Son témoignage vidéo pour Konbini a fait le tour des réseaux. Dans la nuit du 1ᵉʳ au 2 juillet, Hedi, jeune marseillais de 21 ans, a été touché d’un tir de LBD qui l’a défiguré. Le jeune homme raconte son passage à tabac par la BAC (Brigade anti-criminalité) qui l’aurait « laissé pour mort ».
Suite à cette agression, quatre agents de police ont été mis en examen pour violence en réunion. Si leur identité n’est pas connue du grand public, une nouvelle enquête de Mediapart, parue le 31 juillet, révèle que l’un d’entre eux, David B., serait mêlé à une affaire de violence similaire, survenue cinq ans plus tôt : le passage à tabac de « Maria » en 2018.
Deux agressions d’une brutalité inouïe
Les deux affaires se ressemblent par l’incroyable violence des policiers et le déroulement similaire des deux agressions.
Le soir de son agression, Hedi raconte qu’il participait à la « fête des terrasses » dans la cité phocéenne. Ce soir-là, les révoltes urbaines battent leur plein, suite à la mort de Nahel, tué par un policier. Le jeune homme affirme néanmoins ne pas y avoir pris part, et être simplement allé donner un coup de main au restaurant de ses parents.
Sur le chemin du retour, le jeune homme croise la BAC. Il raconte à Konbini être alors visé par un tir de LBD :
« J’ai reçu un impact dans la tête, au début je savais pas ce que c’était, raconte-t-il. Je suis tombé au sol et quand j’ai voulu me relever, on m’a traîné dans un petit coin où il faisait tout noir et de là on a commencé à me frapper ».
Les policiers lui cassent la mâchoire, ne lui demande aucun papier d’identité, ni la raison pour laquelle le jeune homme se trouve à cet endroit-là. Hedi parvient à se réfugier dans une épicerie : « J’ai voulu me toucher la tête mais je n’ai pas senti mon crâne ». Transporté à l’hôpital, il restera « dans le coma jusqu’au lendemain, 17-18 heures ». Il passera ensuite une semaine en réanimation, et deux dans un service de neurochirurgie. On lui retire un morceau de crâne et on le recoud à l’aide de « 65 agrafes ».
Un modus operandi qui se répète
Cinq ans plus tôt, en 2018, c’est Angélina qui connait un sort semblable. La jeune femme de 19 ans, alors anonymisée sous le pseudo « Maria », est visée par un tir de LBD à la cuisse, puis rouée de coups de matraque alors qu’elle git déjà au sol. La scène se déroule à Marseille, en pleine crise des gilets jaunes.
Très vite, David B. est suspecté d’être mêlé à la violente agression d’Angelina. Il se trouvait dans le même périmètre au moment des faits, et son accoutrement, qui n’est pas en règle, matche celui des agresseurs. Auditionné par l’IGPN, il nie pourtant les faits. À l’époque le juge d’instruction reconnait que les auteurs du passage à tabac d’Angelina sont bien tous fonctionnaires de police, mais ordonne un non-lieu, faute de pouvoir les identifier formellement.
Pourtant, la situation se renverse, début juin 2023, comme le retrace le HuffPost : la justice revient sur sa décision, infirme le non-lieu et requiert « le renvoi de la procédure au juge d’instruction précédemment saisi pour poursuite de l’information judiciaire », ouverte pour violences volontaires aggravées et non assistance à personne en danger.
Un nouveau rebondissement s’ajoute alors à la procédure : le nom de David B., ressort dans l’affaire d’Hedi. Le modus operandi des deux agressions est similaire. La victime aurait été trainée au sol, rouée de coups et laissée pour morte. Aucune assistance ne lui a été apportée de la part des policiers.
« En apprenant qu’un policier [de l’affaire Hedi] avait déjà été entendu dans le cadre de son affaire, Angelina a été très choquée », explique à Mediapart l’avocat d’Angelina. « Le mode opératoire résultant des faits pour lesquels il est aujourd’hui mis en examen est identique à celui de l’affaire d’Angelina. Nous n’en tirons aucune conclusion hâtive, mais cela ne manque évidemment pas de nous interroger ».
Solidarité crasse et impunité
Le placement en détention provisoire d’un des quatre policiers mis en examen dans le cadre de l’affaire Hedi a provoqué l’indignation des syndicats de police et suscité un mouvement de fronde au sein de la police nationale.
Comme le rapporte Mediapart, « En guise de soutien à leur collègue, des policiers ont cessé de travailler à Marseille et ailleurs en France, arrêts maladie à l’appui ; d’autres se sont placés en « code 562 », une sorte de service minimum destiné à exprimer leur fronde ».
Un élan de soutien encensé par le directeur général de la police, Frédéric Veaux, qui est même allé jusqu’à déclarer que savoir un policier en détention provisoire l’empêchait de dormir. Il a par ailleurs réclamé un traitement différent pour ses effectifs mis en cause dans des affaires judiciaires.
« Comment comprendre que l’institution policière puisse couvrir les comportements violents et injustifiés de certains des siens ? » s’interroge Mediapart. À l’heure actuelle, David B. est ressorti libre sous contrôle judiciaire. Espérons qu’il ne bénéficiera pas, une fois de plus, du mutisme de sa hiérarchie.
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