À la veille de sa sortie dans les salles obscures ce mercredi 22 novembre, Napoléon a reçu un accueil du genre glacial parmi les critiques de cinéma français.
« Les Français ne s’aiment même pas eux-mêmes » : parce qu’ils n’aiment pas Napoléon ?
Cet accueil, Ridley Scott semble avoir beaucoup de mal à l’accepter. Le réalisateur de 80 ans a mis fin au débat sur la qualité de son film et ses fantaisies historiques.
Dans une interview sur BBC le 19 novembre, le cinéaste a fini par trancher avec un argument aussi dédaigneux que surprenant, lançant : « Les Français ne s’aiment même pas eux-mêmes. » Une manière, sans doute, de dire que les Français devraient être fiers de leur histoire, censée être incarnée par Napoléon, au lieu de rire de la représentation de ce dernier dans le film.
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Un film « involontairement drôle »
Dans les colonnes du Figaro, on déplore un film « ni révolutionnaire, ni impérial ». On s’étonne aussi des réécritures opérées par Ridley Scott dont le film ne semble raconter qu’une histoire d’amour : « Les décisions, l’ambition et le destin de Napoléon auraient une cause unique, indépendante de son époque, et cette cause unique serait son amour, absolu et possessif, pour Joséphine » ; « Les historiens n’y avaient jamais pensé », ironise le journal.
Du côté de GQ, on constate qu’il y a « quelque chose de foncièrement maladroit, de frelaté et d’involontairement drôle » à voir un film sur la France « dépouillé de sa langue », en citant l’exemple d’une scène dans laquelle l’armée napoléonienne scande « Vive la France » avec un accent américain.
Les libertés historiques ne sont pas innocemment ridicules : elles révèlent de lourdes implications idéologiques
Interrogé sur les incohérences historiques de son film par BBC, Ridley Scott a tout simplement éludé la question : « Vous voulez vraiment que je réponde ? Il vaut mieux que je m’abstienne, je risquerais d’être grossier. »
Cependant, si la plupart des critiques s’amusent des fantaisies historiques imaginées par le réalisateur de Napoléon, on s’étonne que la dimension problématique de ces réécritures ne soient pas davantage questionnées.
Après tout, un cinéaste est tout à fait libre d’écrire un film qui se contente d’être librement inspiré de faits réels (en précisant bien, dès lors, que le film n’est pas un biopic). En réalité, la critique qu’il faudrait adresser à Napoléon serait plutôt de voir un dictateur sanguinaire ayant rétabli l’esclavage dépeint comme un héros de fiction romantique.
Pour faire un grand film d’action d’époque et romantique, il aurait par exemple été bienvenu d’imaginer un personnage purement fictionnel qui porte un autre nom. Au lieu de cela, Ridley Scott emprunte à l’Histoire et ainsi, entretient une représentation extrêmement ambiguë d’un homme dont les crimes sont encore l’objet de silenciations en France. Le réalisateur a beau avoir produit 2h30 (et même, 4h30 pour la version longue du film) d’images sur Napoléon : on attend encore le film qui brisera le mythe accolé à un dictateur sanguinaire ayant participé à faire du racisme une institution qui continue de structurer le monde.
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