulement » le matin, au saut du lit. J’avalais vite fait une barre de céréales si j’avais la dalle, et je sortais faire ce qui était désormais un petit footing durant 30 à 40 minutes.
Je ne me forçais jamais : si le réveil était trop brutal, je restais sous la couette. Hors de question de me faire violence. Mais mon retour au sport a été si progressif que j’étais plutôt frustrée de ne pas pouvoir sortir tous les jours (quand il pleuvait ou que j’avais des rendez-vous trop tôt).
Comme ça, sans prévenir, je m’étais réconciliée avec « le sport », tout en refusant toujours de l’appeler par son nom. C’était « un défouloir », et rien d’autre.
Grâce au sport, j’ai un nombre infini de photos dans mon album « mon meilleur profil »
Eh mais… j’aime le sport, en fait ?
À la rentrée 2011, c’était décidé : j’allais m’inscrire à une activité. Mais laquelle ? L’idée d’un sport collectif me tentait bien (histoire de faire des rencontres aussi) (jugez pas) mais les options les plus évidentes restaient entachées de mauvais souvenirs d’école…
En égrenant la liste des possibilités offertes sur Paris et sa région (et elles sont nombreuses !) je tombais sur un vieux rêve d’enfance : une patinoire proposait des cours de HOCKEY SUR GLACE. Est-ce que je sais patiner ? Non. Mais il en fallait bien plus que ça pour m’arrêter. Après un cours d’essai, je m’engageais pour un an de hockey, et vous savez quoi ? L’année suivante, j’ai rempilé.
C’est fou : pendant toutes ces années, j’étais restée sur ces sentiments d’échec à répétition et de frustration, persuadée que « le sport » en était à l’origine, alors que c’était plutôt cette période de l’adolescence et le contexte du collège/lycée qui en étaient la cause !
Tous les lundis, je traversais Paris une crosse de hockey sur l’épaule, mes patins en bandoulière, et c’était cool. J’étais pas assez douée pour jouer avec les adultes, alors les moniteurs m’avaient proposé de rester plutôt avec le groupe des jeunes, qui avaient entre dix et quatorze ans.
Après avoir passé huit heures de ma journée en tailleur dans un bureau triste, faire des courses-poursuites en patins avec des gamins qui avaient hésité à me vouvoyer au début de l’année, c’était le pied.
T’as cru que je plaisantais ? Je ne plaisante pas avec le hockey.
Tous les courts sont permis !
Galvanisée par mon expérience avec le hockey, je me suis senti pousser des ailes. Rien ne m’arrête, dans quatre ans, je fais les JO (minimum). Je voulais faire plus de sport, découvrir d’autres activités qui m’avaient toujours intéressée, mais que je m’étais bien gardée d’essayer, rapport que « je sais pas rattraper une balle ».
En creusant un peu (vraiment pas très profondément, parce que leur logo était partout dans la patinoire), j’ai découvert que c’était l’UCPA qui gérait l’espace Pailleron, où je pratiquais le hockey sur glace.
« UCPA », ce sigle me disait vaguement quelque chose. J’ai pas fait un voyage scolaire avec eux, une fois ? Si, même deux, c’était super d’ailleurs, la preuve, je m’en souviens… Mais c’est que pour les jeunes, non ? Non, pas du tout ! Cette année-là, je me suis perdue dans leur catalogue, totalement enthousiasmée par le nombre de séjours et d’activité ouverts à celles et ceux qui n’en ont « jamais fait ».
On ne va pas se mentir : le jour où je suis arrivée à Bois-le-roi, pour un « week-end tennis » en n’ayant jamais tenu une raquette de ma vie, je n’en menais pas large. Je m’attendais à souffrir, à me faire engueuler par un prof de sport lassé de me voir rater la balle pour la 12 657ème fois d’affilée. Je ne pouvais pas me tromper davantage !
J’y suis retournée plusieurs fois, avant de m’inscrire à des cours de tennis hebdomadaire à la rentrée suivante.
