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Vie quotidienne

J’ai été violée en plein jour et en public ; 10 ans après, j’en souffre toujours

Lors d’un spectacle en plein air, cette madmoiZelle a été victime d’un viol en public. 10 ans après, elle revient sur les difficultés qu’elle a dû surmonter, et traverse encore aujourd’hui.

Depuis un peu plus d’un an, je suis une thérapie. En partie à cause d’un événement qui s’est produit il y a presque dix ans maintenant, et qui, au final, n’a eu de cesse de me gâcher la vie depuis.

Si aujourd’hui je décide de partager mon histoire c’est parce que j’en ai besoin pour me reconstruire, et que peut-être cela pourra aider d’autres personnes.

La difficulté de mettre le mot « viol » sur l’agression

Il y a dix ans, quelques jours après mon dix-huitième anniversaire, un homme m’a agressée.

J’utilise le mot « agression » car je n’arrive pas encore à parler de « viol » quand il s’agit de parler de mon histoire. C’est une habitude, une manière de minimiser ce qu’il s’est produit, la gravité du geste et la souffrance dans laquelle cela m’a plongée.

Beaucoup de victimes sont agressées par des proches, ça n’a pas été le cas pour moi. Il s’agissait d’un parfait inconnu. Il l’est encore aujourd’hui.

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Pendant longtemps, je ne me suis souvenue que du lieu, de l’heure approximative, de certaines odeurs et de ce qu’il s’est passé après.

J’ai refoulé les détails de ce que cet homme m’a fait, pour autant je savais ce qu’il s’était produit. Je crois que sans ça, j’aurais été incapable de continuer à vivre.

Et finalement j’ai fonctionné ainsi, dans cet espèce de flou, de non-dit, de malaise permanent, jusqu’à ce que mon corps me dise stop.

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Avec le recul, je pense que j’aurais pu vivre cet événement différemment si les personnes censées me venir en aide à ce moment-là m’avaient mieux accompagnée.

Une agression en place publique

Cet homme, il m’a agressée, au beau milieu d’une place publique, au beau milieu d’une foule, lors d’un spectacle.

Cela paraît complètement fou dit comme ça et pourtant, c’est ce qu’il s’est passé.

Chaque année, ma ville natale organise un grand spectacle sur la grand place, où se précipitent les gens de toute la région pour y assister, moi la première.

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Avec des ami•es, nous nous y rendions déguisé•es, comme le veut la tradition. J’avais un costume de princesse avec un maquillage type cabaret dont j’étais très fière.

Ce soir-là, dans un mouvement de foule, j’ai été séparée de mes ami•es. Je me suis retrouvée coincée entre une famille, un couple de seniors et cet homme derrière moi.

Quand le spectacle a commencé, je l’ai senti se rapprocher de moi. J’ai cru que c’était dû à la foule, je n’ai pas relevé. Mais il s’est rapproché de plus en plus si bien que je pouvais sentir sa respiration sur ma nuque. J’ai alors difficilement essayé de m’avancer.

Il s’est rapproché de nouveau. Cette fois-ci, je me suis retournée et je l’ai regardé, pour lui faire comprendre que son attitude me gênait.

Il m’a regardé également. Il avait une expression très neutre. Je me suis alors dit que j’avais exagéré et que ce pauvre monsieur n’avait pas d’autre choix que d’être proche de moi à cause du monde.

Et là j’ai senti sa main posée sur moi.

Mon corps s’est pétrifié. Mon regard s’est fixé sur la scène en face de moi, sans pour autant regarder le spectacle.

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Il a posé son autre main sur ma hanche, m’a tiré contre lui et j’ai senti son sexe contre moi. Je voulais me dégager, je voulais le gifler, je voulais avertir mes voisins de ce qu’il se passait mais je n’ai rien fait.

Je n’ai rien pu faire.

Il m’a touchée, il soulevé ma robe. J’imagine qu’il a déchiré mes collants (que je portais sans culotte, pour la première et dernière fois).

Il a resserré son emprise autour de ma taille en bloquant mes mains et j’ai ressenti une douleur vive au bas du ventre.

