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Être prof ou élève trans à l’école reste galère, mais on progresse
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Transidentité à l’école : des progrès restent à faire pour protéger élèves et enseignants trans

L’école progresse sur la question de la transidentité. En attestent la première circulaire publiée par le ministère de l’Éducation nationale en 2021 et des témoignages sur la prise en charge d’enfants et d’ados transgenres. Pourtant, de nombreux défis restent à relever, qu’il s’agisse de la protection des élèves, mais aussi du personnel éducatif.

C’était il y a un an : le 29 septembre 2021, soit 9 mois à peine après le suicide de Fouad, élève transgenre scolarisée à Lille, le ministère de l’Éducation nationale publiait une circulaire devant garantir un accueil respectueux et protecteur aux élèves trans. Cette prise de position inédite de la part de l’institution a permis d’éclairer le personnel éducatif concernant la prise en charge d’un élève faisant son coming-out, ou demandant à être nommé et genré différemment. Un éclairage plus que nécessaire au sein d’une école en manque de cadre, explique Mika Alison, enseignante, militante et autrice du livre Vivre sa transidentité à l’école – parcours et point de vue d’une transeignante :

« Avant la publication de cette circulaire, ce sont les recommandations émises par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) qui servaient de base aux établissements souhaitant se saisir de cette question.

Mais, globalement, l’absence d’un guide de bonnes pratiques pour accueillir au mieux les élèves transgenres avait pour conséquence une trop grande hétérogénéité de l’accompagnement de ces situations, avec parfois des conséquences extrêmement lourdes pour les personnes concernées. »

Vivre sa transidentité à l'école - parcours et point de vue d'une transeignante, de Mika Alison — 16€ les 150 pages.
Vivre sa transidentité à l’école – parcours et point de vue d’une transeignante, de Mika Alison — 16€ les 150 pages.

Une préoccupation récente mais de plus en plus affirmée

Ce flou, Mika Alison l’a expérimenté elle-même à maintes reprises. D’abord en tant que lycéenne, puis durant les dix premières années de sa carrière de professeure de SVT au sein de l’Éducation nationale :

« Au début des années 2000, lorsque j’étais au lycée, personne ne parlait de transidentité, surtout pas à l’école. À la limite, on parlait d’homosexualité, mais seulement entre élèves, et par le prisme de l’insulte uniquement. Le sujet n’existait tout simplement pas. »

Une situation qui ne s’est guère améliorée lors de son entrée en tant qu’enseignante au ministère de l’Éducation nationale dans les années 2010. À l’époque, l’institution n’avait toujours pas pris de position officielle sur la question de la transidentité.

Quant au personnel de direction, en plus d’être démuni face à la prise en charge des personnes trans, il se montrait souvent très peu enclin à accueillir le sujet, comme le relate Mika Alison dans son livre.

Une fermeture d’esprit en partie responsable de la contrainte à la masculinité que s’est imposée pendant une décennie entière l’enseignante, qui a pourtant fini par sortir du silence en rendant publique sa transition auprès de son établissement en fin d’année scolaire 2018. Cette annonce, faite dans la bienveillance et la confiance, donne à Mika Alison de l’espoir pour la suite :

« Ces cinq dernières années, de plus en plus d’élèves ont eux et elles aussi fait part de leurs questionnements ou de leur démarche de transition déjà entamée à leur établissement. Comme on l’a vu avec la circulaire de l’année dernière, c’est un sujet dont l’institution a dû se saisir, qui l’a un peu prise de court au départ, car les personnels n’étaient pas sensibilisés.

Mais l’école évolue, au même titre et au même rythme que la société. J’ai espoir que la situation s’améliore encore, notamment grâce à la génération qui arrive. »

Des disparités à l’échelle du territoire et d’autres défis à relever

L’écoute bienveillante dont elle a pu bénéficier au moment de cette annonce, Mika Alison en a été la première surprise. Car si l’enseignante réalise son « immense chance » d’avoir obtenu du soutien de la part de son établissement, elle sait en revanche qu’elle la doit notamment aux qualités professionnelles et humaines de sa cheffe d’établissement.

Enzo, ancien lycéen scolarisé dans le Grand Est, dont le parcours plus mitigé est relaté par Mika Alison dans son livre, a lui aussi pu être encouragé par la bienveillance de membres clés du personnel éducatif de son établissement comme sa CPE.

