Qu’est-ce qui rend les influenceuses si fascinantes, si suivies ?
Est-ce leur personnalité, leur charisme ? Leur côté girl next door qui fait qu’on s’identifie facilement à elles ? Leur nouveau métier, entre la création et la publicité ? Leur sincérité qui semble dénuée d’artifices ?
Probablement un peu de tout ça, et bien d’autres choses encore…
Influenceuse, un court-métrage glaçant
Ce qui me pousse à m’interroger (et à t’interroger, chère lectrice !) sur ce sujet, c’est Influenceuse, un court-métrage de Sandy Lobry qui pose justement ce type de questions.
Intelligemment tourné en format vertical, comme si tout était capturé sur un iPhone, ce film met en scène une adolescente, Lola, fan absolue de l’influenceuse fictive Miss Billy.
Cette dernière enchaîne posts sponsorisés pour des faux cils et storytime faussement ingénu, comme beaucoup de meufs que tu follow probablement.
Lola, fragilisée par des malheurs personnels, va s’enfermer dans sa passion pour Miss Billy et décider de devenir comme son idole… à tout prix. Je te laisse regarder le court-métrage pour satisfaire ta curiosité !
https://www.instagram.com/tv/B_5fIfOgWnc/?igshid=1d7crylyfl5y0
Questions à Sandy Lobry, réalisatrice d’Influenceuse
J’ai contacté Sandy Lobry pour lui poser quelques questions autour d’Influenceuse. Tu vas voir, ses réponses sont passionnantes, mais ATTENTION : ça spoile le court-métrage !
- D’où t’est venue l’idée d’Influenceuse ? Pourquoi avoir eu envie de traiter ce sujet-là en particulier ?
J’avais depuis longtemps envie de traiter des réseaux sociaux et de leurs dérives. Aujourd’hui ils font partie intégrante de notre vie, a fortiori chez les ados qui ont grandi avec.
Mais on le sait, de nombreuses études l’ont confirmé, ils sont aussi souvent source de mal-être, de perte d’estime de soi ou encore d’addiction… Instagram est je crois le réseau social le plus néfaste pour la santé mentale.
Je peux le comprendre, Insta c’est un peu le temple du fake, une mise en scène constante de soi. Un miroir déformant de la réalité.
Comment, à cette période charnière et déstabilisante qu’est l’adolescence, on arrive à se construire quand on est confronté à des photos de physique idéalisé et bien souvent irréel (parce que retouchées par de nombreux filtres et/ou par la chirurgie
) ?
Je souhaitais également parler de cette quête de célébrité facile, de likes, d’abonnés. Ce besoin d’approbation sociale qui lie l’estime de soi au nombre de followers.
L’idée n’était pas de tirer bêtement sur les influenceurs parce que tous ne sont évidemment pas à mettre dans le même sac, mais de mettre en lumière l’hypocrisie, le manque de transparence et le cynisme de certains.
- Comment as-tu trouvé et bossé avec Lauréna Thellier, la jeune actrice qui tient le rôle principal d’Influenceuse ?
J’ai rencontré Lauréna par l’intermédiaire d’un ami réalisateur, Slimane-Baptiste Berhoun. Il venait de terminer la série Mental pour Slash, avec Lauréna dans un des rôle principaux.
Je l’avais vue dans la série, j’avais également visionné toutes ses images mais j’avais besoin de la voir en casting pour être totalement convaincue.
Il faut savoir que j’étais très angoissée à l’idée de ne pas trouver ma Lola : le rôle n’est pas simple à appréhender pour une jeune comédienne et le film repose littéralement sur les épaules de ce personnage, donc si le jeu ne suivait pas, le film ne fonctionnait pas…
Lauréna a été une évidence !
- La situation que tu mets en scène est particulièrement dramatique, a-t-elle été inspirée par des faits réels ?
Oui et non, dans le sens où je ne crois pas qu’un influenceur a déjà été pris en otage par un fan… Mais c’est en lisant de nombreux faits divers tragiques s’en approchant que j’ai eu envie d’en parler.
- Pourquoi avoir choisi de montrer une issue aussi fatale au rapport avec les influenceuses ?
Je pousse le curseur loin parce que nous sommes dans une fiction (bien que souvent la réalité dépasse la fiction) : il me fallait terminer sur quelque chose de fort, de percutant mais surtout de cohérent avec mon personnage.
Lola, en grande fragilité et en perte de repères depuis le décès de sa maman, n’avait finalement (à ses yeux en tout cas) aucun autre choix pour s’en sortir. C’est une fuite en avant.
