— Publié initialement le 18 mai 2014
Avant-propos : cet article est garanti sans comparaison stérile au film « Yves Saint Laurent » de Jalil Lespert sorti en 2013.
Mise à jour du 24 juillet :
La bande annonce officielle de Saint Laurent, de Bertrand Benello, est sortie ! Elle est très représentative de l’univers du film ; si elle vous parle, vous pouvez donc en toute confiance vous rendre dans les salles le 24 septembre.
Article du 18 mai 2014 :
Donc le film.
On voit le phallus de Gaspard Ulliel en plan large pendant de longues secondes.
Voilà.
Au revoir et bon week-end à toutes !
…
Quoi ? Il faut continuer la chronique, ce n’est pas un argument suffisant ? Bon ! Si vous insistez…
Bertrand Bonello a choisi de couvrir la période de la déchéance et des excès d’Yves Saint Laurent pour comprendre comment ils ont influé sur sa création et ses relations. Le film a été réalisé sans le soutien de Pierre Bergé, financier et protecteur du créateur, et on comprend pourquoi face à ce portrait sans concession de 2h30 qui fait partie de la Sélection Officielle pour la Palme d’Or.
La performance d’un acteur
Ce qui ressort le plus de ce film c’est surtout la performance de Gaspard Ulliel qui incarne un beau salaud, un enfant gâté qu’il est impossible d’aimer mais qu’il est aussi impossible de détester. Ce qui le rend aussi agaçant que touchant : une perdition dans le sexe, la drogue sous toutes ses formes mais surtout une perdition dans ses propres caprices et une déconnexion totale du réel.
Il a l’air d’un enfant de choeur. Ca va pas durer.
Qu’un personnage puisse provoquer des émotions aussi contrastées le temps d’un film est bon signe et Gaspard Ulliel se fond totalement dans l’exercice, on oublie le bellâtre pour ne retenir qu’une carrure fragile.
Le problème c’est qu’à côté de cette performance les seconds rôles font pâle figure. Pierre Bergé y est inconsistant et d’ailleurs peu présent : Louis Garrel pourrait relever la sauce s’il ne jouait pas systématiquement sur le même registre, malgré son grand temps de présence à l’écran dans le rôle de l’amant d’YSL.
Pour le reste, ça passe gentiment malgré ma hantise naturelle et spontanée pour Léa Seydoux, toujours sur le même mono-rôle les yeux en l’air un sourire faussement mutin aux lèvres.
La bonne surprise vient des troisième rôles : l’équipe des couturières, les petites mains de la maison Yves Saint Laurent sont d’un naturel saisissant et la scène pourtant courte et secondaire de Valeria Bruni Tedeschi en cliente transformée par le couturier est celle qui m’a le plus émue : c’est impressionnant de voir une métamorphose dans le regard aussi délicate.
Des longueurs faussement arty
Un film de 2h30, même si le format se banalise, reste un film long. La matière ne manquait pourtant pas concernant un biopic du couturier. On se demande pourquoi étendre à n’en plus finir les scènes de sexes et de drogues qui certes créent l’ambiance de malaise qu’elles doivent créer, mais qui finissent surtout par tourner au voyeurisme sans raison en terme de scénario.
Comme YSL, détournons notre regard pudique de ces scènes éhontées.
Je dois quand même reconnaître que l’érotisme palpable qui se dégage du film ne m’a pas laissé insensible, mais nous sommes sur un site pour jeunes filles bien élevées. Aussi faisons comme si de rien n’était.
Peu à peu pour rompre ces longueurs, à croire que le réalisateur lui-même en avait conscience, la chronologie se déforme et s’accélère, on multiplie les allers-retours . Le changement de rythme est salutaire pour réveiller un peu les spectateurs mais il finit par tourner presque à la caricature et joue avec nos nerfs : prévoir l’avancée du film devient impossible et on finit par craindre que ça n’en finisse jamais.
La mise en scène aussi fourmille de petites intentions estampillées « arty » de telle façon qu’on finit par trouver que tout ça fait un peu « poseur ». Ce qui, peut-être, correspond au fond avec ce que l’on devrait penser d’YSL d’après le réalisateur ? Dans ce cas-là le pari est réussi. Mais franchement en 2h c’était faisable hein…
Certains choix inattendus
A côté de tout ce mal-être existentiel, certaines scènes, curieusement sans Yves Saint Laurent lui-même, dévoilent des charmes inattendus dans un biopic. Le film fait effectivement la part belle à l’aspect entrepreneurial d’une maison de haute couture : qui finance, pourquoi, avec qui, avec quels arguments ? Ça donne envie d’en savoir plus, ce qui est un bon point en sortie de salle.
Enfin l’ambiance artistique d’une époque est rendue de façon très physique et authentique : la musique des boîtes de nuit perce les tympans et les images fusent.
On est loin d’un exercice de « reconstitution en costume » un peu cheap. Pendant de trop brefs instants, c’est comme si les années 70 à 90 reprenaient vie comme le montre cet extrait où YSL rencontre Jacques de Bascher, son amant, pour la première fois.
https://youtu.be/qvPZ8u7009M
Finalement les fans apprécieront donc de revoir leur idole à l’écran, le rendu de la photographie mettant en avant les couleurs chatoyantes de ses créations.
Les autres préféreront le regarder chez eux, histoire de pouvoir faire pause quand il leur plaira, rapport au début de cet article, ou bien d’accélérer pour savoir enfin si oui ou non le personnage d’YSL meurt à la fin.
La question paraît simple mais il est intéressant de voir comment ce film, avec une certaine malice, y répond !
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