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Société

Mon père est trans, j’en suis fière et j’ai fait Secret Story pour sensibiliser

Ancienne candidate de télé-réalité, Morgane Enselme raconte à Océane son enfance et sa relation avec son père transgenre, loin des préjugés.

En partenariat avec Hugo & Cie (notre Manifeste)

Candidate de Secret Story en 2011 avec le secret « mon père s’appelle Brigitte », Morgane Enselme m’a parlé de son enfance et de sa relation avec son papa.

Elle évoque la façon dont elle a vécu le coming-out de son daron, le regard des autres sur la transidentité, son propre regard sur son père et ce qu’elle a retiré de son éducation aimante et tolérante.

Morgane Enselme parle de « son papa Brigitte » et de transidentité, voici un petit topo au cas où tu n’es pas familière du sujet !

Philippe, le père de Morgane, n’a pas changé de sexe, ni subi d’opération chirurgicale pour modifier son apparence. Il est né dans un corps considéré comme masculin, a une femme pour conjointe, a eu une fille. Il ne souhaite pas changer de sexe.

Cependant, la moitié du temps, Philippe est Brigitte. Il vit en tant que femme, dans une identité de genre féminine.

Dans l’interview ci-dessous, Morgane explique qu’il se définit comme gender fluid : son identité de genre est fluide, elle varie ! Les personnes gender fluid sont considérées comme faisant partie de la communauté transgenre.

Treize semaines : Morgane Enselme montre les dessous de la télé-réalité

Quand elle est entrée dans la maison des secrets à 20 ans pour la 5ème saison de Secret Story, Morgane n’avait qu’un objectif : profiter de son temps en prime time à TF1 pour sensibiliser à la cause LGBT et parler de sa réalité de jeune femme élevée par un papa transgenre.

Ce qu’elle n’avait pas prévu, c’est que la découverte de ce monde la marquerait par plein d’autres aspects : privation de liberté et d’intimité, insalubrité, mensonges et manipulations de la part de la production.

Les candidats et candidates n’étaient pas autorisés à connaître l’heure, à faire le ménage ou simplement à tenir un stylo. Ils devaient être disponibles sans interruption, le cerveau aussi vide que possible, pour qu’ils puissent exploser à la moindre occasion.

Décidée à dénoncer toutes ces choses que personne ne sait à propos de la télé-réalité, Morgane aura mis près de 10 ans après sa sortie de Secret Story pour publier son livre Treize semaines : ce que vous n’auriez jamais dû savoir sur la télé-réalité, le 28 mai 2020.

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Ce livre, c’est aussi pour Morgane l’occasion de recentrer son expérience sur son père et les liens forts qu’elle entretient avec sa famille, et de participer à son échelle à la visibilité des personnes transgenres.

La coming-out du père de Morgane Enselme

Avant son passage à Secret Story, Morgane faisait des études de droit ; après cette expérience riche en émotions, elle a exploré plusieurs voies et modes d’expressions.

Probablement inspirée par son père journaliste sportif et amoureux des lettres, elle se lance dans une école de journalisme, puis une école de théâtre, la création de son blog et enfin la création de sa chaîne YouTube.

Avec son père Philippe, depuis petite, Morgane entretient une histoire d’amour et de complicité :

« J’ai toujours été très proche de mon père.

Quand j’étais petite il venait me cherchait tous les mercredis après l’école, on allait dans un fast-food, je mangeais toujours le même menu et après on allait au cinéma, c’était un peu notre rituel.

Il était malgré tout souvent absent parce qu’en tant que journaliste, il partait plusieurs jours en reportage pour vivre de sa plume.

En grandissant j’ai compris que ces moments-là étaient aussi ceux pendant lesquels il devenait Brigitte et menait une autre vie, dans un autre appartement.

