Les sitcoms vous en connaissez forcément au moins une : How I Met Your Mother, Friends, Sabrina l’apprentie sorcière, … Hélène et les Garçons… Le terme vient de la contraction de situation-comédie indiquant un des grands principes de base de la sitcom : ça bouge pas des masses question décor.
Dans cet article, on se penchera tout spécialement sur les sitcoms américaines, surtout parce qu’en France, la boîte de production de sitcom la plus connue, c’est AB Production (Hélène et les garçons, Les filles d’à côté) et que personne ne veut rouvrir cette page sombre de l’audiovisuel français.
Ne me regarde pas comme ça José j’ai dit non c’est non !
Comment fonctionne une sitcom
Le principe d’une sitcom est aussi simple qu’efficace : en 20 minutes, faire rire un maximum le téléspectateur et lui faire passer la pilule des pages publicitaires dont il sera bombardé toutes les 10 minutes. Des rires enregistrés accompagnent, mais de moins en moins, cette dynamique. Les plans sont plutôt en intérieurs, plutôt fixes, et l’action se concentre sur un nombre de personnages principaux plutôt limité.
L’intérêt de ce canevas très simple à mettre en place c’est qu’ensuite la seule limite se trouve dans l’imagination des show-runners, ces auteurs-réalisateurs en charge de la cohérence du projet à travers ses saisons.
On a donc pu savourer des sitcoms plutôt pour enfants comme Les Sorciers de Waverly Palace diffusé sur Disney Channel, plutôt pour jeunes adultes comme Scrubs ou encore des sitcoms familiales comme Ma sorcière bien aimée.
De même il existe autant de sitcoms prétendant imiter la vie des vraies gens (Friends, Modern Family,…) que de sitcoms complètement loufoques (Community, Malcolm,…).
Outre son format de 20 minutes et le ton humoristique, ce qui distingue une sitcom d’une série classique c’est sa structure basée sur un certain nombre de principes fixes tournant parfois au stéréotype.
Par exemple dans Friends, chaque type d’humour est représenté par un personnage fixe (la loufoque, le lourd, la stressée de la vie, le sarcastique…) et ce schéma n’évoluera plus en 10 saisons.
Ces règles immuables ne sont pas justifiées par la paresse des auteurs, mais plutôt par leur grand nombre. Pour que tout le monde s’y retrouve, on écrit alors une Bible de la série qui servira de base de réflexion à tous les scénaristes et réalisateurs sur le projet… quitte à tourner parfois en vase clos.
C’est pas exactement ça Barney, mais y’a de l’idée !
L’autre caractéristique des sitcoms, c’est leurs grands enjeux économiques qui prend parfois le pas sur les enjeux artistiques.
Une sitcom doit vendre des pages de publicité, et plus elle est regardée, plus ces pages peuvent être vendues chères par la chaîne télé qui diffuse la série. Le scénario d’une série est donc dépendant de son succès économique.
Par exemple, lorsque les réalisateurs voient leurs crédits baisser ils peuvent faire appel à la technique du bottle show (un épisode tourné dans une seule pièce) ou du clip show (un épisode bourré d’extrait d’anciens épisodes). Scénaristiquement parlant c’est pas top mais ça permet de boucler un budget.
Pourquoi ça marche ?
Les sitcoms naissent à la radio américaine dès les années 20 : des personnages partagent le même environnement et ont des dialogues humoristiques. Dès le début de la télévision dans les années 40, les sitcoms débarquent sur nos écrans.
L’avantage des sitcoms c’est que leur format court permet de s’adapter rapidement aux évolution de la société : dans les années 60, les sitcoms sont familiales puisque c’est en famille qu’on regarde le poste de télé.
Profitant des sixties, les thématiques se libèrent et la famille Adams fait souffler un vent de surnaturel. À la fin des années 70 le sexe fait sa timide apparition avec Three’s Company et ses trois colocataires : deux femmes et un homme qu’elles font passer pour gay.
Délicieusement rétro avec ça
Dans les années 80, la télévision par câble se développe et les scénaristes de série télé s’organisent en syndicats : les programmes télés peuvent se spécifier à une audience précise et ne sont plus obligés d’être tout publics. On voit arriver de plus en plus de sitcoms tournant autour de personnages célibataires : la télévision n’est définitivement plus seulement un média familial.
Enfin arrivent les années 90, l’âge d’or des sitcoms. Les intrigues se développent, les personnages évoluent d’épisodes en épisodes. On utilise des astuces de scénario propre à d’autres genres télévisuels comme le soap-opéra pour créer du suspense et même des moments de drames afin de rythmer l’intrigue.
À cette occasion certains épisodes de sitcom frôlent le chef d’oeuvre, les répliques cultes s’enchaînent, l’humour est audacieux, les acteurs jouent très bien.
