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Féminisme

La manif en Corse contre les violences sexuelles, dans les yeux d’une photographe

Le 21 juin 2020 avait lieu à Bastia, en Corse, une manifestation féministe contre les violences sexuelles, inspirée du mouvement #IWas lancé aux États-Unis sur les réseaux sociaux. Cécile y était et elle raconte ce qu’elle y a vécu.

Le 1er juin 2020, un hashtag qui fait étrangement penser à #MeToo a commencé à envahir les sphères américaines, puis françaises de Twitter : le #IWas.

Son but, dénoncer les violences sexuelles, délier la parole des victimes, éduquer la population et rappeler que le combat n’est pas terminé.

Moins d’une semaine après son lancement, le hashtag comptait déjà plus de 40 000 tweets en France, comprenant des témoignages de viols, agressions et harcèlement sexuel.

La Corse s’en est aussi emparée, jusqu’à organiser une manifestation touchante à Bastia le dimanche 21 juin dernier.

Cécile était présente à la manif, ses photos ont été repartagées de nombreuses fois sur les réseaux et elle m’a raconté ses ressentis après cette marche émouvante.

Une manifestation féministe contre les violences sexuelles à Bastia, en Corse

Anaïs Mattei et Lina Marini, interviewées par le journal corse Alta Frequenza, sont les organisatrices de la manifestation de Bastia, et elles ne s’attendaient pas à ce que plusieurs centaines de personnes soient présentes.

Francine Grilli, directrice du CIDFF (centre d’information sur les droits des femmes et des familles de Haute-Corse) est elle-même stupéfaite de l’ampleur de la résonance du mouvement #IWas en Corse.

Elle a confié à France Info

:

« Je le vis comme un tremblement de terre pour l’île. C’est effarant.

Quand j’ai vu la vague de témoignages grossir à ce point sur les réseaux sociaux, j’ai été interloquée. »

Cécile a 23 ans et, armée de son appareil photo, elle a décidé de se rendre à ce rassemblement, sans précédent selon elle :

« D’aussi loin que je me souvienne, c’est la première fois que j’entendais parler d’un rassemblement féministe en Corse.

Je savais que peu de journalistes seraient présents, que l’intérêt donné à cet événement ne serait pas suffisant et je me suis donc dit qu’il était important que je sois là pour immortaliser ce beau moment.

Pour moi, manifester plus qu’un droit est un devoir et c’est l’un des rares pouvoirs que TOUT LE MONDE a pour défendre des valeurs qui nous tiennent à cœur. »

Même si ce n’était pas sa première manifestation, Cécile témoigne des larmes incontrôlables qui l’ont saisie pendant cette marche inédite, et de son soulagement que son île écoute enfin les victimes de violences sexuelles :

« Si j’ai assisté à de nombreuses manifestations en tant que photographe mais aussi militante, je dois admettre que c’est la première fois que j’ai été submergée par autant d’émotions.

Pour l’anecdote, je ne suis pas restée jusqu’à la dernière minute parce que j’étais en larmes et je ne pouvais plus prendre de photos, très peu professionnel, je sais !

Peut-être parce qu’il s’agissait de mes premières photos sur l’île où j’ai grandi, peut-être parce qu’en tant que femme et victime je me suis sentie davantage impliquée.

Mais je pense que c’est surtout parce qu’on pouvait percevoir toute la charge émotionnelle des victimes présentes à la manifestation ce jour-ci, un soulagement presque libérateur.

On nous écoute enfin, on nous voit enfin et plus important encore, on nous croit. La Corse ouvre lentement mais sûrement les yeux sur un problème qu’elle a longtemps essayé de minimiser.

Le #MeToo et #BalanceTonPorc se sont fait très discrets sur l’île mais je suis heureuse de voir que les choses changent, que les manifestations et les associations féministes se multiplient, que les consciences s’éveillent.

[…] Je pense qu’on a longtemps pensé qu’autant d’engouement n’était pas nécessaire ici, qu’en Corse on était moins touchés par les violences sexistes et les inégalités.

[…] Cette manifestation a donc permis de nous réveiller et d’ouvrir les yeux sur ces fausses vérités, les femmes corses, autant qu’ailleurs, souffrent et doivent être soutenues. »

Le photojournalisme et les manifestations, un engagement militant

Très engagée au niveau humanitaire et social, Cécile a choisi le photojournalisme comme une réponse évidente à son besoin d’être utile.

Un besoin de soutenir des causes, aider son prochain, propager à travers le monde via les réseaux sociaux des réalités lointaines et pourtant bien réelles :

« J’ai longtemps pensé que je voulais être professeure d’histoire pour transmettre certaines valeurs aux nouvelles générations.