Mais quoi qu’il en soit j’ai toujours vécu une enfance normale, je n’avais pas l’impression qu’il y avait quelque chose de différent, je m’entendais très bien avec mes parents, on rigolait bien. »

Pendant toute son enfance, Morgane est élevée par son père Philippe, aux cheveux et ongles longs, et impliqué dans une association qui vient en aide à des personnes transgenres immigrées en France.

L’évènement qui a marqué un joli tournant dans la vie de Morgane et ses deux parents quand elle avait 14 ans, c’est le jour où Philippe a fait son coming-out en lui expliquant son rapport au genre et à sa féminité.

Morgane en parle avec beaucoup de sourire comme d’un très bon souvenir :

« Il m’a parlé de Brigitte parce qu’elle venait de passer des castings et d’être embauchée comme chroniqueuse transgenre sur une chaine privée LGBT.

Donc mon père s’apprêtait à apparaître en tant que chroniqueuse dans une quotidienne à la télé.

Il s’est dit qu’il fallait que ce soit lui qui me le dise avant que des médias s’en chargent.

Moi j’avais déjà remarqué deux ou trois trucs peu de temps avant. Je l’avais par exemple entendu répondre au téléphone avec une voix de femme et je m’étais demandé pourquoi il faisait ça.

Je savais qu’il fréquentait des personnes transgenres et je savais ce que c’était, parce qu’il avait monté une association pour aider des personnes trans colombiennes et mexicaines à améliorer leur français.

C’était une asso culturelle dans laquelle elles faisaient des sketchs, des pièces de théâtre, etc. Donc quand j’étais jeune je les voyais souvent, c’était les copines de mon papa et parfois mes baby sitters.

Ce jour-là, quand j’ai entendu mon père répondre au téléphone avec une voix de femme, mon père qui a les cheveux longs et les ongles longs, je me suis dit : mais en fait, lui aussi doit être transgenre !

Je suis allée en parler à ma mère en lui disant juste « tu sais maman, je pense que papa se travestit parfois » ; elle a fait de gros yeux et je m’en suis voulue d’aller donner une information pareille à ma mère.

En fait, elle le savait déjà, mais ils attendaient encore un peu pour me le dire ! Comme ils ont vu que je commençais à recoller les morceaux, ils se sont dit que c’était le bon moment. »

La mère de Morgane a donc appris plus tôt la vie atypique de son conjoint, mais cela s’est fait dans la douceur, puisqu’elle a totalement accepté Philippe et Brigitte dans leur globalité.

Morgane me raconte :

« Mes parents sont toujours ensemble, ma maman qui est quelqu’un de très ouvert d’esprit a dit à mon papa de vivre les expériences qu’il a besoin de vivre.

Elle lui a donné sa liberté, lui a dit de vivre tout ce qu’il voulait vivre, tant qu’il revient toujours à la maison et que sa fille, donc moi, a toujours un père.

Mon père a donc pris un deuxième appartement pour sa vie de Brigitte et il sépare sa semaine en deux : la moitié du temps en tant que Brigitte Boréale dans son appartement, et l’autre en tant que Philippe avec nous. »

Le regard des autres sur son père transgenre

Pour Morgane, le coming-out de son père s’est fait dans la joie et la bonne humeur.

Selon elle, tout repose sur la communication instaurée par son père avec elle et la certitude qu’elle avait d’être aimée et soutenue quoi qu’il arrive :

« Il me l’a annoncé de façon un peu ludique avec un album photo. Il m’a dit « tiens, regarde c’est Brigitte, c’est la nouvelle du groupe ».

Au début je voyais une Brigitte que je ne connaissais pas, et au fur et à mesure des photos j’ai reconnu mon père et lui ai dit « mais c’est toi ! ».

Il a éclaté de rire et s’est repris assez vite en m’expliquant qu’il avait deux passions dans la vie, les lettres et la féminité, et que Brigitte est une personne qu’il a créée, qui fait partie de sa vie.

Qu’il a besoin d’elle pour vivre en tant que femme de temps en temps.

Il m’a expliqué des choses qui m’ont permis de comprendre tout de suite que je ne risquais pas de perdre mon papa, que ça ne changeait rien ni à son amour ni à la relation qu’on avait.