Pourquoi ça ne fonctionne plus aussi bien qu’avant
Jusqu’à présent, les sitcoms avaient toujours réussi à suivre les évolutions de la société. Sauf que ça ne marche plus aussi bien qu’avant. Pourquoi ? Tout simplement parce que les stéréotypes comiques sur lesquels se basaient les sitcoms ont fini par s’épuiser et qu’il en faut désormais davantage pour faire rire le spectateur.
Il lui faut plus de lieux et d’univers, remettant en cause le « sit » de sitcom, et les séries sortent de leurs appartements new-yorkais pour conquérir de plus en plus de sites extérieurs à l’image de Modern Family qui alterne entre les plans de trois maisons différentes et les scènes en extérieur.
Cette pelouse n’est pas innocente, cette pelouse nous dit : viens, viens nous regarder, on est moderne tu verras, c’est même dans le titre.
Il faut aussi un humour moins attendu : si des séries comme Community repoussent les limites de l’absurde d’autre comme Louie nous balancent constamment entre rire et doute.
Il devient ainsi de plus en plus difficile de qualifier une série de sitcom au sens premier du terme.
Et quand bien même cela est possible, ce n’est peut être pas flatteur pour le programme télé en question. À l’exception de The Big Bang Theory à la progression fulgurante, mais dont on peut se demander si elle ne s’essouffle pas un peu quand même, toutes les autres sitcoms connaissent des audiences de plus en plus difficiles.
De bons programmes comme Community peinent à trouver une plus large audience et doivent être sauvé in extremis de l’annulation, d’autres pourtant bien parties comme Modern Family voient leurs audience baisser dès la 5ème saison.
C’est qu’une sitcom, par essence, a une date de péremption, par exemple si l’on compare sa structure à celle d’un soap opéra. Les lieux et les personnages limités sont autant de brides pour le développement d’une intrigue et l’on arrive souvent à une situation critique aux alentours de la 6ème saison lorsque tous les membres de la bande de potes ont couché… avec tous les membres de la bande de potes.
Ne faites pas les innocents, c’est de vous dont je parle !
Parallèlement le streaming menace l’économie de la sitcom dont on tolère de moins en moins les pages de pub à rallonge. D’autant plus avec cette tendance du binge-watching, qui consiste à s’enfiler une saison en une nuit pour les plus motivés. Or une sitcom qui ne pousse pas à regarder de la pub est une sitcom sans financement.
Enfin les gimmicks qui font le succès des sitcoms passent de moins en moins bien, la fin de How I Met Your Mother en est un parfait exemple avec les « You soon of a biche » artificiels de Lily revenant sans raison à chaque épisode pour tenter de recréer de l’adhésion.
Une sitcom à l’ancienne, en plan fixe et dans un seul décor, avait l’immense avantage de ne pas coûter cher. Mais voilà : que se passera-t-il lorsqu’elle ne rapportera plus assez ? Car dans le monde des sitcoms, point de pitié : ce qui ne rapporte pas d’argent est déprogrammé.
Même des piliers de l’univers de la sitcom comme The Office voient leur audience baisser jusqu’à la déprogrammation.
Une mutation majeure à venir dans l’univers des séries humoristiques ?
Aujourd’hui elles restent encore discrètes, mais un certain nombre de série comme Girls ou Louie tentent de faire rire autrement, en dépassant le caractère forcé de la bonne vanne en fin de phrase. On ose même rendre triste… pour mieux en rire par la suite nos échecs de la vie de tous les jours.
Il est tout à fait possible que le spectateur finisse définitivement par être lassé de devoir créer de l’empathie avec des personnages vivant dans de grands appartements sans travailler au point de nous en rendre envieux, une critique très fréquente dans l’univers des sitcoms.
Bref, le spectateur serait en quête de réalisme, ce qui passe aussi par un humour plus recherché, reposant moins sur des caricatures tournant en boucle depuis les années 40.
Parallèlement dans le monde des séries télés en général, et plus seulement des sitcoms, la mode est au gros budget et au format de 40 à 50 minutes. L’esthétique parfois un peu bâclée des sitcoms n’est plus vraiment d’actualité et il ne suffit plus de bons dialogues pour faire oublier une réalisation paresseuse.
Néanmoins, n’enterrons pas si vite la sitcom qui résiste brillamment à toutes les évolutions de la société depuis les années 40 car ses principes de base (faire de l’argent, faire rire et ensuite peut-être faire de l’art) sont si efficaces, et les producteurs si peu prompts à prendre des risques, qu’elle a encore probablement de beaux jours devant elle.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
C'est dommage parce que The IT Crowd vaut vraiment le détour !