C’est difficile à décrire, mais j’avais à la fois mal, j’étais surprise, je ne comprenais vraiment pas ce qu’il se passait et j’avais peur. En même temps, c’est comme si je n’étais plus moi.

Je ne sais pas combien de temps cela a duré. Je ne sais pas s’il est resté jusqu’à la fin du spectacle. Moi je suis restée là. Je n’ai rien fait.

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Qu’aurait-il pu se passer de « pire » qu’un viol ?

À la fin du spectacle, la foule s’est dissipée, mes ami•es m’ont rejoint. Ils m’ont demandé ce qui n’allait pas, je tremblais et mes larmes coulaient. J’ai mis mes mains sur ma robe, elle était trempée et j’ai dit : « Je crois qu’il m’a éjaculé dessus ».

Mes ami•es m’ont alors posé plein de questions, j’étais incapable d’y répondre. Je répétais « je ne sais pas ». L’un deux est allé chercher la police.

Lorsque les agents m’ont demandé ce qui n’allait pas, j’ai dit qu’un homme m’avait éjaculé dessus.

Ils m’ont demandé de le décrire.

Comme je tremblais et que je n’arrêtais pas de pleurer, les policiers m’ont emmenée à l’arrière du panier à salade.

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Une agente de police était assise en face de moi, je ne sais pas ce qu’il se passait à l’extérieur. Elle m’a regardée et a voulu me rassurer. Elle m’a dit : « Vous avez de la chance ça aurait pu être pire ».

Pire ? Ça veut dire quoi pire ? Car pour moi le pire c’était maintenant, c’était arrivé. Je n’avais plus qu’une envie, rentrer chez moi.

Me tenir dans la camionnette me donnait l’impression d’être une criminelle. La policière me donnait envie de vomir, j’avais froid et je ne supportais plus le contact de mes collants et de ma robe.

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Après le viol, la difficile consultation avec un médecin

Quelque temps plus tard, la police m’a accompagnée avec deux de mes amies chez un médecin de garde. Les policiers ne sont pas restés.

Quand le docteur m’a reçue, seule, il m’a demandé ma carte vitale et ce qui m’amenait ici. J’ai répondu que je n’avais pas ma carte, que je venais directement du grand spectacle et que je n’avais pas de sac à main.

Il s’est emporté et a été très dur avec moi, en me disant qu’il ne pouvait pas me recevoir sans carte vitale.

Cette situation était tellement surréaliste que j’avais l’impression d’être en plein rêve. Quand il m’a vu pleurer, il m’a demandé la raison de ma visite. Je lui ai dit que la police m’avait conduite ici et qu’un homme avait éjaculé sur ma robe.

Le médecin s’est radouci. Lorsqu’il m’a demandé si j’avais mal quelque part, j’avais envie de répondre « de partout ». J’ai finalement dit « non ». Je voulais seulement rentrer.

Il m’a demandé s’il fallait qu’il m’ausculte, j’ai répondu de nouveau non. Il m’a demandé si je voulais un certificat et quelque chose pour me calmer, j’ai répondu que je ne savais pas.

Il m’a prescrit quelque chose et m’a donné un certificat médical, qui disait que j’étais agitée, mais que je n’avais pas de blessures.

C’était stupide de ma part de ne rien dire, mais à ce moment je ne voulais que rentrer chez moi, passer à autre chose et ne plus revoir ces personnes qui ne faisaient qu’ajouter de l’incompréhension à ce qui s’était passé.

À lire aussi : « Je n’ai rien fait d’autre que respirer, exister » — Les mots puissants de Sara, victime de viol

Après, j’ai été très en colère contre moi-même : d’abord de ne pas avoir réagi, mais aussi de ne de pas avoir su quoi dire par la suite.

Je crois que le médecin s’en est voulu d’avoir été si dur. Il m’a donné deux comprimés des médicaments qu’il m’avait prescrit, pour cette nuit.

« Comme si ça n’était jamais arrivé »

Quand je suis sortie du cabinet, ma sœur était dans la salle d’attente. Je crois qu’elle a payé la consultation. Elle avait l’air affolée et m’a demandé si ça allait. J’ai répondu que je voulais rentrer.

