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Parentalité

L’école maternelle rend-elle les enfants sexistes ?

Pour les parents féministes, l’entrée à l’école maternelle peut être un choc, tant leur enfant semble soudain beaucoup plus perméable aux stéréotypes de genre. Nous avons cherché à comprendre pourquoi…

Article initialement publié le 3 février 2021.

Quelques semaines après la rentrée à l’école de votre petit chérubin ou chérubine, des indices vous mettent la puce à l’oreille. Soudainement votre enfant se met à dire des phrases du style « le rose c’est pour les filles ! » ou « je joue pas aux petites voitures, c’est un jeu de garçon ! ». À moins qu’il ne vous supplie de couper ses beaux cheveux longs dont il était si fier, parce que les autres garçons se moquent de lui…

Alerte générale ! Que se passe-t-il à l’école maternelle pour que nos enfants semblent soudain gober les premiers stéréotypes genrés venus ?!

Nous avons voulu comprendre ce qui se joue vers 3 ans, avec les autrices de l’excellent livre Éduquer sans préjugés. Pour une éducation non-sexiste des filles et des garçons de 0 à 10 ans, dont nous sommes fières d’avoir accompagné la parution le 3 février 2021.

Dans cet ouvrage très accessible, Amandine Hancewicz et Manuela Spinelli donnent des pistes pour déconstruire les stéréotypes de genre qui pèsent sur les enfants avant la naissance et jusqu’à leur entrée au collège (ensuite, le sexisme ne s’arrête pas de manière magique, mais ce n’est plus le sujet du livre). 

Le sexisme ordinaire, personne n’y échappe

Le tout, sans pression ni culpabilisation des mères qui se prennent déjà suffisamment d’injonctions dans la tronche. Pour Amandine Hancewicz, ce livre a été pensé comme une boîte à outils à destination des parents ou des professionnel·les de l’éducation.

« On avait envie de partager des clés de compréhension, parce qu’on a beau être des professionnelles des sujets de l’égalité, des mères et des féministes, il nous arrive d’être en difficulté dans des situations de sexisme ordinaire, face à des amis, de la famille ou des enseignants ».

Mais revenons à notre rentrée à l’école maternelle. Peut-on dire que c’est à ce moment-là que les enfants sont confrontés pour la première fois aux stéréotypes sexistes ? La réponse de Manuela Spinelli, maîtresse de conférence à l’Université de Rennes 2, spécialiste des études de genre, est sans ambiguïté.

« À partir du moment où pendant la grossesse on découvre le sexe de l’enfant à naître, il y a toute une série d’associations qui se mettent en place. On remarque même que les parents parlent au fœtus de façon différente. Et dès qu’il nait, la façon de l’allaiter, de le bercer, de le porter est différente selon le sexe assigné. Les enfants évoluent tout comme nous, dans un environnement sexiste. »

 Le nom “école maternelle” renvoie à une construction sociale et politique qui met le poids de l’éducation et de la gestion des jeunes enfants sur les mères.

De plus, nous vivons dans une société qui dévalorise tout ce qui est de l’ordre du féminin. L’école étant associée au féminin, elle est aussi un milieu dévalorisé. Et avec le terme “maternelle” on sous-entend en plus que les fonctions éducatives découlent de quelque chose de naturel, donc qu’on n’a pas besoin de (bien) les payer, puisque c’est naturel !

Bref, ce sont des termes qui valorisent mal les compétences et la formation nécessaires pour les enseignant.es.

Entre 3 et 5 ans, les enfants sont beaucoup plus rigides sur la question du genre

Si on a l’impression que tout bascule à l’école maternelle, c’est parce que c’est le moment où la perception du genre par les enfants évolue, comme l’explique Manuela Spinelli.

« Entre 18 mois et 3 ans, les enfants prennent progressivement conscience de l’existence de deux groupes, puis entre 3 et 5 ans, ils et elles pensent que l’appartenance à l’un des deux groupes se fait par le biais des caractéristiques extérieures (coiffure, vêtements…). C’est ce qu’on appelle la « stabilité de genre » : c’est pour cela qu’ils et elles se montrent très vigilants.

À partir de 5 ans environ, les enfants développent la « constance du genre » et se rendent compte du fait que le genre ne découle pas de ces caractéristiques (une jupe, des cheveux longs ou courts, etc). Bien évidemment, ces âges sont donnés à titre indicatif. »

D’autre part, en entrant à l’école, les enfants commencent à être beaucoup plus influencés par leur groupe de pairs qui se met à jouer un rôle fondamental sur le choix des vêtements et des jeux. Alors, qu’avant, si vous avez déjà mis les pieds dans une crèche, vous avez dû remarquer que les enfants jouent plus côte à côte qu’ensemble.

Enfin, à l’école maternelle, le ratio d’adultes disponibles par enfants diminue fortement. Et Amandine Hancewicz utilise une métaphore pour expliquer pourquoi le manque de moyens humains à l’école pour accompagner les enfants joue un rôle.

« Imaginons que le sexisme, c’est de l’eau. Les écoles ne sont pas des lieux à 100% étanche, donc l’eau rentre dans l’établissement et il y a beaucoup moins d’adultes formés pour faire barrage. »

Les enseignantes ne sont pas assez formées pour lutter contre les stéréotypes sexistes

Cette question de la formation des enseignantes (car il y a surtout des maîtresses à l’école maternelle) est cruciale, mais elle n’est pas vraiment abordée à l’échelle nationale.