Pourtant, selon Jérôme Brethomé, membre de la commission transidentité de l’association Contact 44 qui accompagne les parents d’enfants gay, lesbiennes, bisexuels ou transgenres qui souhaitent mieux les soutenir dans leur parcours de vie, ces témoignages positifs ne sont malheureusement pas encore la normalité :

« Les discours positifs ne représentent qu’une infime partie des expériences faites à l’école par les personnes transgenres. Même si la circulaire publiée l’année dernière par le gouvernement est une avancée réelle, elle n’est en aucun cas contraignante juridiquement. Cela signifie que les établissements n’encourent aucune peine à ne pas appliquer les recommandations qui y figurent. »

À noter également que certains points de cette circulaire peuvent poser un problème dans certains cas de figure. C’est particulièrement le cas du paragraphe recommandant l’accord des deux parents avant d’accepter de nommer et genrer l’élève de la façon dont ce dernier le souhaite. Une absence de droit à l’autodétermination problématique, surtout lorsqu’on sait que les discriminations les plus fortes et les plus dramatiques s’opèrent dans la sphère familiale.

Malgré ces points d’ombre, le texte pose un certain nombre de principes très importants, comme la dépathologisation des identités trans, le droit au respect des personnes transgenres et de leur vie privée, ou encore le rappel de la pénalisation du non-respect de l’identité d’une personne transgenre.

La circulaire, qui invite également les établissements scolaires à faire preuve d’écoute et de respect vis-à-vis de la confidentialité de certains échanges, et qui pose entre autres le principe d’une médiation avec les familles uniquement si l’élève en fait explicitement la demande, requiert toutefois une diffusion et une application homogènes afin d’avoir un réel impact sur le terrain, analyse Mika Alison :

« Cette circulaire est un outil primordial pour améliorer l’accueil des élèves transgenres. Nous devons cependant nous assurer de sa diffusion partout sur le territoire et son application au sein de tous établissements scolaires afin qu’elle ait un impact global sur la vie des personnes transgenres au sein de l’école. »

Des élèves, peut-être cisgenres, peut-être transgenres, qui rayonnent de joie. © Jacob Lund via Canva.
© Jacob Lund via Canva.

Le travail indispensable des associations pour une meilleure prise en charge des personnes trans à l’école

Pour s’assurer de la bonne diffusion et de l’application des bonnes pratiques, une solution : le militantisme de terrain. Un choix logique pour Mika Alison, qui a depuis toujours le goût pour l’éducation et qui souhaite plus que jamais faire évoluer l’école sur les questions de transidentité.

C’est pourquoi, en plus du soin qu’elle prend à éduquer et à informer quotidiennement ses interlocuteurs, l’enseignante a rejoint en 2019 les équipes bénévoles chargées des interventions en milieu scolaire de l’association Couleurs Gaies, qui lutte contre les discriminations dont sont victimes les lesbiennes, les gays, les bi et les trans, mais également les équipes de l’association Contact :

« C’est grâce à Contact Moselle que j’ai pu m’intégrer dans les actions de sensibilisation des personnels de l’Éducation nationale. L’association bénéficie d’un agrément et a su tisser des liens avec cette institution au cours de ces dernières années. Elle est également membre du réseau Contact France qui a pour rôle de donner les grandes orientations aux acteurs locaux, d’organiser les formations des personnels, de créer et de diffuser des outils de sensibilisation ou encore d’apporter un soutien financier à certains projets et actions locales. »

Un militantisme de terrain nécessaire, selon l’enseignante, pour qui la venue des associations LGBT+ au sein des établissements, en plus d’ouvrir des réflexions sur les stéréotypes, s’avère parfois être dans certains établissements le point de départ de réflexions sur l’inclusivité, ou encore l’occasion de repenser certaines pratiques.

C’est aussi grâce à ces associations que sont mis en place les dispositifs à l’échelle nationale permettant les avancées de terrain et plus globalement l’évolution des mentalités, comme le rappelle Jérôme Brethomé :

« Derrière la simple rédaction d’une circulaire se cachent en réalité des années de lutte de la part des associations et des tentatives de discussion avec les institutions. Malheureusement, nous sommes encore loin de ce qu’il faudrait faire de manière optimale.

L’idéal serait de parler des questions de genre dès l’école primaire, mais nous rencontrons encore des résistances très fortes, alors que cela se fait déjà dans beaucoup de pays.

En 2022, il est encore compliqué en France de parler d’identité de genre, à cause de la peur d’une fin de la normalisation du genre. »

À lire aussi : On ne devient pas trans par « pression sociale » prouve une étude sur la dysphorie de genre

Crédit photo de Une : Jacob Lund via Canva.


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