Nous avons déposé mes amies et nous sommes rentrées. Elle m’a expliqué qu’elle n’avait rien dit à nos parents. Ils n’étaient pas là et tant mieux, cela aurait été trop dur, trop réel de leur dire.

Ma sœur m’a proposé de me conduire le lendemain au commissariat pour déposer plainte. J’ai refusé, mais elle a insisté. J’ai pris une longue douche, j’ai jeté mes collants déchirés et tachés de sperme et de sang, j’ai mis de côté la robe et j’ai avalé les comprimés.

Le réveil a été très dur le lendemain. Mon corps était lourd et j’avais l’impression que ma tête allait exploser.

Je n’ai pas tout de suite pensé à mon agression, c’est lorsque je me suis habillée que j’ai constaté sur mon ventre comme des traces d’ongles enfoncés.

J’ai cru que j’allais m’évanouir. J’ai fini par me rendre au commissariat avec ma sœur. Une femme nous a reçues, je lui ai apporté la robe — emballée dans un sac — et le certificat que le médecin m’avait fait la veille.

J’ai raconté une histoire sans réellement la comprendre, j’essayais de décrire de choses que je n’arrivais pas à identifier et finalement il était impossible pour moi de dire ce que j’avais subi ce soir-là. J’ai regardé quelques photos d’hommes, il n’était pas dedans.

Ma sœur m’a raccompagnée. Je n’ai plus jamais reparlé de cela avec elle et nous n’avons rien dit à mes parents.

Dans la semaine qui a suivi, je me suis rendue au Planning Familial. Il fallait que je fasse des tests. J’ai fait un dépistage pour MST et j’ai acheté un test de grossesse. Tous les résultats sont arrivés négatifs.

À partir de ce moment-là j’ai agi comme si de rien n’était, comme si rien ne s’était passé. En revanche, il m’arrivait de faire des cauchemars, de voir mon agresseur et de me réveiller de temps en temps dans la nuit.

Après mon agression sexuelle, l’enfer

J’avais toujours imaginé que je resterais vierge le plus longtemps possible. Que si je souhaitais me préserver pour le mariage, j’attendrais au moins d’être sûre que le premier soit quelqu’un que j’aime sincèrement.

Ce choix peut paraître un peu vieux jeu et mes amis me taquinaient souvent par rapport à cela. Mais j’avais un côté très fleur bleue et mes croyances religieuses n’ont fait que conforter ce choix.

Mais ce soir-là, cet homme m’a volé mes choix. Il m’a bafouée, il a détruit mes attentes.

Après l’agression, mes relations avec les hommes ont toujours été compliquées. J’ai du mal à accorder ma confiance à mes partenaires. Certains n’ont jamais su ce qu’il m’était arrivé.

Pendant un temps, j’ai voulu reprendre ce vœu de chasteté, mais c’est comme si cela ne comptait plus.

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L’enrayement de mon épanouissement sexuel

J’ai eu ma première relation consentie à 21 ans. je n’ai ressenti aucun plaisir et pire, après cela il m’arrivait d’avoir des hauts-le-cœur de dégoût. Avoir des rapports en pleine lumière était pour moi inconcevable et la vue d’un pénis m’effrayait.

Au final, je crois que ce que je faisais avec mon copain (et les suivants) c’était plus pour eux que pour moi. J’ai fini par me demander si je n’étais pas asexuelle, mais je ressentais du désir, et parfois même du plaisir.

En revanche, la pénétration a toujours été douloureuse.

J’ai évité au maximum les rapports sexuels, j’ai prétexté des maux de tête, mes règles, mes convictions religieuses et j’ai pratiquement toujours eu des relations à distance, beaucoup plus pratiques pour éviter le sexe.

Pour le coup, même si au départ j’en avais envie, coucher avec mon copain se transformait rapidement en « devoir conjugal ».

Il m’est arrivé d’avoir des crises d’angoisse quand, parfois dans le noir, je revoyais le visage de cet homme ou que mon partenaire me tenait les mains trop fermement.

