Il se passe un truc en France, en ce moment, non ? Je ne parle pas de la dernière sortie raciste et lamentable d’un•e ènième responsable politique qui essaie de faire parler d’elle, ou d’un polémiste en fin de carrière à la recherche d’un nouveau quart d’heure wahrolien… Je parle plutôt des réactions à ces mal-nommés « dérapages ».
J’ai l’impression qu’avant, on (se) laissait faire. On se contentait d’hausser un sourcil exaspéré à chaque reprise médiatique d’une de ces médiocres et déplorables « petites phrases », révélatrices de sales idées… Celles dont les auteur•es cherchaient ensuite à se dédouaner en prétextant « de l’humour », une « sortie de son contexte », ou en encore « la déformation » de l’intention de départ.
Alors, lorsque, la semaine dernière, Nadine Morano a voulu insister sur « la race blanche » supposée de la France, je m’attendais à ce que ses propos aillent pourrir les réseaux sociaux, avant d’aller macérer dans les archives de la poubelle télévisuelle, qu’on sortira aux zappings de la honte.
Mais cette fois-ci, ce ne sera pas tout. C’était pourtant pas « le dérapage » le plus grave, ni le moins contrôlé par son auteure. Mais c’était sans doute celui de trop.
Les mal-nommés « dérapages » ne sont plus seulement raillés
Sur les réseaux sociaux, la séquence de l’émission On n’est pas couchés où Nadine Morano croit faire une leçon d’Histoire, mais se vautre dans l’ignorance raciste et grasse, n’est pas seulement reprise et partagée pour la moquer, la dénoncer : les gens répondent.
On a déjà relayé la lettre ouverte de Nicolas Huguenin, qui a publié un texte sur son compte Facebook, sorte de droit de réponse et rectificatif d’un prof d’histoire-géo, heurté par les inexactitudes factuelles que la députée du parti « Les Républicains » instrumentalise au profit de sa démonstration.
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J’ai vu plusieurs artistes y aller aussi de leur réponse, dont certains hors de leur registre, comme Lucien Maine, qui ajoute « promis, je refais des blagues ensuite ».
Et puis ce matin, je suis tombée sur la vidéo-réponse de Kevin Razy. Auteur-comédien membre du Studio Bagel, je l’avais surtout vu dans des vidéos humoristiques « juste pour le lol ». (Même qu’il avait pris « KaratéSwag22 » un peu de haut dans Mission 404, alors que le mec a quand même fini par sauver l’Internet, quoi.)
La réaction de Kevin Razy aux propos de Nadine Morano, c’est un dialogue mis en scène entre deux personnages, deux Français. Et à l’heure où nous publions ces lignes, elle a déjà près de deux millions de vues au compteur, sur sa page Facebook.
Petite discussion entre Français de race noire, par Kevin Razy
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J’ai demandé à Kevin ce qui l’avait poussé à faire cette vidéo, qui au fond, synthétise et vulgarise un débat qu’on se traîne depuis les années Sarkozy, à propos de « l’identité nationale », qui serait censé exclure les personnes racisées d’une définition commune de l’appartenance à la nationalité française. Voici sa réponse :
« J’ai vu le replay de l’intervention de Nadine Morano le lendemain de la diffusion de l’émission, je crois…
Il ne faut pas que l’on s’habitue aux « dérapages » des politiques, parce qu’ils sont quand même garants d’une certaine éthique, d’une certaine représentation du peuple. On ne peut pas se permettre de les laisser « déraper » autant, surtout par les temps qui courent. »
« Par les temps qui courent », ce sont ces temps où des gens meurent à nos frontières, où d’autres sont victimes de haine populaire, de violences policières. Des temps par lesquels les discriminations touchent toujours des millions de Français•es, et d’étrangèr•es, sur notre territoire.
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Il faut dire que les discours de discorde, qui attisent les rancoeurs jusqu’à déchaîner la haine de l’autre, ont une résonance particulière depuis qu’une fusillade en plein Paris a fait « douze mort, et des millions de blessé•es », en France, un triste jour de janvier.
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Il se passe quelque chose, en France. On ne se contente plus d’une photo de profil « Je suis Charlie » pour manifester son rejet de l’obscurantisme : on prend la plume et la parole, pour répondre à celles et ceux qui sèment l’ignorance pour récolter la colère aux prochaines élections.
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« La France est raciste ? Non, la France est hypocrite »
On ne cessera de le répéter : l’immigration n’est pas un problème, elle est une chance pour notre pays, un terreau de richesses. L’immigration n’est pas nouvelle, elle fait partie intégrante de notre histoire, de notre société. C’est aussi ce que Kevin Razy a tenu à rappeler, à travers cette vidéo :
« Quand on veut faire passer l’idée que l’immigration est un problème plutôt qu’une solution, c’est facile de prendre certains chiffres seulement. Mais les études existent, il y a celles de François Gemenne, les chiffres de l’INSEE… »
Le Monde avait d’ailleurs publié l’année dernière déjà, un très bon article désintox sur Sept idées reçues sur l’immigration.
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Quant à savoir pourquoi certain•es responsables politiques s’acharnent à marteler leurs vérités à grands renforts de chiffres fantasques, on en revient assez vite à l’idée selon laquelle « la politique » serait une affaire de professionnel•les, et que nous, petit peuple, ferions mieux de rester spectateurs entre deux élections :
« Leur but c’est de faire croire que tous les problèmes sont compliqués, pour pas qu’on y mette trop le nez. En vérité, c’est pas le cas. »
Et c’est bien ce que démontre Kevin Razy à travers ce dialogue de trois minutes, bien plus intelligent que toutes les pseudo « analyses » de Nadine Morano compilées !
Il se passe un truc en France, j’ai l’impression. L’impression qu’on arrive vraiment à saturation des discours politiques qui nous prennent pour des con•nes. Et qu’on est déjà prêt•es à monter au créneau, aussi souvent que nécessaire, pour faire entendre une nouvelle version de la sagesse populaire, la voix des citoyen•nes qui en ont assez de voir les discussions sur l’état et l’avenir de leur pays tourner autour de la peur et de la haine de l’autre.
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Cette semaine, je nous demandais, collectivement, qu’est-ce qu’on attend pour (re)prendre le pouvoir ?
Si ça pouvait être avant la prochaine imbécillité coupable d’un•e responsable politique au crépuscule d’une piètre carrière, ce serait mieux. Pour tout le monde, je pense.
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Les Commentaires
Ah merci pour cette présicion !! Je comprends comment on peut alors être né en France mais étranger. ça concerne donc les mineurs. En tout cas, même sur le site de l'INSEE c'est pas clair, ça fait peur quand même.