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Cinéma

Surcoté, Spider-Man : Across The Spider-Verse incarne ce que l’influence Marvel fait de pire au cinéma

Mercredi 31 mai, on a découvert en salles la suite des aventures de Miles Morales, quatre ans après la sortie du formidable Spider-Man : New Generation. Malheureusement, comme souvent, la patte Marvel a mené à un film se brûlant les ailes.

Avant d’aller voir Spider-Man : Across The Spider-Verse, on a essayé d’y croire de toutes nos forces. On avait de bonnes raisons de le faire : sorti en 2019, l’éblouissant, le fantastique, l’ultra-touchant premier opus laissait présager un second film tout aussi excellent, si ce n’est meilleur, tant Spider-Man New Generation avait ouvert de pistes esthétiques et dramatiques passionnantes.

Mais à la place, on s’est retrouvé devant une sorte de clip indigeste de 2h20.

Certes, le film ne fait pas partie du MCU : il s’agit d’une production chapeautée par Sony, Columbia et Marvel. Ce n’est donc pas à proprement parler un film Marvel. Pour autant, Across The Spider-Verse nous est apparu comme emblématique d’une certaine influence de Marvel sur le cinéma. Celle-ci s’éteint au-delà de ses propres films, et s’avère d’autant plus palpable lorsque le studio figure parmi les principaux producteurs d’une œuvre.

Toujours plus, toujours plus vite… aux dépens des personnages et du scénario

On le lit absolument partout : Spider-Man : Across The Spider-Verse est une bombe visuelle et esthétique. Les dessins, l’animation, les chorégraphies sont grandioses. Cela est indéniable. Le film ravira quiconque souhaite se plonger dans des images et des design en plus grosse quantité que tout ce que contient Google Images. Or, dans un clip ou une bande-annonce, cette qualité suffit pour produire une vidéo mémorable. Mais cela ne suffit pas pour faire un film.

La formule est radicale, et pourtant. Spider-Man : Across The Spider-Verse apparaît presque comme l’inverse de ce que devrait être un film. En théorie, lorsqu’on réalise un film, on écrit un scénario puis on le met en scène. C’est-à-dire qu’en tant que cinéaste, on opère des choix d’esthétique, de plans, de cadrage, de montage, d’écriture, de dialogues, de direction d’acteurs… tous ces outils, ces moyens d’expression que le cinéma met à notre disposition pour raconter une histoire.

spider man spider verse

Pourtant, on a l’impression que Spider-Man fonctionne sur un principe inverse. Le film donne la sensation d’avoir été réalisé par une équipe qui n’a eu comme seul critère que de faire tenir en un temps réduit un maximum de personnages, d’univers visuels, d’effets de montage, de musiques, de blagues… quoi qu’il en coute. C’est comme si le scénario avait été improvisé comme toute dernière étape, pour essayer de donner du sens et de la consistance à cette surenchère visuelle, sonore et dramatiqueen vain.

Toujours plus, en même temps, toujours plus vite. Plus qu’une aventure, l’exploration d’un monde ou la découverte de personnages, voilà ce que l’on retient au bout de ces 2h20. De fait, le film ne cesse de se court-circuiter lui-même. Comment réussir à suivre une histoire lorsque aucun plan ne dépasse les cinq secondes ? Comment s’attacher à des personnages lorsqu’ils font tous les mêmes blagues, déversent des flots de parole interrompus et finissent tous par rapidement disparaitre au profit de nouveaux arrivants ?

Là où Spider-Man : New Generation exploitait avec brio le talent extraordinaire de ses animateurs et ses artistes pour emmener la franchise Spider-Man vers un nouveau monde, plus jeune, plus populaire, plus tourné vers le multivers, Across The Spider-Verse se noie dans une surenchère d’effets artificiels et s’empêche, finalement, de raconter quoi que ce soit.

Source : Marvel
Source : Marvel

Les premiers à se noyer dans cette avalanche de blagues et d’effets esthétiques sont les personnages

On aurait aimé que ce déséquilibre entre le soin accordé à l’esthétique et celui consacré à l’écriture soit compensé par de bons personnages. Malheureusement, là encore, le film tourne à la cacophonie indigeste. Les personnages n’ont le temps de rien : ni d’être drôles, ni d’être touchants.

