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Culture

Pourquoi les petites filles veulent-elles « être sexy » ?

Cette semaine, Justine se penche sur la sexualisation des fillettes et sur le rapport qu’elles entretiennent avec leur apparence.

Souvenez-vous, en mars dernier, la plume virevoltante de Laystary revenait sur le rapport de Chantal Jouanno à propos de l’hypersexualisation des petites filles.

Une étude publiée ce mois-ci apporte quelques éléments de plus au débat (source : Live Science) : selon les conclusions des psychologues Christine Reuter Starr et Gail Ferguson, même à l’âge de 6 ans, les filles se percevraient déjà comme des objets sexuels.

L’étude : poupées en papier et perceptions des fillettes

Les chercheuses ont mené leur étude auprès de 60 fillettes âgées de 6 à 9 ans, « recrutées » au sein de deux écoles publiques et d’un studio local de danse.

À ces petites filles, l’équipe de recherche a montré deux poupées en papier, l’une vêtue de vêtements « sexy » et de collants, l’autre habillée avec des vêtements couvrants (mais suivant la « mode » du moment).

Les fillettes ont ensuite dû choisir la poupée qui :

  • leur ressemblait,

  • avait l’air de ce qu’elles-mêmes voudraient avoir l’air,

  • était la fille populaire de l’école,

  • était celle avec qui elles voudraient jouer.

Crevons le suspense insoutenable : les fillettes interrogées choisissent plus souvent la poupée « sexy » au détriment de l’autre, et les résultats sont significatifs pour deux des quatre items – 68% d’entre elles considèrent que la poupée sexy a une apparence qu’elles-mêmes souhaiteraient avoir et 72% pensent qu’elle est plus populaire que la poupée « non sexy ».

Valoriser les figures « sexy » à 6 ans : pourquoi ?

Pourquoi des fillettes hautes comme trois pommes valorisent-elles une poupée « sexy » ? Pourquoi souhaitent-elles lui ressembler ?

Selon Christy Starr (qui s’avoue surprise par le fait que des enfants puissent choisir une poupée sexy comme « figure idéale »), filles et garçons confondus souhaiteraient atteindre la popularité parce que celle-ci apporterait un bon paquet d’avantages sociaux (et elles et ils en seraient relativement conscient-e-s). Et pour atteindre le Graal de la popularité, les filles penseraient qu’il leur faut paraître « sexy » – de 6 à 9 ans, elles auraient donc déjà intériorisé ce que « la société » impose aux femmes et pratiqueraient une « auto-objectivation » (c’est-à-dire se percevraient elles-mêmes comme des objets, usant d’une apparence pour atteindre un statut socialement valorisé).

La question n’est pas de déterminer si oui ou non les figures « sexy » (du moins auxquelles on attribue le terme « sexy ») devraient être valorisées/valorisables (un petit tour vers l’article de Lady Dylan sur le slut-shaming), mais de comprendre pourquoi de si jeunes filles considèrent leur corps comme un objet devant être sexualisé

Les chercheuses en profitent pour souligner que l’équation sexy = populaire n’est valable que pour les filles (entendons-nous bien : les garçons sont soumis à d’autres diktats – pas nécessairement plus reluisants).

Quelques facteurs influençant les filles interviewées

Pour creuser leurs constatations, Starr et son équipe ont tenté d’identifier des facteurs qui pouvaient éventuellement influencer les petites filles dans leurs choix.

  • L’influence du sport

Parmi les petites filles interrogées par l’équipe de psychologues, celles fréquentant le studio de danse choisiraient la poupée non sexy plus souvent que les autres fillettes – ce qui, selon les chercheuses, montrerait que pratiquer un sport pourrait permettre une meilleure appréciation, une meilleure image de leurs corps.

Même si d’autres études observent plutôt que les jeunes filles pratiquant un sport « esthétique » (notamment la danse) se soucieraient plus de leurs poids que les autres, Starr et Ferguson postulent que le sport pourrait renforcer la conscience que notre corps peut être utilisé pour autre chose, ne servirait pas simplement à « paraître sexy » aux yeux des autres, ce qui pourrait aider à protéger les petites filles d’une auto-sexualisation.