Il m’a tout de suite dit qu’il savait qu’il était un garçon et qu’il était mon papa, qu’il ne voulait pas choisir entre féminin et masculin parce qu’il était les deux.

Que quoi qu’il arrive ma mère et moi serions toujours ce qu’il y a de plus important pour lui et qu’il nous aimerait toujours plus que tout au monde, et que ça ne changerait jamais.

Du coup une fois que ça c’était dit, je pense que c’était le principal, et comme je pense qu’il avait fait attention à m’élever d’une manière très ouverte d’esprit et dans la tolérance, ça ne m’a pas choquée, ça ne m’a pas fait peur, au contraire ! »

Quand j’évoque ses potentielles craintes de petite fille sur le regard parfois malveillant des autres sur son père, Morgane m’arrête tout de suite :

« Je n’ai eu aucun souci par rapport à ça. Je pense que le fait que je l’assume pleinement et que je sois hyper fière de lui, ça fait sentir aux gens qu’il n’y a pas matière à me déstabiliser.

Le dire aux gens que je rencontre c’est même un moyen de déceler tout de suite les personnes qui sont intolérantes et qui n’acceptent pas la différence d’autrui.

Je n’ai pas vraiment ressenti de rejet.

Bien sûr j’ai déjà été témoin de regards parfois un peu dérangés sur mon papa quand on est ensemble, qu’il est en Brigitte et qu’on rentre dans certains bars, etc.

Il y en a toujours pour regarder en coin et se dire « qu’est-ce que c’est que ça ». Mais mon père et moi en jouons et ça déstabilise complètement les personnes en face.

Ça m’est déjà arrivé de parler à des gens qui sont dérangés par son identité mais je me fais un plaisir de parler avec eux, et de leur montrer qu’il n’y a pas de problème, que moi je n’ai pas de problème avec ça. Donc ça désamorce la situation. »

Faire Secret Story pour rendre visible la cause LGBT

Quand Endemol contacte Philippe et Morgane en 2007 pour qu’ils participent tous les deux à la première saison de Secret Story, Morgane n’a que 16 ans, passe son bac de Français et il n’est pas question qu’elle se lance dans cette aventure.

Quelques années plus tard, la production insiste lourdement, et c’est ensemble qu’ils prennent la décision : faire de Morgane une candidate de l’émission.

« Les gens de la prod nous avaient passé de la pommade en nous disant que cette année, ce serait différent.

Qu’ils voulaient faire une émission avec des beaux secrets et des belles personnes, qu’ils voulaient changer l’image de la télé-réalité et que c’était pour ça qu’il savaient besoin de gens comme nous pour faire passer de beaux messages.

Mon père leur a dit tout de suite qu’il ne voulait pas participer et que le reste serait entre eux et moi. Finalement, avec mon père nous étions tiraillés entre deux choses.

La première c’est que c’était de la télé-réalité et c’était un risque parce que ça n’avait pas très bonne image. Moi je n’aimais pas toutes les valeurs qu’elle véhicule.

Mais d’un autre côté en termes d’impact et de public touché pour sensibiliser au fait de grandir dans une famille avec un parent transgenre, ou juste pour expliquer aux gens que les personnes transgenres ne sont pas des créatures anormales, on ne pouvait pas faire mieux que TF1 en prime time pendant tout l’été.

C’est donc une décision qu’on a prise ensemble. Moi qui allait dans le jeu pour parler de Brigitte, c’était une option qui nous paraissait pas mal : elle ne serait pas exposée directement aux potentielles insultes, moqueries, etc.

Mon père avait confiance en moi et savait que je n’allais rien faire qui me porte préjudice, rien d’immoral ou de grave, donc il n’y avait pas de raison que ça se passe mal. »

Même si Morgane n’avait pas prévu de vivre une aventure aussi éprouvante et qu’elle regrette que la production ne lui ait pas donné autant de temps de parole sur le sujet de la transidentité qu’elle aurait espéré, elle est loin de regretter son choix.