Je ne sais pas si Lola, au moment où elle traverse la fenêtre, souhaite réellement se tuer, ce qui est sûr c’est qu’elle veut fuir, disparaître… N’oublions pas qu’elle vient d’être humiliée par des centaines de personnes en direct !
- Penses-tu qu’il y a aussi des aspects positifs dans le lien entre les influenceuses et leur communauté ?
Évidemment ! Rien n’est ni tout noir, ni tout blanc.
J’ai choisi de parler de ces influenceurs « panneaux publicitaires »qui font l’apologie du rien, du vide et gagnent leur vie avec des placements de produits douteux, parce que je trouve ça nocif et dangereux.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas s’associer à des marques, je dis simplement qu’il faut être transparent avec sa communauté !
Il y a des influenceurs que je suis à qui ça arrive de faire du placement de produits, mais je sais, pour en connaître certains, qu’ils le font de manière réfléchie, sur des produits vraiment testés, positifs et en accord avec ce qu’ils sont.
Il y a aussi, et heureusement, de très bonnes choses sur les réseaux, de belles personnes et des gens engagés qui parlent de body positive, d’écologie, de féminisme…
Ma petite soeur par exemple a un Insta spécialisé dans les plantes et le zéro déchet. Elle y donne des conseils, fait des DIY et c’est vraiment cool !
- Quels conseils donnerais-tu à des jeunes filles qui peuvent se reconnaître dans ce que ressent l’héroïne de ton court-métrage ?
Je leur conseillerais d’en parler, de se confier à une amie, un parent, un prof… Lola perd pied parce qu’elle s’isole complètement, elle n’a plus aucun contact social mis à part son père.
Elle n’a personne pour lui dire « Attention, ce que tu vois sur Insta ce n’est pas la réalité mais une mise en scène ». Personne pour lui dire qu’elle est belle, et qu’elle n’a aucunement besoin de ressembler à ces stars retouchées pour être aimée.
Personne pour lui rappeler que l’estime de soi ne doit pas dépendre de son nombre de likes.
L’idée n’est pas de jouer au vieux con en disant qu’il faut interdire Instagram et autres Tik Tok, mais de faire de la prévention !
- Comment le court a-t-il été reçu ? Quels retours as-tu pu lire ou voir sur Internet ?
Je ne savais absolument pas comment le film allait être reçu. C’est un OVNI de 26 minutes, ce qui est très long sur Internet où on aime consommer rapidement…
On a choisi de poster le film sur Insta, Facebook et YouTube, mais en privilégiant le format Instagram. J’aimais l’idée qu’Influenceuse soit vu sur téléphone, et sur ce réseau dont il parle.
Les retours sont assez fous ! Nous avons reçu de nombreux messages d’adolescents, de parents mais aussi de profs qui nous remerciaient d’aborder ce sujet.
On a même des demandes pour venir en parler dans les collèges ; beaucoup aimeraient qu’il soit diffusé dans les écoles.
Le film a également été relayé par énormément de médias, et sur Insta il a été partagé des milliers de fois. C’est une grande fierté pour toute l’équipe, et nous en sommes extrêmement touchées !
Merci à Sandy d’avoir répondu à mes questions ! Qu’as-tu pensé, chère lectrice, d’Influenceuse ?
À lire aussi : 10 influenceuses qui ne ressemblent pas du tout à leurs photos Instagram
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Les Commentaires
Pareil la prise d'otage je ne trouve pas ça réaliste avec une adolescente juste mal dans sa peau et surtout dans le but d'avoir des likes ! Disons que je verrais bien ça dans le cadre de l'erotomanie associée à d'autres troubles (et je vois plutôt un garçon passer à l'acte, je l'avoue). Ça me paraît aussi étrange qu'une adolescente aussi complexée n'ait pas peur du ridicule et passe d'un comportement totalement passif / évitant à des actions aussi radicales.
L'influenceuse est caricaturale MAIS pour le coup je l'ai trouvée totalement réaliste. J'imagine les influenceuses comme ça. Les sujets abordés sont ceux qu'on retrouve dans les articles de madmoizelle portant sur les influenceuses (si on veut on peut, la confiance en soi, réponse aux haters qui critiquent le corps, avant je n'avais pas d'amis, collaboration etc). Tout est caricatural mais malheureusement réaliste dans cette partie (placements de produits, commentaires haineux, influenceuses érigées en modèle dans les médias pour jeunes comme Kombini, look de l'influenceuse, surnom à la communauté etc).
Par contre j'ai eu plus de mal avec le père et l'adolescente, je les ai trouvés faux et pas assez réalistes. Et ça me mettait assez mal à l'aise mais pas dans le sens voulu par le film.