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Et si on arrêtait de se moquer d’autrui sur Internet ?

Sur Reddit, un utilisateur constate que la plateforme semble mettre en avant des contenus qui s’attaquent de front à certains comportements humains. Comment expliquer que la moquerie ait pris une telle place sur Internet ?

Serions-nous devenues plus méchants et méchantes ?

Depuis la nuit des temps, le malheur des autres nous fait rire.

Un mec se rétame en tentant de faire une pirouette dans le Zapping à la télé. Une fille est piégée dans un prank sur YouTube. Un panda tombe maladroitement de la branche qu’il escaladait dans une vidéo TikTok.

Derrière le rire et la volonté de se moquer « gentiment », sommes-nous en train de nous désensibiliser du malheur des autres ?

Entretenir la haine, une stratégie gagnante sur Internet ?

PotterMellow, un utilisateur de Reddit, a ouvert une discussion très intéressante dans la section France il y a quelques jours.

Habitué de la plateforme américaine depuis 2014, il s’étonne de voir de plus en plus émerger des fils de discussion qui sembleraient légitimer le bashing et ce qu’il dénonce comme une « mise au pilori » virtuelle.

« Le phénomène qui ne cesse de me surprendre est la place considérable que les subreddits de haine semblent avoir pris sur Reddit.

Je ne parle pas des « hate subreddits » comme les entendent les américains, à savoir les haines interdites comme le racisme, sexisme, etc. mais bien de tout subreddit dont la vocation première est de mettre en forme sur l’espace public une haine autorisée, systématique, pour des comportement jugés déviants, une forme de mise au pilori virtuelle assez similaire à celle que l’on peut retrouver sur twitter au final, tandis que l’objet des fureurs redditiennes s’approche surprenamment de ceux que l’on peut trouver sur facebook.

Il peut s’agir de haines banales, pour des situations du quotidien qui mettent en colère ou qui énervent (le plus ancien que je voie être régulièrement actif étant r/iamverysmart qui moque les gens arrogants) ; le plus souvent, il s’agit d’une haine délibérée contre des comportements jugés abusifs ou intolérants (un petit nouveau serait r/insaneparents où sont mis en scène des parents abusifs et des familles dysfonctionnelles).

Dans tous les cas ces sub ont une même fonction : la colère et l’indignation pour des cibles variées. »

L’internaute cherche une explication de ce phénomène dans la tendance des gens à partager et à commenter bien plus souvent les contenus qui les indignent.

À lire aussi : Comment arrêter de s’énerver sur Internet

Les fils Reddit qui remontent régulièrement sur la page d’accueil du site attisent effectivement bien la colère…

Accroche-toi avant d’aller consulter ces sujets :

Avec son thread, PotterMellow pose en fait une question passionnante : pourquoi sommes-nous attirées par ces contenus cringe et pourquoi aimons-nous détester les autres ?

Le cringe, un plaisir inavoué ?

Dans une vidéo récente, Natalie Wynn alias ContraPoints, une fine observatrice de la culture Web américaine, adressait la question de notre rapport au cringe.

Cringer, c’est ressentir du malaise ou de l’embarras en observant une situation gênante ou en repensant à un truc nul que tu as fait dans le passé.

Tu peux aussi bien cringer en matant le premier TikTok de Mélenchon qu’en te remémorant cette fois où tu as surestimé le potentiel d’une blague qui a complètement fait un four devant ton crush.

Dans sa vidéo, ContraPoints prend l’exemple d’un candidat à l’émission de chanson American Idol qui se croit aussi talentueux que le chanteur du groupe Queen.

Elle distingue le cringe compatissant (elle a de la pitié pour la personne) du cringe

méprisant (= cheh !). Pour expliquer le cringe méprisant, elle détaille :

« J’avoue qu’en regardant Red, je ne souffre pas beaucoup quand je cringe de lui. Je ris de sa performance ridicule, comme le font les juges. Et puisqu’il est si arrogant, et puisqu’il ne montre aucun signe d’embarras, une partie de moi apprécie en quelque sorte son échec.

Il y a presque un sentiment de karma, une sensation qu’en raison de son arrogance tragique, il MÉRITE l’humiliation qu’il fait pleuvoir sur lui-même.

Et mon sentiment qu’il le mérite étouffe ma réaction compatissante et permet de lever la culpabilité que je pourrais ressentir à prendre du plaisir dans l’humiliation de quelqu’un. »

Le plaisir de la souffrance

Rien à voir avec le BDSM : le plaisir de la souffrance, c’est ce qu’on ressent quand on voit se planter une personne qu’on déteste. Et le phénomène commence tout juste à être étudié au regard de nos pratiques sur Internet.

