- Prénom : Élise
- Âge au moment de l’accouchement : 30 ans
- Bébé attendu le : 8 mai 2022
- Bébé arrivé le : 20 avril 2022 à 9h01
- Stats : 3,5 kilos pour 50 centimètres
Ma bipolarité et mon rapport à la maternité
Je pense que j’ai toujours voulu des enfants. Consciente que je pourrais avoir des difficultés à cause de ma maladie, la bipolarité, je prétendais que je n’en voulais pas tout en sachant au fond de moi que c’était important dans ma vie.
En 2019, j’ai été hospitalisée pour une crise maniaque très intense (délire, hallucinations, perte du sens commun et de mémoire, etc.). Je venais d’arrêter la pilule. Dévastée, après 2 semaines d’hospitalisation, j’ai commis l’impensable en sortant : une tentative de suicide, avec les médicaments qu’on m’avait prescrits en réponse à cette crise.
Je sais que mon histoire ne commence pas de manière très enjouée ni très légère, mais rassurez-vous, elle finit bien ! J’ai fini par me rétablir, entourée par mon copain (un roc) et mes amies, désolées de m’entendre dire que je ne voulais plus d’enfant. Je leur disais : « Je ne peux pas risquer de transmettre ma bipolarité ».
Comment j’ai admis mon désir d’enfant
Puis, j’ai changé d’avis. J’ai changé d’avis au fil des mois et à mesure que mon humeur s’améliorait. Parce qu’on peut transmettre toutes sortes de maladies plus terribles les unes que les autres ; parce qu’un bon environnement peut préserver de la survenue de troubles psychiques ; parce que les chances de transmettre la maladie ne sont pas si élevées avec un papa exempt de ce genre de trouble… Parce que, finalement, j’y tenais !
Toutefois, il me fallait reprendre rendez-vous avec ma psychiatre, car les médicaments que je prenais étaient incompatibles avec une grossesse. J’y suis allée avec mon copain, et lorsque la psychiatre lui a demandé « Alors, cette année c’est bébé ? », il a répondu un grand oui franc qui m’a donné énormément de force et de détermination.
Elle a remplacé la molécule dangereuse par un médicament compatible avec la grossesse, mais pas avec l’allaitement. Qu’à cela ne tienne, nous avons lancé les essais bébé.
Ma bipolarité, très suivie pendant ma grossesse
Je n’ai qu’une trompe et 5 mois plus tard, toujours rien. Moi qui avais arrêté l’alcool et le tabac, je me suis mise à reprendre des petits verres de temps à autre ou quelques cigarettes… Et c’est à ce moment-là que j’ai remarqué un retard de règles !
Ma gynécologue m’avait fait une ordonnance pour un test en laboratoire, je m’y précipite et là, le verdict tombe, je suis enceinte de 5 semaines. Je suffoque en sortant de l’hôpital, la joie m’étouffe !
Je rentre chez moi pour l’annoncer au papa avec une bouteille de pétillant à la pomme. Il prend la bouteille tout content et ne réalise pas du tout que je suis enceinte, pas encore.
Les mois passent et mon ventre gonfle. J’ai un suivi renforcé, notamment avec une psychiatre de l’hôpital et tout se passe à merveille.
Je dois tout de même augmenter mon traitement à cause de l’hémodilution, un phénomène naturel en cours de grossesse : comme plus de sang circule dans mon corps, l’efficacité du médicament est diluée. Ma psychiatre réagit très vite, dès que je l’appelle pour lui dire que je me sens fébrile, et que j’enchaîne les nuits de 2 heures, elle passe augmenter la dose de mon médicament. Tout rentre dans l’ordre.
Le jour de l’accouchement
Le terme est prévu pour le 8 mai 2022, mais le 19 avril au réveil, je constate que je perds un sang épais et marron. J’appelle immédiatement la maternité, qui me rassure en disant qu’il s’agit de la perte du bouchon muqueux. Je me rends tout de même aux urgences, mais sans pression, uniquement munie de ma petite robe d’été. Et là, tout s’emballe.
La sage-femme me fait un prélèvement qui révèle que ma poche des eaux est fissurée, et me passe en salle de pré-travail en me disant
« Vous pouvez appeler le papa en lui disant que vous accouchez ! »
Je suis allongée avec le monitoring (une machine qui contrôle les battements de cœur du bébé et la force des contractions). Au comble du bonheur, j’appelle mon copain qui encore une fois a bien du mal à réaliser, mais finit par arriver avec ma valise pas du tout prête et les affaires pour bébé. On m’annonce que si le travail ne démarre pas, il devra être déclenché au bout de 24 heures et que j’aurais des antibiotiques le soir même vu que la poche des eaux est rompue.
Il n’est encore que midi, je préviens mes parents et amis proches, et les monitorings se succèdent tranquillement. Le soir venu, les contractions s’accélèrent, je suis aux anges : le travail se lance spontanément. Elles ne sont pas très douloureuses et je me balade sur le parking de l’hôpital sous le soleil, avec mon copain et un sourire béat.
« Je pousse comme une dingue »
Mon col se dilate peu à peu, si bien qu’à minuit la sage-femme me propose la péridurale. Je n’hésite qu’une demie-heure avant de la réclamer : la douleur devient vraiment intense ! C’est souverain, dès la péridurale posée, je m’endors pour 4 heures et à mon réveil, mon col est à dilatation complète.
Il s’est déjà écoulé 24 heures, le bébé commence à accuser le coup (comme l’indique le monitoring) : il est venu le temps de pousser.
La sage-femme n’y croit pas complètement, le bébé étant encore haut dans le bassin. Je n’y crois pas tellement moi non plus car avec la péridurale, je ne sens pas les contractions ni la tête de mon enfant appuyer sur mon col.
Pourtant, les poussées sont très efficaces, en 10 minutes bébé est prêt à sortir. Son cœur décélère et la sage-femme me dit « S »il ne sort pas à la prochaine, j’appelle le médecin et on regardera les outils. » Les forceps ?! Pas question. Je pousse comme une dingue et voilà, tout d’un coup, mon bébé !
Il crie, posé sur mon ventre, en parfaite santé. Je verse ma petite larme, puis il est posé en peau à peau avec son papa le temps de me recoudre. Ah oui, parce qu’à force de pousser comme une brute je me suis fait une belle déchirure ! Rien ne peut entamer mon allégresse, et de toute façon la péridurale fait toujours effet et je ne sens rien.
« Vous savez, on peut aller bien, aussi »
En remontant dans la chambre, je n’ai pas plus de douleurs alors que l’effet s’estompe et surtout, j’entre dans une bulle d’amour avec mon bébé enfin là et son papa. Nous passons 4 jours merveilleux à la maternité, puis rentrons chez nous.
L’équipe de la maternité a été fabuleuse, et de mon côté, j’ai été parfaitement stable même en post-partum. Je m’en suis d’ailleurs étonnée auprès de ma psychiatre, qui m’a répondu. « Mais vous savez, on peut aller bien, aussi ».
Aujourd’hui tout va au mieux et mon enfant se développe comme il faut. Je ne regrette pas un seul instant mon choix.
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Crédit photo de une : Kristina Paukshtite / Pexels
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