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MEN ALEX GARLAND
Cinéma

La masculinité toxique fait toute la terreur de MEN, nouveau film d’horreur d’Alex Garland

Avec MEN, son nouveau film d’horreur, Alex Garland continue de réinventer le cinéma de genre contemporain grâce au féminisme. (Attention, cette critique propose une analyse féministe du film et contient des spoilers.)

Le nouveau film d’Alex Garland raconte l’histoire de Harper, une femme qui part vivre seule dans une jolie maison de campagne isolée pour tenter d’aller mieux après une tragédie d’une violence inouïe.

MEN, de quoi ça parle ?

ATTENTION SPOILER

Son ex conjoint, un homme abusif, manipulateur et violent s’est jeté par la fenêtre sous ses yeux après l’avoir menacée de se tuer si elle le quittait.

Au début de son séjour, on entrevoit la possibilité qu’Harper ait trouvé une voie vers la guérison. Les paysages verdoyants et paisibles qui l’entourent semblent annoncer les perspectives qui s’ouvrent enfin à elle : se reconstruire sainement et en autonomie loin de cette relation mortifère.

Or, cette paix va vite être empêchée. Une série d’évènements terrifiants vont plonger Harper dans un gouffre d’horreur absolue qui va abolir la frontière entre réel et cauchemar. Mais ce serait un contre-sens total de croire que l’horreur n’est qu’une métaphore de la mauvaise conscience du personnage féminin. Le film prend le contrepied du stéréotype de la femme paranoïaque et hantée par ses démons intérieurs. Dans MEN, le monstre est ailleurs.

La masculinité comme modèle monstrueux

Du propriétaire de la maison au prêtre, en passant par le policier ou encore au petit garçon qui rôde dans le coin, la jeune femme est entourée d’hommes flippants qui vont multiplier les agressions envers elle. Or, le comble de l’horreur est aussi le coup de génie du film : tous ces hommes ont le même visage, grâce aux costumes, au maquillage et à des effets spéciaux sur l’acteur Rory Kinnear. Ce choix de mise en scène si étonnant visuellement n’est pas décoratif. Il révèle que le vrai sujet de MEN, ce n’est ni une relation de couple plus toxique que les autres, ni des hommes particulièrement méchants mais bien la masculinité en général. La masculinité comme construction sociale fondamentalement violente et presque monstrueuse. D’ailleurs, sur l’affiche du film, on lit que « Le Mâle engendre le Mal. »

MEN Alex Garland Rory Kinnear.zip
© Metropolitan FilmExport

MEN raconte que les hommes sont capables de ne faire qu’un pour maintenir leur domination

Du conjoint qui instrumentalise sa mort pour détruire la vie de Harper, au policier qui lui rit au nez lorsqu’elle porte plainte contre un stalker qui la suit dans sa maison, en passant par le prêtre qui lui reproche la mort de son ex compagnon et tente de la violer, MEN montre que la masculinité toxique contamine autant la sphère intime que publique. Elle ronge toutes les strates de la société sans distinction de race ou de classe. Dans le film, peu importe les variations physiques ou le statut social : les hommes ont tous le même visage parce qu’ils sont tous pervers et violents. Autrement dit, MEN raconte que les hommes sont capables de ne faire qu’un pour maintenir leur domination.

Ils utilisent tous les moyens possibles pour empêcher Harper de se libérer et lui faire développer une culpabilité qui se chargera de la détruire. C’est pourquoi il y a une grande pertinence entre la portée féministe du film et sa plongée dans une horreur extrêmement crue et viscérale. La performance de l’acteur Rorry Kinnear, qui joue tous les rôles masculins, résonne avec le fait de performer la masculinité, en la poussant à un degré de violence insoutenable, notamment vers la fin du film (on vous déconseille d’aller le voir après manger).

L’horreur, l’intime e(s)t le politique

Alex Garland exploite avec brio la capacité de l’horreur à traiter de traumatismes intimes pour mieux parler de politique. Grâce à la mise en scène, qui place toujours Harper au centre du cadre et ne l’objectifie jamais, on éprouve une empathie immense pour elle. Ce qui lui arrive est d’une violence insolite mais on se reconnait aussi en elle. En effet, le film file une métaphore sur la religion en prenant comme décor cette maison qui semble perdue au milieu du Jardin d’Eden où il n’y a qu’un pommier, ou encore en montrant le cadavre empalé de l’ex compagnon qui rappelle le corps du Christ.

Ainsi, à partir d’une situation de départ intime, le film développe un propos politique radicalement féministe. Il dénonce l’enracinement profond de la misogynie dans les rapports hétérosexuels et jusque dans les mythes fondateurs. La violence de tous ces hommes, de l’ex compagnon aux personnages surnaturels autour de la maison, c’est de faire de Harper une figure d’Ève et lui faire porter le poids d’un péché originel, celui d’être une femme. Pour permettre un tel croisement de registres et de discours, le film crée un panel d’idées visuelles et de mises en scènes qui absorbent votre regard par leur beauté ou vous font le détourner par leur violence.

Harper cueille une pomme dans le jardin
@ A24

À lire aussi : Ces films d’horreur dont les femmes sont les vraies héroïnes

Crédit image à la Une : Youtube : Men | Official Trailer HD | A24


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Les Commentaires

2
Avatar de Hilaze
10 juin 2022 à 16h06
Hilaze
Autant je suis vraiment pas fan de films d'horreur... autant celui-ci me tente... en partant du principe que je suis une grande trouillarde bien sensible, bon ou mauvais plan ? (pour les personnes qui connaissent le film L'Orphelinat, c'est ma limite, il y a toutes les horreurs possibles : jump scare, gore, horreur psychologique, surnaturel, gamins flippants et maltraités, violences diverses)
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