— Article du 22 juillet 2015
J’ai cette particularité d’avoir 22 ans et d’être toujours vierge, et ce de manière « totale ». Je n’ai jamais eu de petit copain, même pas en maternelle, je n’ai jamais embrassé personne et je n’ai toujours pas compris en quoi consistait la masturbation donc je n’ai jamais essayé. Cette caractéristique me place dans une catégorie de gens en marge des codes établis et des attentes du plus grand nombre.
À la recherche de la perfection ?
Jusqu’à cette année, je n’avais eu qu’un seul coup de coeur. C’était pour un garçon, mais mauvaise pioche, il était homosexuel. En-dehors de ça, je n’ai jamais eu envie de sauter le pas, de faire ne serait-ce qu’un bisou. J’ai eu deux occasions réelles avec deux garçons qui ont chacun eu beaucoup d’intérêt pour moi, mais de mon côté je n’étais pas vraiment attirée. J’ai donc préféré les éconduire gentiment plutôt que de me forcer et ne pas réellement les aimer. Je suis devenue amie avec les deux !
Je pense que je suis ce genre de personne qui a besoin d’être sûre, de ne plus douter et d’avoir choisi en toute connaissance de cause quand, comment, pourquoi… Une sorte de control freak. Du coup je cherche une sorte de prince charmant qui n’arrive pas. Cet idéal ne ressemble pas à celui qu’on imagine (moi c’est plus Mads Mikkelsen, Christopher Walken ou Bill Kaulitz…), mais il m’empêche de voir les gens réels.
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C’est aussi, et je l’ai découvert récemment, que je me sens bien comme ça. Lors d’un spectacle pour une personne qui nous permettait de nous confronter à notre image (A Game Of You du collectif gantois Ontroerend Goed), une femme, qui me voyait sans m’entendre, a dit de moi que j’étais seule en amour mais que je le portais bien, que cela me correspondait et ne me gênait pas. Et au fond, elle n’avait pas tort !
En y regardant de plus près, j’ai compris que je me sentais mal d’être vierge car le reste de mes ami•e•s ne l’est plus et que j’ai peur de ne pas être « comme il faut ». Je suis écrasée par la pression sociale, alors qu’au fond je suis bien comme ça pour le moment. Tant qu’un garçon ne me plaît pas, je n’ai pas envie d’en être proche physiquement, d’être plus qu’amie avec lui.
Toutes ces années, je n’étais pas vraiment en recherche : je trouve les hommes beaux, je les admire, mais je n’ai pas envie de plus. Je ne devrais pas le voir comme une tare ni laisser les autres me demander en rigolant si je ne suis pas lesbienne. Et même si je l’étais, si je le suis, si je le deviens et que je passe à l’acte, ce sera un choix que je devrai faire avec la tête droite et sans me sentir poussée par la vindicte populaire ! Ce sera mon choix et je le vivrai pleinement car je ne me serai pas sentie forcée de le faire — enfin, je l’espère.
Les autres et moi
J’ai surtout été mal à l’aise d’être la dernière de mes amies dans cette situation. Il faut toujours un•e premier•e et un•e dernier•e, mais la place de la fin n’est pas simple à accepter. On se demande si on n’a pas un truc qui cloche, on commence à se trouver hideuse, à se mettre soi-même dans un coin pour ne pas gêner les autres, qui ont « réussi ». Et puis après on tente de prendre toute la place possible pour qu’on ne nous oublie pas.
« C’est comme si tout le monde et la mère de tout le monde avait couché, sauf moi ! »
J’ai beaucoup parlé de ma virginité, car ça me pesait, et forcément mes amis ont pris position. Il y a ceux qui sont bienveillants, ceux qui veulent m’aider à « régler ce que je présente comme un problème » et ceux qui en ont marre que j’en parle. En tout cas tous mes amis le savent. Ils pensent que j’en ai envie, d’avoir un copain, mais que j’ai trop peur… ce qui en soi n’est pas complètement faux mais pas totalement vrai non plus.
Au fond je ne me sens pas vraiment prête pour ça, pas assez « qualifiée » pour être en couple. Disons que je me sens inférieure et que du coup je n’ai pas cette impression de mériter l’amour de l’autre. Et puis pour être honnête, ce que je ne connais pas est forcément très effrayant, ajoutant une barrière supplémentaire !