ContraPoints recommande la lecture du livre de Richard Smith à ce sujet :

« La Shadenfreude est bien sûr le plaisir qu’on prend dans le malheur des autres, et Smith soutient qu’on l’éprouve parce que psychologiquement, on gagne quelque chose quand les autres perdent.

On évalue constamment notre propre valeur en nous comparant aux autres. Donc on obtient un boost d’estime de soi, un sentiment agréable de supériorité, en nous comparant aux gens en-dessous de nous, surtout si on est mal dans sa peau en premier lieu. »

Sur les réseaux sociaux et dans les espaces d’interaction en ligne en général, c’est la foire de la comparaison.

Suis-je normale ? Suis-je trop grosse, trop mince ? Ma vie est-elle assez belle et intéressante ? Combien de gens ont liké mes derniers contenus ? Est-ce que je m’engage assez pour changer le monde ?

Chaque chute est potentiellement un rappel très concret que nous valons mieux que l’autre. Qu’ils sont bêtes, ces gens qui croient aux théories du complot ! Qu’ils sont débiles, ces gens qui ne portent pas de masques !

Pourquoi aimons-nous nous moquer des autres ?

Plusieurs raisons sociales nous poussent à nous moquer des autres, souvent inconsciemment, souvent malgré nous.

Voir l’autre chuter, c’est se rappeler de sa terrible humanité. Je me conforte dans l’idée que l’autre est aussi maladroit que moi. Et au fond, ça me rassure de le voir se planter car cela me permet d’accepter mon imperfection et de m’accorder un droit à l’erreur… tout en souhaitant ne jamais me montrer aussi vulnérable et fragile.

Soudainement, en m’en moquant, je me sens terriblement proche de la personne que j’humilie. Et ce qui me fait le plus cringer, c’est parfois ce que je déteste le plus chez moi.

Je cringe pour m’en écarter, m’en distancier. Pas de ça dans mes fans, je cringe pour faire savoir publiquement que je suis loin de ce modèle d’imperfection, je le rejette avec fermeté.

Je vais même plus loin : quand je rejette l’autre, en le désignant comme un bouc-émissaire sur les forums comme Reddit qui légitiment ce comportement, quand je ris avec la masse, je cherche à me fondre dans la foule.

Je n’ai pas envie d’être le roseau qui se courbe à l’inverse du vent et encore moins la rabat-joie qui casse le mood de tout le monde. Je n’ai pas envie que les autres m’excluent ni ne m’associent à ces personnes qui arborent le L de Loser sur le front.

Si je participe à cette culture de « l’humili-divertissement » dont parle le Richard Smith cité par ContraPoints, ce n’est pas parce que je suis une mauvaise personne, c’est parfois juste une stratégie de survie inconsciente pour être acceptée dans un groupe.

Et ce n’est pas à moi de juger si c’est bien ou mal… c’est juste parfaitement humain.

Pour questionner notre rapport à nous-même et ce que nous projetons chez les autres, ContraPoints conclue sa vidéo sur une nuance intéressante :

« Melissa Dahl préconise non pas l’amour de soi ou la haine de soi, mais ce qu’elle appelle : l’indifférence de soi. Elle dit :

— L’ indifférence de soi est le soulagement de se rendre compte qu’on n’est tout simplement pas le centre du monde. »

Au final, ne trouverions-nous pas un apaisement en nous comparant moins aux autres ?

Et toi, quel rapport as-tu avec ces contenus ? En regardes-tu ? Parlons-en dans les commentaires !


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Les Commentaires

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Avatar de KtyKoneko
15 juillet 2020 à 17h07
KtyKoneko
déjà que je n'arrive pas à regarder un film du genre "les bronzés" parce que j'ai mal pour la/les personnes dont on se moque... alors rire des gentes qui se font mal dans la vraie vie (j'ai trop mal pour eux) ou qui sont ridicules (mon empathie me fait avoir honte pour elleux)...
les blagues méchantes ne me font pas rire non plus, alors que l'auto-dérision m'amuse beaucoup (mais là, je ris avec., on ne rit pas de.)

seule exception, les bourdes et stupidités prononcées de certaines personnalités que je n'apprécie pas (genre notre ami Trump, ou une certaine Marine de chez nous), peuvent me faire sourire d'ironie.
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