C’est un changement qui va faire la différence dans la mobilisation contre les violences sexistes et sexuelles en France.
L’organisation Nous Toutes a annoncé ce lundi 10 janvier sa volonté d’étendre la reconnaissance des féminicides au-delà de la relation conjugale.
Elle s’est longtemps basée sur les chiffres de militantes bénévoles et de collectifs recensant exclusivement les meurtres de femmes par leur conjoint ou leur ex-conjoint. Aujourd’hui, elle affirme qu’il est temps de considérer les autres cas où les crimes de haine sont motivées par la misogynie.
Pourquoi est-il nécessaire de dépasser le seul cadre du couple pour comprendre l’étendue des violences qui s’exercent contre les femmes ? Pourquoi faut-il prendre en compte les autres cas de figure ? Nous Toutes s’en est expliqué dans un communiqué :
« Le chiffre de féminicides conjugaux ne représente malheureusement pas l’ensemble des femmes qui ont été tuées parce qu’elles étaient femmes. Certaines ont été tuées par un membre de leur famille, d’autres pour avoir refusé un rapport sexuel ou en raison de leur transition de genre. D’autres encore ont été poussées au suicide par des hommes violents ou par le (cyber)-harcèlement sexiste et sexuel dont elles étaient victimes. »
Prendre en compte les meurtres transmisogynes, putophobes ; prendre en compte, aussi, celles qui mettent fin à leur jour pour échapper au harcèlement sans fin, c’est l’objectif que se fixe Nous Toutes.
Ce sont des femmes comme Paula, assassinée à Reims en avril 2021 parce que trans. Comme Jessyca Sarmiento, travailleuse du sexe tuée au bois de Boulogne en 2020. Comme la youtubeuse Mavachou qui s’est suicidée en décembre dernier.
Ce ne sont pas des cas théoriques : ils sont bien réels, et Nous Toutes veut qu’ils soient eux aussi comptabilisés comme autant d’exemples des violences exercées contre les femmes.
Une initiative loin d’être inédite puisque comme le rappelle Nous Toutes, d’autres pays font déjà cette démarche :
« En Espagne ou au Canada, pays à la pointe de la lutte contre les violences faites aux femmes, différentes catégories de féminicides sont prises en compte, parmi lesquelles les féminicides sexuels, familiaux, liés à l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. »
À l’origine, les propos transphobes d’un collectif
Cette annonce de Nous Toutes intervient quelques jours après la décision de l’organisation féministe de ne plus relayer les chiffres recensés par les militantes du collectif Féminicides Par Compagnons ou Ex, après des propos transphobes adressés sur Twitter à une femme leur demandant si les femmes trans avaient été prises en compte parmi les femmes tuées par leur conjoint ou ex.
S’adressant aux femmes trans relevant l’exclusion des femmes trans dans ce comptage, le collectif avait rétorqué « Vu le harcèlement et le dénigrement que nous subissons, certaines ont semble-t-il bien conservé les aspects toxiques de leur masculinité antérieure » avant de mégenrer plusieurs femmes trans, les accusant « d’attaquer les acquis féministes » et d’user de « procédés masculinités ».
Des propos transphobes que Nous Toutes a condamné et qui ont motivé son choix de ne plus relayer le recensement du collectif en question.
L’organisation ne compte pas arrêter d’alerter sur les féminicides par le conjoint ou l’ex-conjoint et a annoncé vouloir travailler à être plus vigilante pour considérer l’ensemble des féminicides.
« #NousToutes considère qu’il est essentiel de visibiliser toutes les femmes qui sont assassinées parce qu’elles sont des femmes. Nous sommes donc en réflexion sur la meilleure façon de le faire, en incluant les féminicides hors du couple, qu’ils concernent des femmes cisgenre ou transgenre, avec les moyens dont nous disposons à notre échelle. »
La décision a suscité de nombreuses réactions parmi les organisations féministes, au point que plusieurs médias ont laissé entendre que les personnes trans sèmeraient le chaos et la division parmi les féministes et mettraient en danger la lutte contre les violences faites aux femmes.
Des instrumentalisation dangereuses qui ne font qu’agiter des paniques morales sur le dos des personnes trans.
À lire aussi : Ne vous laissez pas avoir par les débats transphobes de certaines « féministes » autour des thérapies de conversion
Crédit photo : Twitter Nous Toutes / photo : Maëlle Le Corre
Les Commentaires
C'est compliqué de trouver l'équilibre entre d'une part, l'importance de pouvoir débattre de ces sujets, surtout dans un endroit féministe en non-mixité comme ici, et d'autre part les rapides dérives que ces thématiques sensibles amènent avec elles — sachant que, bien sûr, nous ne voulons en aucun cas que des personnes trans se sentent discriminées, insultées ou rabaissées sur ce forum.
Je clôture pour le moment au moins, je vais aller remonter les diverses pages et les signalements pour voir plus précisément où modérer. Et en attendant :
Les femmes trans sont des femmes. Des femmes avec des vécus spécifiques, oui (comme bien d'autres femmes), mais des femmes, avant tout et sans équivoque. Elles ne représentent une menace pour personne — elles sont, statistiquement, bien plus en danger que les femmes cis. C'est la ligne de Madmoizelle, et plus que ça, c'est la réalité.
C'est mieux en le disant.