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En ce qui concerne ma famille, c’est aussi le cas ; certains membres s’en amusent en me demandant à répétition « alors les amours, toujours rien ? » comme s’ils tiraient de la satisfaction de mon incompétence à trouver la bonne personne. Et parfois j’ai envie de les envoyer promener… mais je me dis qu’ils ne se rendent pas compte de l’inconfort dans lequel ils me mettent. À côté de ça, mes parents sont très cool même s’ils ne comprennent pas pourquoi je suis toujours aussi frileuse face à l’idée d’avoir un petit ami. Ma mère en a eu très jeune, du coup elle ne sait pas comment m’épauler autrement qu’en étant derrière moi et en étant bienveillante — et c’est déjà très bien.
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Du complexe à l’acceptation
Ayant une grande liste de soucis à gérer et en ayant marre de me mettre moi-même des barrières pour tout, j’ai décidé de consulter une psychologue. Elle tente de me faire comprendre mes défenses, mes peurs et mes idées préconçues. Et ce n’est pas une mince affaire : je me suis enfermée dans un monde où je me pose des obstacles sans cesse et où je me dévalue pour tout.
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Depuis peu, j’ai un coup de cœur pour un garçon. Il n’a pas l’air réticent, mais il ne m’aide pas non plus énormément et cela n’avance pas beaucoup… Sans compter que je ne me sens pas totalement prête : j’ai encore cette impression que mon inexpérience va poser problème, que je vais être nulle comme petite amie et que je ne dois pas essayer. Mais je me soigne (en plus il paraît que j’ai tout pour plaire, mais là encore ça me semble difficile à croire). Je suis sur une corde, j’oscille tout le temps entre l’envie de me lancer et la peur de tomber.
En plus je n’ai pas du tout confiance en moi, je fais passer les autres avant mes envies et du coup je m’enferme dans une prison. Mais j’en suis consciente maintenant, j’y travaille et ça se débloquera quand ça se débloquera, et j’agirai en fonction de ce que je veux et de ce qui me convient ! J’ai enfin compris qu’on a le temps, qu’on est maître de notre vie et que les autres ne sont là que pour nous indiquer des routes possibles ; ils n’ont pas à nous obliger à en choisir une, c’est nous qui créons notre chemin, notre destin. Le mien est peut-être différent de la plupart des gens, mais il n’en est pas moins valable.
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Alors depuis un an, qu’est-ce qui a changé ? Et bien, pas grand chose à vrai dire.
Rien ne s’est produit avec le garçon dont je vous parlais à part que je me suis ridiculisée en lui disant que je le trouvais beau depuis longtemps : il m’a dit merci et c’était fini. J’ai trouvé ça si froid que ça m’a coupée net dans mon attirance. C’est sûrement que ça ne devait pas se faire… Tant pis !
Ma situation est donc à peu près la même en dehors du fait que, diantre, je me sens tellement mieux ! J’ai totalement laissé de côté ce poids que je sentais sur mes épaules quant à ma situation.
Relativiser et décomplexer
J’ai commencé à voir les choses de manière décomplexée après ce témoignage, après les retours que j’ai reçus et tous ces questionnements extérieurs qui étaient finalement aussi en cours dans mon cerveau.
Je dois avouer que le fait de l’avoir balancé à la face du monde comme une sorte de « Voilà ! C’est moi ! Et si ça ne vous plaît pas, ce n’est pas vraiment mon problème ! », ça m’a permis de relativiser, de voir au-delà de cette sensation de mal-être et de me rendre compte qu’elle n’avait pas lieu d’être.
J’ai compris que c’était juste un truc implanté dans mon crâne par une société enquiquinante.
Les autres… et moi
Du côté de mes proches, ce n’est pas tellement différent, c’est simplement moi qui le vis autrement. Avant quand une remarque était lancée, je m’accablais d’une incompétence imaginaire et je prenais la mouche. Maintenant je passe au-dessus sans soucis et je laisse les gens avoir un avis sur ma vie — moi, ça ne me concerne pas.
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En outre, une amie en psychologie m’a expliqué qu’elle monte un projet pour démontrer que la virginité n’est pas une blague, mais un construit social. Elle y répertorie des exemples de médiums culturels où cette situation est tournée en ridicule. Je trouve l’idée super intéressante et constructive, et je suis on ne peut plus d’accord avec cette façon de voir la virginité comme une construction sociale !
Se laisser porter, tout simplement
Ma vie est déjà bien remplie avec tous les projets de mémoires qui s’accumulent (en même temps, en école d’art on a tout le temps des projets en cours) et puis j’ai trop de choses à penser pour m’embêter avec ça, puisqu’au fond c’est juste une situation, pas une finalité.
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Je me sens pleinement en accord avec moi-même, et je n’attends plus rien de particulier. Je me laisse porter. C’est tellement plus simple et libérateur.
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