Ce sont ces week-ends qui m’ont inspiré l’un de mes premiers articles sur madmoiZelle (en parallèle de la campagne présidentielle que je chroniquais assidûment), J’ai testé pour vous : le stage sportif UCPA.
https://instagram.com/p/u3sdbnTP1l/
Oh ! Mais… Bonjour Novak Djokovic, que faites-vous dans mon article ? Restez, restez, mettez-vous à l’aise…
Le sport et moi : une passion fusionnelle
Depuis, le sport et moi, c’est à la vie, à la mort. Et comme je n’ignore pas que « pratiquer une activité physique régulière aide à rester en bonne santé » (merci manger-bouger.fr), c’est plutôt « longue vie » en perspective.
La pratique sportive régulière m’a surtout apporté un véritable confort de vie. J’ai longtemps pensé que j’étais condamnée à être essoufflée dans les escaliers, à ne pas pouvoir courir plus de dix minutes sans cracher un poumon, et sans y paraître, j’ai gagné en endurance et en aisance dans l’effort. De boulet que je traîne en fin de journée, mon corps est devenu un allié et un ami.
À lire aussi : Lettre ouverte à mon corps que j’ai décidé d’aimer
En octobre 2012, j’ai même bouclé mon premier semi-marathon. J’ai jamais retrouvé sur Facebook le prof de sport qui m’avait dit que « j’avais pas d’endurance », et c’est bien dommage, j’avais une photo sympa à lui montrer.
21 kilomètres et 2h30 plus tard, j’ai une médaille en pacotille et un sourire de vainqueur ! C’est pas encore l’or olympique, mais la fierté était bien là !
Je me suis inscrite en salle de gym, pour avoir un accès permanent à « mon défouloir » comme je l’appelle, et profiter des conseils des coachs pour m’aider à me décrasser convenablement avant de partir pour des stages plus intensifs au moment des vacances.
À lire aussi : La salle de sport, ce monde pas si inaccessible
La suite, vous la connaissez : ma réconciliation durable avec le sport m’a ouvert les portes de nouveaux univers, comme celui de la plongée, une activité que je ne serais probablement jamais allée tester de moi-même, et pourtant, dès le baptême, ce fut le coup de foudre.
À lire aussi : J’ai testé pour vous… l’école de plongée de Niolon
Une idylle qui a continué au sud de l’Égypte, en Mer Rouge.
Forcément, après avoir flirté avec pareils horizons, le retour à la grisaille citadine est un sacré coup au moral. Mais que ce soit par la pratique hebdomadaire ou lors d’escapades ponctuelles le temps d’un week-end, je renoue régulièrement avec l’ivresse de l’effort et le goût de cet épuisement ressourçant.
Et toujours au top du top du swag et du style, bien entendu
Épilogue
Le sport s’est avéré être un fabuleux vecteur de rencontres, bien avant d’être un terrain de compétition ! À chaque nouvelle expérience, je fais aussi de nouvelles rencontres, et je reviens de mes week-ends et voyages UCPA avec une flopée de nouveaux contacts Facebook, qui deviennent en fait des potes de virées sportives en pleine air, toujours partant•es pour un apéro « revival », histoire de continuer à savourer les vacances après le retour à Paris.
Et si j’ai fini par avoir une médaille olympique autour du coup, c’était pas grâce à mes performances, mais bien à l’occasion d’une très belle rencontre !
On avait reçu Coline Mattel, médaillée de bronze en saut à ski, pour une interview vidéo !
- À lire aussi : tous nos articles sur les madmoiZelles et leur sport
Et toi, quel est ton rapport au sport ? Tu en pratiques régulièrement ? Pourquoi ? Viens en parler dans les commentaires !
À lire aussi : Marion & Sophie ont plongé avec l’UCPA !
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Les Commentaires
Même aujourd'hui si je ne fais plus de sport je reste "tonique" je marche beaucoup (Musée de Fourvière-> Confluence à pied ? Tranquil ! On est au Panthéon et on doit aller à l'opéra ? On va pas prendre le bus, vient à pied c'est pas loin (oui par contre j'ai une notion du "pas loin" un peu étrange pour mes amis je crois)).
Cette année je reprends l'escrime !