« Je sais que le message est passé, même si malheureusement je n’ai pas eu beaucoup de temps pour dire ce que je voulais dire.

La production voulait en parler un petit peu, mais ils voulaient surtout aborder le sujet pour faire le buzz. Ils m’ont donné 10 minutes dans un prime pour en parler et c’était fini.

Après il y a d’autres moments où j’en ai parlé, quand les autres candidats ont trouvé mon secret on a pu en discuter. Il y a plein d’échanges à ce sujet qui n’ont pas été diffusés.

Cependant, je sais que ma voix a été entendue, parce qu’après l’émission on a reçu des messages de gens qui nous disaient merci. Des jeunes qui n’osaient pas forcément parler de leur identité LGBT à leurs parents et que notre discours avait rassurés.

Ils étaient soulagés de voir que ça peut bien se passer avec la famille, qu’en tant personne LGBT on peut avoir des enfants et en discuter, que tout peut bien se passer.

Donc ça je sais que ça a été entendu, et c’était une de mes plus belles récompenses quand je suis sortie, parce que ça a touché des gens. »

La reconnaissance de Morgane Enselme pour son éducation

De son éducation, du courage de son père à assumer qui il est vraiment dans une société discriminante et de la relation forte et remplie d’amour de ses parents, Morgane ressort fière et épanouie.

Elle regarde aujourd’hui son enfance et son éducation avec beaucoup de reconnaissance :

« J’ai eu une enfance très insolite parce qu’on était en dehors des schémas traditionnels, mes parents n’étaient pas un couple traditionnel, c’était une organisation personnalisée, mais ce n’était pas négatif, au contraire.

Mon éducation avec un papa transgenre et une maman hyper ouverte d’esprit et des parents qui s’aiment très très fort a été faite dans beaucoup d’amour, et ça m’a peut-être donné plus de force qu’une éducation plus traditionnelle ne m’en aurait donné.

J’ai vécu mon enfance dans la tolérance, l’amour, avec un papa qui m’a montré qu’on a le droit d’être qui on veut, qu’on n’a pas à avoir honte ou penser qu’on a tort parce qu’on a une différence, qui m’a donné des leçons de courage.

Je trouvais ça tellement courageux de la part de mon père de sortir habillé en femme alors que ça ne plaisait pas à tout le monde parce que lui c’était comme ça qu’il se sentait bien.

Je souhaite à tout le monde d’avoir des parents aussi aimants que les miens et de grandir dans un environnement dans lequel on peut se sentir libre d’être qui on est.

Moi c’est ce que j’ai eu et c’était vraiment une belle façon de grandir.

Le modèle de mes parents m’a aussi montré qu’une personne existe au-delà de son rôle dans un couple et de son rôle de parent.

Quand on est enfant on a tendance à penser que nos parents sont nos parents et qu’ils ne sont rien d’autre, qu’ils n’avaient pas de vie avant nous, alors que si, ils en ont une même pendant et après nous.

J’ai compris qu’on a aussi le droit de vouloir faire les choses pour soi et le fait que dans le couple de mes parents ce soit admis, ça m’a rendue hyper indépendante en couple et je n’essaye pas de posséder la personne.

Chacun fait ses trucs, chacun fait sa vie. Je suis très flexible sur plein de choses ! »

Si tu souhaites en lire davantage sur la vie et l’histoire de famille de Morgane, je t’invite à te procurer son livre Treize semaines : ce que vous n’auriez jamais dû savoir sur la télé-réalité !

À lire aussi : Le coming out trans d’Océan : « j’ai décidé de m’affirmer tel que je suis »

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Les Commentaires

17
Avatar de skippy01
3 juin 2020 à 17h06
skippy01
(c'est pas comme si "égalité" était dans la devise de la france hein)
En même temps, ça fait un moment que la devise de la France est obsolète, donc bon.
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Voir les 17 commentaires

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