Elle a envahi la chambre des fillettes françaises, créé l’hystérie dans les cours de récréations et décline sa bouille de chaton sur tous les supports imaginables, de la trottinette à la coque iPhone : tête ronde et noeud distinctif, c’est Hello Kitty dans toute sa kawaii attitude, belle illustration du soft-power japonais, ce pouvoir de séduction du Japon à travers sa pop-culture.
« Kawaii », c’est le troisième mot le plus utile au Japon derrière « konnichiwa » (« bonjour » : on est poli-e-s tout de même) et « sumimasen » (« excusez-moi »). On s’exclame « kawaiiiiiii » facilement : les jeunes enfants et les bébés animaux ont bien sûr la cote, mais aussi des packagings de biscuits, des produits dérivés, et tout ce qui est rond, coloré, doux, enfantin : mignon, innocent, pur, quoi. La France des années 80, biberonnée aux anime, a ouvert la porte au kawaii – mais au Japon, c’est le pays qui entier qui a basculé dans la mignonnitude !
Hello Kawaii !
Le chaton au dessin simpliste de Sanrio a connu un succès massif à l’étranger comme dans son pays. On lui consacre des boutiques entières, et les régions touristiques ont droit à leurs éditions spéciales. Les figurines et les straps à portables (dont les Japonais-es, toutes générations confondues, font grand usage) que l’on trouve à Hokkaido, par exemple, représentent Hello Kitty avec dans les bras une pomme de terre, un épi de maïs ou un brin de lavande, pour vanter les cultures locales. Les licences Hello Kitty se vendent à tour de bras, pour illustrer des cartes bancaires ou des imprimantes.Mais HK n’est que la partie émergée de l’iceberg. Doraemon et Anpanman, héros de mangas et dessins animés, les personnages de One Piece et quelques emprunts étrangers comme Moomin, Snoopy et Miffy sont également bien représentés dans l’industrie du mignon. On en fait des pics pour les bentos, des bavoirs, des désodorisants pour voitures, des rice-cooker... Et des jouets, des pyjamas et des caches-oreilles pour contaminer l’ensemble du monde occidental
. Un pari parfaitement relevé par les Tamagochi, la bébête à 30 pixels qui grandit dans son oeuf (le mien était rouge, j’en étais horriblement fière) et les Pokémon. Pikachu a atteint le sommet de sa gloire en habillant un Boeing 747 de la compagnie aérienne japonaise ANA.
40 ans de mignonnitude
Eh oui, les sacs en forme de petit lapin, ça ne date pas d’hier ! La culture kawaii a émergé au Japon dans les années 70, et rencontré immédiatement un énorme succès auprès des jeunes générations ; en dix ans, elle devient incontournable. Elle désigne, au début, le dessin très arrondi que les adolescents emploient soudain pour écrire : une écriture imitant celle d’un jeune enfant, avec des coeurs et des smileys entre les mots ou les lignes. On comprend mieux la longue addiction des Japonais aux smileys en tous genres.
Les bonbons les plus mignons du MONDE. Regardez, y en a même qui ont des casquettes ohohoh !
Le kawaii désigne rapidement tout ce qui fait ressembler à un enfant, et s’étend à l’habillement (du plissé, des volants, de la dentelle), aux attitudes (les pieds en-dedans) et comportements (on valorise la timidité par exemple) ; des néologismes enfantins circulent. Les entreprises comme Sanrio perçoivent vite le filon et développent des personnages kawaii, dont la fameuse Hello Kitty.
Dans un environnement où la compétitivité est présente très tôt, le mouvement kawaii, en valorisant l’enfance, représente un rejet de l’âge adulte et du mode de vie traditionnel. Amitié et gentillesse : voilà les valeurs véhiculées par le kawaii. Une vraie respiration !
Le pays Playmobil
Aujourd’hui au Japon, le kawaii est visible dans les rues à chaque instant. Les 47 préfectures se sont dotées de mascottes, certaines villes également ; on peut les voir en fil et fourrure aux grands évènements culturels ou sportifs. La préfecture où je vis a choisi un genre de singe sans oreilles, tête disproportionnée aux joues bien rouges, une feuille d’arbre coincée sous le bandeau des travailleurs qui lui ceint le front. On l’appelle Tochimaru, et un pauvre type vient suer des litres sous son costume encombrant dès qu’il se passe quelque chose.
Les entreprises les plus sérieuses (banques, assurances) n’hésitent pas à placer leur communication sous un emblème animalier ou n’importe quoi ayant deux yeux et un petit sourire. Pas de discrédit à craindre ! Au contraire, on espère, par le biais d’une mascotte, créer de la proximité, de la confiance avec le client.
En ville, les travaux de chantier sont annoncés en images, avec ampoules colorées clignotantes. On a l’impression de jouer aux Playmobils, boîte « Travaux sur la voirie », avec engins taille mini et bonhomme coupe au bol qui s’excuse du dérangement sur un grand panneau. Les chômeurs du magazine d’offres d’emploi Town Work sont représentés sous les traits d’un petit cochon – ça ferait hurler ailleurs, mais ici, c’est mignon donc ça passe. Même les policiers jouent le jeu. Pas de démonstration de virilité latine ou d’orgueil de la fonction ; les fonctionnaires chargés de la sécurité des quartiers sont figurés par des souris brunes. Dormez sur vos deux oreilles (rondes et poilues) !
Illustration 100% authentique et officielle sur la grille d’un commissariat de quartier.
Alors, les citoyen-ne-s japonais-es se sentent-ils/elles infantilisé-e-s ? Difficile à dire. Tout comme les dames en kimono pianotent sur leur smartphone dans le métro, les salarymen ont parfois un gadget issu d’un manga, et je ne vois personne hausser les sourcils devant les affichettes publiques. La cohabitation semble bien se passer…
En revanche, vu de l’étranger, la vague kawaii ne laisse pas indifférent : ridicule pour certains, attractive pour d’autres, c’est même parfois un moteur très fort pour venir visiter le Japon.
Et toi, de quel côté tu te situes ?
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Les Commentaires
même si également je préfère mille fois Totoro en icône kawaii que Hello Kitty lais bon, c'est une histoire de goût
je n'aime pas le "trop" non plus sauf peut-être sur les petites filles qui elles peuvent se permettre de se "déguiser" au grand bonheur des mamans !
maintenant n'allez pas croire qu'être Kawaii n'est réservé qu'aux petites filles et aux jeunes Japonaises, tsst, tsst, tsst !
pour celles qui aiment nous pouvons toutes êtres kawaii.
Une petite robe blanche en dentelle avec une jolie ceinture ruban de couleur pastel et/ou avec des ballerines chat, un joli serre-tête à (gros) noeud ou avec une ou des fleur(s) + le rose aux joues, c'est aussi très Kawaii sans être trop "enfantin" ! :-)