« A minima par incompétence des responsables politiques qui ne se sont pas emparés de la question, et a maxima par idéologie sexiste », appuie Amandine Hancewicz.

Il y a donc beaucoup d’inégalités entre les établissements et les territoires, et les quelques enseignantes formées ont souvent mené des démarches individuelles comme le résume la militante féministe.

« Pour simplifier, il y a trois catégories d’enseignantes. Celles qui ont une idéologie sexiste et pensent qu’il y a des rôles sociaux à respecter, alors que ce n’est pas une posture professionnelle puisque la lutte contre les stéréotypes sexistes est dans le Code de l’éducation.

À l’autre extrême, il va y avoir des enseignantes féministes qui vont faire ce qu’elles peuvent avec les moyens du bord. Et au milieu, il y a toute une catégorie qui pense qu’elles ne sont pas sexistes, et donc que le sexisme ne passe pas dans leur école, mais elles ne se rendent pas compte de tous les petits interstices par lesquels le sexisme va s’immiscer ».

À l’école maternelle, liberté des enfants VS autocensure ?

L’un des arguments souvent employés par cette dernière catégorie d’enseignantes (et plus largement d’adultes), c’est : « mais je veux les laisser libres de choisir leurs activités/jeux ! ». Sauf que c’est oublier un peu vite que les enfants dupliquent des comportements sexistes, et qu’ils vont donc s’auto-censurer et mettre en place des stratégies d’évitement des jouets qui ne sont pas censés être adaptés à leur genre.

Les jeux et activités  « choisis » par les enfants ne sont pas le seul domaine dans lequel on retrouve des stéréotypes sexistes à l’école maternelle. En réalité, ceux-ci se manifestent à tous les niveaux.

Dans les choix que font les enfants au niveau de leur apparence (vêtements, coiffure…) mais aussi dans leurs réactions face à telle ou telle attitude. Par exemple, lorsqu’ils se moquent d’un petit garçon qui pleure ou le traitent de fille…

Au niveau des enseignantes, le sexisme peut se manifester dans les activités qui sont proposées aux enfants, mais aussi tout simplement dans les interactions qu’elles ont avec eux, comme l’explique Manuela Spinelli.

« Les études montrent que les enseignant·es donnent plus souvent la parole aux garçons et les laissent interrompre les filles. Les garçons sont aussi plus souvent sanctionnés que les filles, mais moins durement. Le matin, les enseignant·es vont accueillir les garçons en parlant de leur force, de leur agilité, alors qu’ils et elles diront plutôt aux filles : « comme tu es belle », « tu as une belle robe ». »

Pourquoi il faut lutter contre le sexisme dès l’école maternelle

Il est important de lutter contre les stéréotypes sexistes dès l’école maternelle, parce qu’ils ont des conséquences sur le futur. C’est l’accumulation et la répétition qui font que les inégalités prennent toutes leurs forces, comme le précise Amandine Hancewicz.

« Si le temps de parole des garçons est supérieur à l’école maternelle, la norme va être de prendre la parole pour les garçons et de la laisser pour les filles. Ce qui fait écho à ce qu’on vit plus tard à l’âge adulte en réunion avec des collègues masculins. C’est la répétition qui fait que le moule se construit. »

Un autre exemple marquant est celui des vêtements. Ceux censés être portés par les petites filles sont généralement plus difficiles à enfiler (collants, chemisiers à boutons, etc) ce qui retarde chez elles le développement de l’autonomie et leur motricité. Et cela crée à terme des inégalités.

Une fois ce constat passionnant dressé, vous vous demandez peut-être ce que vous pouvez faire en tant que parent. En plus de la lecture du livre qui vous donnera des pistes et des témoignages, les deux autrices, cofondatrices de l’association Parents & Féministes, recommandent vivement de se rassembler entre parents pour mener des actions collectives.

« C’est beaucoup plus compliqué de faire taire une parole collective et on se sent moins seule grâce au collectif qui apporte du soutien et de la joie dans la lutte. On peut s’organiser avec d’autres parents pour réfléchir ensemble puis interpeller les responsables d’établissements et les élu·es pour faire bouger les lignes. »

Car si ce n’est pas l’école maternelle qui rend les enfants sexistes, c’est peut-être le lieu où l’on pourra commencer à les éduquer pour déconstruire les stéréotypes genrés et à terme en finir avec le patriarcat.

Cet article vous a plu ? Foncez découvrir le livre d’Amandine Hancewicz et Manuela Spinelli, Éduquer sans préjugés. Pour une éducation non-sexiste des filles et des garçons de 0 à 10 ans, paru mercredi 3 février 2021 aux Éditons JC Lattès.

Véritable mine d’informations, il aborde des thématiques extrêmement variées et reste très accessible. Il intéressera donc à la fois les parents féministes déjà bien aguerris (on a appris plein de choses en le lisant), et ceux qui en sont au tout début de leur réflexion.

Crédit photo : BBC Creative / Shoeib Abolhassani / Unsplash

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