J’adore faire des portraits de meufs qui font bouger la mode, qui testent, qui osent, quel que soit le domaine précis qu’elles ont décidé de secouer.
Je pense notamment à Anaïs des Récupérables, qui fait des vêtements en recyclant des textiles de maison qu’elle trouve en Ressourcerie. Je pense à Minuit Sur Terre qui lance ses chaussures vegan aux designs cool.
Et puis aujourd’hui je te présente Joanna Maiden, que j’ai eu la chance de rencontrer lors de sa venue à Paris. Elle a créé une manufacture textile qui s’appelle SOKO basée au Kenya, et qui fait bien plus de choses que fabriquer des vêtements.
Tisser un lien entre les usines et les marques
Alors qu’elle étudiait la mode à Londres, Joanna décide de faire sa thèse sur la mode éthique mais me raconte qu’elle n’a pas pu trouver autant d’informations que ce qu’elle voulait sur le sujet.
Elle obtient son diplôme et c’est peu de temps après que la mode éthique commence à émerger partout. Elle se renseigne alors un maximum sur le sujet et se rendait « partout où elle pouvait être ».
Avec son copain artiste peintre, ils décident d’assouvir leur envie de voyager et se retrouvent au Kenya pour 7 mois.
Lui va pouvoir peindre sans pression, et elle va pouvoir explorer ses envies, avec une idée qui finit par émerger.
Elle m’explique qu’il existe un vrai besoin de la part des marques de connaître les personnes qui confectionnent leurs vêtement et de tisser un lien avec elles.
Alors Jo découvre sur place quels sont les savoir-faire des gens en confection, quelles seraient les barrières possibles.
En 2009 elle crée SOKO, apprend sur le tas comment gérer une manufacture, manager des gens… Et constitue une collection capsule représentant l’étendue des possibilités et capacités dans cette manufacture du Kenya.
Grâce à des contacts à Londres, elle finit par montrer cette collection à ASOS… Qui passe commande. La marque devient le premier gros client régulier de l’usine.
Devenir cheffe d’entreprise et porteuse d’un projet ethique
« On était 4 à démarrer avec pas grand chose, à peine quelques machines à pédales. Aujourd’hui ces 4 personnes supervisent nos départements et c’est une entreprise de 50 personnes qui travaillent dans une usine écologique. »
Quand on démarre un projet en partant de rien et qu’on finit par gérer avec une manufacture textile, je me dis que ça a pas dû être de tout repos. Jo me raconte son plus gros challenge.
« Je ne connaissais rien ! Je ne connaissais pas le Kenya, je n’avais aucune idée de comment commencer un business là-bas.
Et puis j’avais 28 ans et je me retrouvais soudainement à manager un groupe de personnes dont certaines avaient 45 ans.
Je suis une jeune femme dans l’industrie textile d’un milieu principalement d’hommes, je suis blanche. Et je me retrouve à un meeting où je me sens comme une enfant alors que je dois me montrer forte et parler. »
Habiller Michelle Obama, la reconnaissance ultime
Ces difficultés ont été renversées par la plus grande fierté de la jeune femme, qu’elle n’oubliera jamais.
« C’était quand on n’était encore que 15 ou 20. J’allume un matin mon ordinateur et je vois une alerte Google : Michelle Obama portait un vêtement que nous avions fait. Elle était et est un modèle pour les filles qui bossaient avec moi. J’ai montré à tout le monde l’image sur mon ordinateur. Et tout le monde disait « oh il doit y avoir d’autres manufactures dans le monde qui font la même veste que nous, c’est bizarre ».
Ils n’arrivaient pas à croire que leurs mains dans ce petit village au milieu de nulle part au Kenya avait fabriqué quelque chose que Michelle Obama porterait. C’est un souvenir qu’on gardera avec nous pour toujours. »
Aider les gens en les accompagnant socialement
Tu l’as compris, SOKO fabrique des vêtements pour les marques mais c’est surtout
une entreprise qui se bâtit autour d’enjeux sociaux et environnementaux.