  • L’influence des médias combinée à celle des mères

Lorsque l’on aborde le sujet de l’hypersexualisation des petites filles, les médias sont souvent les premiers blâmés. Néanmoins, pour les auteurs de l’étude, cette chasse aux sorcières serait trop simple : l’influence seule des médias ne pourrait pas suffire à expliquer les attitudes des individus (ça va mieux en le disant).

Par exemple, si les filles sont friandes de télévision et de films et que leurs mères ont elles-mêmes tendance à se percevoir comme des objets (en s’inquiétant de leurs vêtements et apparences plusieurs fois par jour), alors elles montreront effectivement plus de tendances à se considérer comme des objets.

En revanche, lorsque les petites filles regardent beaucoup de télévision mais que ce temps est utilisé par les mères de façon éducative et pédagogique, l’effet est contraire : les enfants n’auraient plus tendance à s’objectiver. Autrement dit : les explications maternelles font office de facteur de protection face à ce que les fillettes regardent et entendent.

Il semblerait également que les croyances religieuses joueraient un p’tit rôle là-dedans : les filles consommatrices de médias et ayant des mères croyantes semblent protégées contre l’objectivation et la sexualisation d’elles-mêmes – selon les chercheuses impliquées dans l’étude, la religion apporterait d’autres modèles, qui viendraient contrebalancer ce qui peut être véhiculé dans par la télévision. À l’inverse, lorsque les filles ne regardent pas beaucoup la télévision et qu’elles ont des mères croyantes, elles déclarent plus souvent vouloir ressembler à la poupée « sexy » – comme si, alors qu’elles sont hyperprotégées et sous-exposées aux messages transmis, elles idéalisaient en réactance ce qui leur est interdit.

Christine Reuter Starr tient à ne pas jeter l’opprobre sur les médias et à ne pas accuser non plus le « sexiness » : il n’y a rien de mal à ce que certains médias montrent une image « sexy » des femmes, mais elles devraient être aussi souvent montrées dans d’autres rôles… Et les médias véhiculant d’autres images devraient être largement encouragés et soutenus.

Pour la chercheuse, les résultats de l’étude ne sont finalement pas si incohérents : si la société et les femmes elles-mêmes considèrent que leur apparence est plus importante que toute autre « qualité » potentielle, si l’on montre quasi systématiquement les femmes de manière sexuelle et objectivée, comment les petites filles pourraient-elles croire autre chose ?

L’étude de Starr et Ferguson a ceci de positif qu’elle mentionne les facteurs sur lesquels nous pourrions agir (mais à une échelle individuelle… si je peux me permettre d’y mettre mon grain de sel : non seulement ça n’est pas vraiment suffisant, mais ça peut aussi être très culpabilisant) : selon elles, les parents pourraient « faire quelque chose » pour protéger les fillettes.

Pour conclure, Christine Reuter Starr reconnaît s’être centrée sur l’influence des mères, sans aborder celle des pères (la chercheuse supposant que les filles prendraient plus souvent comme modèles leurs mères que leurs pères)… Il y a pourtant fort à parier que leur influence sur leurs propres filles est tout aussi forte (non mais ho) et que l’étude de Starr aurait gagné à s’y intéresser.

Pour aller plus loin :


Les Commentaires

39
Avatar de Olimeli
25 septembre 2014 à 11h09
Olimeli
Je ne comprends pas bien cette phrase, ca sous entend qu une femme/une mère qui prend soin d elle, qui fait attention a comment elle s habille, se regarde dans le miroir, se maquille se considère comme un objet?????
Par exemple, si les filles sont friandes de télévision et de films et que leurs mères ont elles-mêmes tendance à se percevoir comme des objets (en s’inquiétant de leurs vêtements et apparences plusieurs fois par jour), alors elles montreront effectivement plus de tendances à se considérer comme des objets.

par contre je suis d accord avec cette phrase, il faudrait montrer une femme forte, a l aise ds son corps et qui ne joue pas que le role de la femme sexy qui est la pour faire de la figuration

il n’y a rien de mal à ce que certains médias montrent une image « sexy » des femmes, mais elles devraient être aussi souvent montrées dans d’autres rôles…
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