Leur ouvrir les yeux sur des causes politiques et sociales importantes dont on ne parle pas assez, leur montrer les désastres du passé pour les inciter à ne pas reproduire les mêmes erreurs.

Mais en enseignant deux ans à Madrid, je me suis vite rendu compte que ce n’était pas la manière la plus efficace de les atteindre et que les réseaux sociaux, par exemple, sont un outil beaucoup plus impactant pour transmettre un message.

Au même moment, je me suis découvert une passion pour la photographie et j’étais déjà très investie au niveau humanitaire et passionnée par l’écriture donc le photojournalisme s’est imposé à moi de manière assez naturelle.

En décembre dernier j’ai pris la décision de faire un voyage humanitaire en Bosnie et de passer Noël à Sarajevo, dans une association protégeant des familles de réfugiés politiques et économiques.

Il s’agit sans nul doute de l’une des causes qui me tiennent le plus à cœur et je savais avant même de partir qu’il y aurait beaucoup d’enfants, beaucoup de femmes et d’hommes en détresse.

Je me suis alors dit que je devais faire plus que de les aider physiquement quelques semaines. Il devait y avoir un moyen de les soutenir de manière plus significative et durable. Et ça m’est apparu comme une évidence : la photo.

C’est triste à dire mais aujourd’hui si on ne rappelle pas constamment l’horreur de certaines injustices, qu’on sait pourtant bien présentes, par le biais de photos ou vidéos, l’opinion publique se lasse et oublie.

C’est la raison pour laquelle j’ai acheté mon premier appareil, utiliser la photo comme une arme puissante et malheureusement nécéssaire pour dénoncer, exposer, défendre des causes et essayer de changer les choses à mon modeste niveau. »

Les manifestations, en particulier, sont le terrain que Cécile affectionne tout particulièrement pour leur ambiance et leur symbolique :

« J’ai assisté à une manifestation qui défend les droits des femmes très importante à Madrid et qui a lieu tous les 8 mars. Ça a été l’une des premières manifestations que j’ai photographiées.

L’ambiance était incroyable, pleine d’énergie, de couleurs, c’était à la fois très esthétique et plein d’espoir. Depuis mon premier contact avec la photographie et le photojournalisme j’ai toujours été attirée par les manifestations.

Ma première était en tant que militante et photographe pour défendre les droits des Palestiniens, c’était très émouvant. Récemment, la manifestation Black Lives Matter m’a aussi beaucoup touchée.

C’est une dynamique très particulière, les manifestations. Ce mélange d’amour et de colère qui charge le lieu, un amour pour une cause qu’on prend le temps de défendre, une colère envers les injustices qui la menacent.

Ce n’est pas seulement immortaliser un groupe de personnes défilant dans la rue, c’est capturer un visage crispé par la douleur, le slogan le plus poignant, la personne âgée ou l’enfant présent malgré son âge…

C’est donner de la lumière à une cause qui nous concerne tous, à travers une poignée d’individus qui la soutiennent et représentent. »

Militer par la photo et les réseaux sociaux

Quand Cécile a partagé ses photos sur les réseaux, elle ne s’attendait pas à autant de partages, de retours, de messages privés, et cela a nourri son envie de faire encore plus dans de futurs projets :

« Je ne m’attendais absolument pas à ces retombées, je me sens extrêmement chanceuse mais c’est aussi une certaine responsabilité.

Suite à mes posts, de nombreuses victimes m’ont contactée pour se confier sur leurs agressions, des affaires classées sans suite, des agresseurs jamais retrouvés, mais plus généralement une peur de leur part de partager leurs drames.

Je me suis alors immédiatement demandé : au-delà de mon soutien, qu’est-ce que moi, à mon petit niveau, je peux faire pour les aider ?

L’idée de plusieurs projets m’est venue très rapidement et je suis heureuse d’annoncer qu’ils devraient voir le jour bientôt. »

Et si toi aussi qui lis cet article tu te demandes comment tu peux te rendre utile, à ton échelle, Cécile a un dernier mot pour toi :

« J’aimerais m’adresser aux jeunes qui ont des convictions mais peu de moyens. Les réseaux sociaux sont une arme incroyable, un seul retweet peut tout changer.

Sortez dans la rue, prenez des photos, démarrez des projets, défendez des causes qui vous tiennent à cœur et ne lâchez rien car même si ça aide une seule personne, ça aura valu la peine. »

À lire aussi : Plongée dans la manif de samedi contre le racisme et les violences policières

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