Le 1 er juin 2022, le verdict est tombé. Il met ainsi fin à un procès de plusieurs semaines né d’un conflit encore plus ancien. Seulement, l’immense disproportion révélée par l’affaire entre le pouvoir de Johnny Depp par rapport à celui d’Amber Heard ne s’arrête pas aux portes du tribunal. Dans l’immédiat, l’Histoire retient qu’en dépit du fait que tous deux sont reconnus coupables, l’actrice apparaît comme la grande perdante du procès, la somme des dommages et de l’amende dont elle doit s’acquitter ne représentant pas moins de 7,5 fois celle de son ex-époux (15 millions, contre 2 millions pour Depp).
Mais au-delà du procès, comment s’incarne l’immense inégalité de traitement entre les deux acteurs dans leur carrière respective ? Comment, à quelques jours seulement de la délivrance du verdict, l’image médiatique de Johnny Depp semble s’acheminer vers celle de star subversive mais héroïque, rescapée d’une tentative de « sabotage par une femme calomnieuse », tandis que le déferlement de misogynie envers Amber Heard et la volonté de la voir disparaitre se poursuit, au point que soit évoquée son éventuelle éviction pure et simple dans ses films ?
Malgré quelques frissons de subversion, la carrière de Johnny Depp semble avoir de beaux jours devant elle
Depuis 2019, la carrière de Johnny Depp connaît un passage à vide que l’acteur explique par le fait que la « cancel culture », cette « tendance à porter dans la précipitation un jugement hâtif » est désormais tellement « hors de contrôle » que « plus personne n’est à l’abri ». Concrètement, ses déboires lui ont valu de perdre son procès pour diffamation contre le journal The Sun qui le qualifiait de «frappeur d’épouses » et d’être écarté du tournage de Pirates des Caraïbes et des Animaux Fantastiques.
Est-ce le signe qu’à l’ère post #MeToo, l’industrie du cinéma est décidée à mettre son pouvoir immense au service de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ? Rien n’est moins sûr. En effet, ce n’est autre que dans la peau d’un roi, Louis XV, que l’acteur américain fera son retour au cinéma. Dans ce contexte, la symbolique autour du règne et de la puissance semble d’autant plus signifiante que ce choix de casting découle de Maïwenn, qui le dirigera et lui donnera la réplique dans son film d’époque. Pour rappel, la réalisatrice et actrice française se positionne depuis plusieurs années en défense d’hommes accusés et/ou condamnés de violences sexistes et sexuelles, comme par exemple Roman Polanski. En 2020, elle tenait des propos d’une gravité extrême envers Adèle Haenel et des féministes en général, les accusant notamment de « dire des conneries » ou encore d’être « des femmes qui n’aiment pas les hommes » et qui sont « à l’origine de dommages collatéraux très graves. »
Johnny Depp sur les écrans et sur scène, Amber Heard effacée
Les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas là pour l’acteur, qui nourrit également des ambitions personnelles dans le monde de la musique. Comme pour marquer sans tarder la renaissance de sa carrière – ou plutôt de ses carrières, il a rejoint le guitariste britannique Jeff Beck sur scène dès le lendemain du procès pour y interpréter des morceaux de rock. Deadline rapporte les mots de ce dernier à propos de Depp : « J’ai rencontré ce mec il y a cinq ans et on n’a pas arrêté de se marrer depuis. En fait, on a enregistré un album. Je ne sais pas comment c’est arrivé. Ça va sortir en juillet. »
Pendant ce temps, ce sont plus de 4,5 millions de personnes qui ont signé une pétition visant à exclure Amber Heard d’Aquaman 2. Or, depuis la fin du procès, une rumeur se répand selon laquelle il aurait été décidé lors d’une réunion de Warner Bros que les scènes de Heard seront finalement coupées au montage. Selon The Direct, « la rumeur suggère que Mera pourrait mourir pendant un accouchement, au début de la suite. » Pendant le procès, l’actrice avait déjà révélé avoir reçu des versions du scénario du film au fur et à mesure desquelles son rôle était réduit. En France, sa sortie est prévue pour le 17 mars 2023.
À lire aussi : Le verdict de l’affaire Johnny Depp / Amber Heard sonne-t-il le glas de #MeToo ?
Crédit image à la Une : © alotofmillion, photo de Anna Altheide.
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Les Commentaires
Désolée pour ce post à retardement, je n'ai pas eu beaucoup de temps ces dernières semaines pour me poser et te répondre.
Dans le cas de Kevin Spacey, je peux comprendre la décision de MRC (la société de production de House of Cards), de l'avoir viré de la série après avoir mené une enquête interne concluant qu'il avait bien eu une attitude répréhensible lors du tournage. Après tout, c'est la responsabilité d'une entreprise d'assurer la sécurité de ses employés et de leur fournir un environnement de travail sain, il n'y a pas besoin d'attendre un jugement officiel pour ça. Par contre, si je prends la décision de Ridley Scott, là on est sur une sanction a posteriori, vraisemblablement en réaction aux accusations portées contre KS, alors même qu'il n'y avait pas eu de procès. Et là, ben oui, ça me parait complètement disproportionné unno: Si Amber Heard se voyait retirer son rôle de la série Aquaman, je ne sais pas comment DC Films motiverait officiellement sa décision, mais dans tout les cas elle tomberait dans la foulée d'une décision de justice qui a reconnu AH coupable (on en pense ce qu'on veut, mais les gens ont aussi le droit de vouloir s'en tenir à ça sans refaire le procès).
Dans le cas de KS, même si d'autres entreprises ont conclu à sa culpabilité lors d'investigations internes, déjà ça n'a pas la même portée qu'un procès, et puis ça portait sur des faits commis en leur sein. Il n'a pas été viré de House of Cards pour ce qu'il a commis au Old Vic' par exemple. Donc à moins d'avoir mené sa propre enquête en aval du tournage, je ne trouve pas très juste que Ridley Scott prenne sa décision en réaction à des faits et des accusations extérieurs au tournage de son oeuvre. Du reste, il a lui-même admis que s'il avait effacé KS de la pellicule, c'était parce qu'il ne voulait pas prendre le risque le public boude le film à cause du scandale, donc pas dans une optique de réparation pour des méfaits dont KS serait coupable.
Tout ça pour dire qu'indépendamment de la gravité des crimes, j'ai du mal à comprendre qu'on puisse se féliciter de sanctions professionnelles aussi lourdes, prises de façon rétroactive, en réaction à des accusations portées par des tiers extérieurs et sur des faits sans rapport avec le film. Je ne vois pas ce qu'on a à gagner là-dedans en tant que société en fait.
Et oui, je sais que les faits d'agressions sexuelles et de viol sont très difficiles à prouver, mais je me réserve malgré tout le droit de conserver une certaine indépendance d'esprit par rapport au discours dominant sur le site et de nuancer mes opinions. J'ai pas spécialement de doute sur la culpabilité de KS, par contre je persiste à penser que n'importe qui ne peut pas rendre justice, et pas n'importe comment.