Comme dans pratiquement tous les films Marvel, les vannes ne s’arrêtent jamais, même quand elles ne sont pas drôles. Tout le monde est obligé d’ajouter un commentaire à tout ce qui se passe, même dans les moments les plus épiques ou tragiques. Cela est flagrant au point que dans de nombreuses scènes, on ne sait même pas qui a fait la blague. Parfois même, plusieurs personnages font des blagues au même moment, si bien qu’on ne les entend pas.

À plusieurs endroits du film, on retrouve un ressort comique plus significatif qu’il n’y parait. Un personnage apparaît, commence à se présenter tandis qu’une musique épique ou inquiétante retentit – mais immédiatement, il est interrompu par un autre personnage qui lui répond, en substance « fais court, en fait, on s’en fiche. » À priori, on pourrait voir dans ces scènes une parodie de ces films dans lesquels le super-héros ou le super-vilain apparaît en déclamant sa biographie dans un monologue, annonçant comment il va sauver (ou détruire) le monde.

Mais dans le cas présent, ce motif raconte moins de choses des films de super-héros que de l’incapacité de Spider-Man à assumer de créer ses propres personnages. Amener une nouvelle esthétique au film, faire un maximum de blagues, donner un ou deux coups de pied et repartir aussi vite qu’on est arrivé : tels semblent être les mots d’ordre pour un personnage.

À ce titre, le vilain résume à lui seul tous les défauts du film. « La Tâche » est à la fois tragique mais drôle, grotesque mais effrayant, sérieux mais peu convaincant… autant d’aspects si contradictoires que finalement, le personnage n’a aucune consistance. Le gâchis est immense : avec son corps difforme, mouvant, blanc comme une feuille vierge et recouvert de trous anxiogènes, il y avait un boulevard pour rendre « La Tâche » charismatique.

Quant à la question de l’inclusivité, là aussi, on repassera. Certes, outre Miles Morales et sa famille afro-descendante et latino, il y a dans le film une femme noire enceinte, un homme noir britannique et anticapitaliste, un Spider-Man indien… mais à quoi bon faire défiler une galerie de personnages aux identités plurielles lorsqu’ils souffrent des mêmes défauts d’écriture que tous les autres ? Sur le papier, ça a l’air inclusif. Pour un film, ça ne l’est pas.

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Une identité visuelle forte… pour un film sans aucun parti-pris

Paradoxalement, Spider-Man semble nous bombarder de partis-pris visuels et techniques forts, avec une diversité d’esthétique se renouvelant toutes les cinq secondes… Pourtant, le film ne fait absolument aucun choix.

Dans chaque scène, chaque tentative est avortée aussi vite qu’elle est proposée. Une blague ? Annulons-là en ajoutant immédiatement une référence à un élèment tragique du passé. Un moment dramatique fort en émotion ? Court-circuitons le tout de suite avec une vanne… aussi nulle soit-elle.

En définitive, Spider-Man : Across The Spider-Verse est parfait pour découvrir ce que l’on peut faire avec des ordinateurs et des tablettes graphiques. Mais pour se plonger dans l’univers du meilleur des super-héros, une histoire captivante et riche, des méchants qui nous empêchent de dormir pendant des années… on se contentera de re-regarder la saga des Sam Raimi.

Source : marvel

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Les Commentaires

5
Avatar de pikalovescoke
5 juin 2023 à 08h06
pikalovescoke
J'ai pas vu le film mais cet article va a l'encontre de tous les avis que j'ai entendu...
Puis la caractérisation comme un film de "Marvel Studio" comme s'ils étaient produits/réalisés par les mêmes que les films du MCU alors que c'est pas du tout le même studio (c'est Sony ici, pas Disney/Marvel) ne me donne pas envie de croire un article écrit par quelqu'un qui est visiblement parti avec un gros apriori se basant sur l'idée des Marvel/Disney.
6
Voir les 5 commentaires

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