La manufacture s’est déplacée en 2012 dans un bâtiment éco-conçu. Elle m’explique qu’ASOS a payé la moitié de cette entreprise grâce à la fondation ASOS et à leurs commandes régulières. L’autre moitié provient d’emprunts sans intérêts qu’elle est actuellement entrain de rembourser.
« Ils ont été incroyables et engagés. Ils croient en ce que j’essaye de faire au Kenya. On ne fabrique pas que des vêtements, on fait tellement plus dans notre communauté. Il s’agit d’aider les gens à repousser les barrières et d’être capable de s’extraire de la situation dans laquelle ils sont. »
En 2013, la SOKO Community Trust voit le jour avec plusieurs projets accompagnants les cinq villages dans lesquels vivent les salariés.
La Stitching Academy a formé à ce jour 90 personnes sur le métier de la confection, mais aussi une formation informatique pour apprendre à faire son CV.
Une fois la personne diplômée, elle peut s’entraîner ou commencer son propre business dans le Stitching Academy Hub, un espace de travail avec des machines.
On y récupère les chutes de la manufacture, que les employé•es transforment en vêtements pour enfant, des coussins, des sacs, qu’elles vendent à leur communauté.
Et au sein de ces villages, SOKO propose des formations qui brassent des thèmes très larges, aussi bien pour savoir gérer son argent que de la prévention contre le VIH.
En 2018, encore plus d’engagement social pour SOKO
Pour 2018, Joanna travaille, aux côté d’ASOS, autour du Water Project, qui vise surtout à apporter de l’eau dans les écoles mais aussi à sensibiliser les communautés à l’hygiène sanitaire, en construisant des toilettes avec des portes pour assurer l’intimité des filles.
Ces dernières semblent être au coeur des projets de Joanna.
Elle m’explique que les formations qu’elle donnent déjà à ses employées et aux filles du village (qui ont plus de la vingtaine) seront aussi données aux plus jeunes.
« De 12 à 18 ans, tu formes qui tu es, comment tu te sens, et les femmes ont besoin de modèles qui les aident à penser les choses en grand. Penser à comment tu utilises ton argent, au fait de te marier jeune, d’être une jeune maman. »
Elle me précise que ça ne se fera pas sans sensibiliser les hommes à la cause féministe.
« On parle de féminisme et d’empowerment. Les femmes peuvent se sentir comme ça mais si les hommes ne les traitent pas dans ce sens, ça n’ira pas. On voulait donc aussi le faire avec les hommes et les garçons pour qu’ils aient un respect mutuel. »
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Et si demain toutes les usines étaient des SOKO ?
Quand je lui demande si son modèle de manufacture engagée socialement et environnementalement peut devenir les manufactures standards de demain, Jo est optimiste.
Elle me dit que les portes sont grandes ouvertes, et qu’elle voit que les entreprises sont de plus en plus exigeantes envers les conditions de travail des usines et ont envie de créer ce lien avec les lieux de confections.
Avec SOKO, elle a contribué un modèle d’avenir qui j’espère sera la norme de demain.
ASOS Made In Kenya
SOKO a d’autres clients qu’ASOS, comme Zuri ou Lalesso. Mais c’est avec la marque anglaise qu’ils ont le plus travaillé et en sont aujourd’hui à leur 17è collection qui vient tout juste de sortir.
Les enfants de l’école du village ont imaginé les motifs et écrit les phrases, le tout a été renvoyé au siège à Londres à l’équipe de designers qui ont retravaillé les couleurs et les ont apposés sur les modèles.
SOKO a monté les vêtements, fait les broderies et la collection est en vente sur le site d’ASOS, sous le nom ASOS made in Kenya (et il y a déjà pas mal d’articles sold out).
- Pyjama t-shirt et legging, 37,99€
- T-shirt oversize, 43,99€
- T-shirt imprimé zèbre, 32,99€
- T-shirt ample, 35,99€
- Short et caraco imprimé, 37,99€
- Jupe en satin, 81,99€
Tu connaissais cette collaboration entre SOKO et ASOS ? J’adore son style ! Et toi ?
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