J’ai continué ainsi jusqu’à ce que la douleur devienne insupportable et que mon corps refuse toute pénétration.

À lire aussi : J’ai été victime de viol conjugal — Témoignage

Du viol au vaginisme

J’étais en couple depuis quelques années avec un homme, que j’aimais profondément, mais qui avait une libido beaucoup trop exacerbée par rapport à moi.

Il m’en demandait toujours trop, je m’exécutais pour lui plus que pour moi, mais finalement il a commencé à m’écœurer et la douleur lors de la pénétration était telle que j’ai fini par refuser absolument tout rapport.

Il l’a très mal vécu. Alors j’ai énormément culpabilisé et il m’a beaucoup fait culpabiliser.

Notre relation n’a pas duré, même s’il avait fini (plus ou moins) par accepter cette situation. Avec le recul, je me dis que j’ai été stupide de penser comme cela, que c’était à lui de faire plus attention et me soutenir d’avantage.

Quelques mois après notre rupture, qui n’était pas liée qu’à ce problème de sexualité, j’ai flirté avec d’autres hommes, sans jamais aller au bout. Il était impossible de me pénétrer, comme si j’étais fermée, et si l’on forçait un peu, la douleur était trop grande.

J’ai compris que je souffrais de vaginisme.

À lire aussi : Comment j’ai guéri du vaginisme

Celui en qui j’ai de nouveau eu confiance

Puis j’ai rencontré P., celui qui m’a changée et qui m’a poussée à consulter.

J’ai longtemps cru qu’il allait être l’homme de ma vie, le futur père de mes enfants. Même si je ne l’aime plus aujourd’hui, je pense qu’il restera mon grand amour car grâce à lui je me libère doucement de mon passé.

Il a fait de moi quelqu’un de meilleur, il m’a redonné une certaine confiance en moi, il m’a aidé à aimer mon corps et à accepter et apprécier celui de l’autre.

Je n’ai plus peur des pénis aujourd’hui.

Nous n’avons jamais réussi à faire l’amour complètement, il a toujours été attristé par cela, et j’aurais aimé pouvoir le faire avec lui. C’est la personne qui m’a le plus apporté de plaisir.

Je crois que je me sentais enfin assez en confiance pour me confier à lui, être moi-même avec mes blessures et mes faiblesses.

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Pour une fois la distance était une contrainte et non plus une bouée de sauvetage. Il a été brusque et maladroit assez souvent, j’ai parfois mal vécu certains moments de notre relation, d’autant plus que d’autres problèmes nous guettaient.

Cependant, avec le recul, je vois les progrès effectués, je regrette simplement de pas avoir pu lui témoigner mon amour et ma confiance de cette manière-là.

De ne pas avoir réussi à le rassurer quant à mon attachement pour lui et avoir été trop lente pour me rendre compte de ce que je voulais pour nous.

Avancer, coûte que coûte, après un viol

Aujourd’hui, je ne suis pas complètement guérie. Je vois un psychologue et un sexologue. Ce n’est pas toujours facile, il y a des jours où j’ai encore envie de fuir.

Je ne suis plus retournée voir ce spectacle. Je n’ai jamais revu mon agresseur et la police ne m’a jamais recontactée.

Je voudrais qu’un jour il soit jugé pour ce qu’il a fait. Mais en tout cas, j’ai décidé que je ne voulais plus me gâcher la vie à cause de lui.

À lire aussi : « Appeler un viol un viol », ou l’importance du consentement expliquée en BD

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Les Commentaires

20
Avatar de Soomaya
15 juillet 2019 à 20h07
Soomaya
Ce témoignage m'a glacée le sang... Tu as vraiment eu beaucoup de courage pour porter plainte.
Ces réactions de médecins/policiers me siderent mais ne me surprennent même plus... C'est triste.

Les choses que tu évoques (cauchemar, vision du mec, attaques de panique pendant les rapports) et le traumatisme m'evoque beaucoup un état de stress post-traumatique.. je ne sais pas quelle thérapie ton psychologue pratiques mais l'EMDR est une méthode très efficace pour aller mieux suite à un trauma.
2
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