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« La baisse du nombre de spermatozoïdes menace l’humanité toute entière ! » Vraiment ?

La quantité de spermatozoïdes présents dans le sperme diminue depuis 40 ans, mais ça ne veut pas dire pour autant que la fertilité masculine est gravement menacée…

Depuis plusieurs années, on lit régulièrement des articles ou livres qui alertent sur la baisse du nombre de spermatozoïdes chez les hommes dans les pays occidentaux.

La plupart se basent sur une méta-analyse parue en 2017 qui avait mis en lumière le fait que le nombre de spermatozoïdes avait chuté de 59% depuis 2013 en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et Nouvelle-Zélande.

Spermaggedon : est-il temps de paniquer ?!

Pour les chercheuses et chercheurs qui ont compilé toutes ces données issues de spermogrammes, ce chiffre était synonyme de baisse de la fertilité masculine, voire carrément le signe avant-coureur d’une extinction de la race humaine (Coucou The Handmaid’s tale !). Un auteur norvégien n’a d’ailleurs pas hésité à titrer son livre Spermaggedon.

Vous le sentez souffler ce petit vent de panique ? Une étude menée par des équipes de Harvard et du MIT (et parue dans la revue Human fertility en mai 2021) plaide pour un peu plus de mesures en pointant certaines limites de la méta-analyse de 2017.

D’abord, les chercheuses et chercheurs expliquent que les données utilisées pour réaliser la méta-analyse ne sont pas toujours ultra complètes. Dans certains cas, il manque des infos essentielles pour analyser les résultats, comme l’âge des hommes ayant réalisé les spermogrammes, puisqu’on sait désormais que la qualité du sperme décline avec l’âge (eh oui, il n’y a pas que les femmes qu’on doit emmerder avec la date de péremption de leurs gamètes).

La chute du nombre de spermatozoïdes n’entraîne pas nécessairement l’infertilité

Ensuite, le lien que faisait la méta-analyse de 2017 entre baisse du nombre de spermatozoïdes et chute de la fertilité masculine n’est pas aussi évidente qu’on pourrait le croire. D’autres critères entrent en compte, notamment la mobilité des spermatozoïdes ainsi que leur « qualité », mais aussi bien sûr la « compatibilité » avec les ovocytes et l’appareil reproducteur féminin.

En outre, on ne connaît pas aujourd’hui le nombre de spermatozoïdes «

optimal »  en matière de fertilité. Pour l’OMS, le nombre « normal » de spermatozoïdes est compris entre 15 et 250 millions par millilitre. Or, la chute observée dans la méta-analyse de 2017 qui compile les spermogrammes de 43.000 hommes reste dans cette fenêtre considérée comme « normale ».

Et jusqu’ici, en matière de spermatozoïdes, rien ne prouve que plus il y en a, mieux c’est. Voilà comment le professeur d’andrologie à l’université de Sheffield, Allan Pacey, en parle au New York Times :

« Doubler votre nombre de spermatozoïdes de 25 à 50 millions ne double pas vos chances [d’avoir un enfant]. Ce lien établi entre nombre de spermatozoïdes et fertilité est faible. »

D’autres limites sont pointées par les auteurs et autrices de l’étude parue le mois dernier dans Human Fertility, comme le fait que le décompte des spermatozoïdes soit fait à un instant T, alors que les gamètes sont constamment renouvelés, et que d’un mois à l’autre, la qualité du sperme puisse varier fortement. C’est d’ailleurs pour ça qu’on demande souvent plusieurs spermogrammes espacés de quelques semaines dans le cadre de parcours PMA.

Compter les spermatozoïdes ou s’intéresser à la fertilité masculine dans son ensemble ?

Surtout, les méthodes de décompte des spermatozoïdes se sont perfectionnées avec le temps, et il est possible que la chute observée entre 1973 et 2017 soit en partie explicable ainsi : on est juste plus précis qu’avant dans la manière de compter les gamètes.

Quoi qu’il en soit, les scientifiques « alarmistes » ou « rassurants » sont d’accord sur une chose : la fertilité masculine a longtemps été la grande oubliée des programmes de recherche et il est temps d’y remédier. C’est ce que confirme au New York Times Rene Almeling, sociologue et autrice du livre GUYnecology : The Missing Science of Men’s Reproductive Health.

« Nous avons construit une telle infrastructure médicale autour de la fertilité et de la reproduction des corps féminins que nous avons occulté certaines questions basiques à propos de la santé reproductive masculine. Il y a tellement de recherches qui doivent encore être menées concernant le sperme. »

Conclusion : il ne faut pas paniquer face à un hypothétique « Spermaggedon », mais se pencher dès maintenant sur les causes de l’infertilité masculine (et féminine), afin de trouver des solutions pour les couples qui veulent avoir des enfants, mais n’y parviennent pas.

À lire aussi : Et si les fausses couches à répétition étaient liées à une mauvaise qualité du sperme ?


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