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Incitées à « faire les grandes », ces adolescentes ont subi des violences sexuelles

Derrière l’expression « faire la grande » peut se cacher une pression sociale lourde de conséquences. Trois lectrices de madmoiZelle racontent cette époque de leur adolescence où elles ont « fait les grandes », jusqu’à ce que la situation leur échappe.

En partenariat avec BAC Films (notre Manifeste)

Le 19 août 2020 sort dans les salles le film féministe au casting 100% féminin Mignonnes, réalisé par Maïmouna Doucouré.

À la fois touchant, puissant et déstabilisant, il place au centre de son intrigue une bande de jeunes filles dont Amy (Fathia Youssouf), 11 ans, qui pour échapper à des problématiques familiales veut intégrer le groupe des Mignonnes, des danseuses populaires de son collège.

Amitié parfois toxique, puberté, hypersexualisation des petites filles, envie de « faire la grande » pour se faire accepter socialement… le film traverse toutes ces thématiques, l’occasion pour madmoiZelle de questionner ses lectrices :

Et vous, est-ce qu’il vous est déjà arrivé de « faire la grande », jusqu’à ce que la situation vous échappe ?

Les pré-adolescentes du film Mignonnes de Maïmouna Doucouré

Pour Amy dans Mignonnes de Maïmouna Doucouré, échapper à sa crise familiale et être intégrée au groupe de danseuses qu’elle admire tant, c’est synonyme de prises de risques et d’incarner tout ce qu’elle n’est pas.

Danse sensuelle, maquillage, tempérament rebelle et indépendant, elle va tenter de coller parfaitement aux attitudes des Mignonnes.

En faisant cela, Amy prend le risque de transformer sa personnalité, mais aussi de provoquer une cassure lourde de conséquences avec son environnement familial traditionnel et religieux.

Ce que vivent Amy ainsi que ses amies Angelica (Medina El Aidi), Coumba (Esther Gohourou), Jess (Ilanah) et Yasmine (Myriam Hamma) est une réalité aisément transposable à la vie de bon nombre d’adolescentes.

Des dynamiques sociales qui prennent naissance dans la période compliquée de la pré-adolescence et de l’adolescence, la détresse de certaines jeunes filles face à un contexte familial difficile, la pression sexuelle véhiculée par une société sexiste et patriarcale…

En tout cas, pour trois lectrices de madmoiZelle, la notion de « faire la grande » leur a rappelé une époque de détresse de leur adolescence, pendant laquelle elles ont été victimes de violences sexuelles.

« Faire la grande » à l’adolescence pour être acceptée socialement

*les prénoms ont été modifiés

Louison*, Sophie* et Charlotte*, aujourd’hui âgées respectivement de 24, 24 et 20 ans, ont toutes trois raconté à madmoiZelle un épisode de leur adolescence.

À cette époque de leur vie, elles étaient fragiles émotionnellement, parfois à cause d’un déséquilibre familial, de traumatismes d’enfance refaisant surface, ou à cause d’un mal-être ressenti dans leur environnement scolaire.

Dans ce contexte, elles se sont liées d’amitié avec une fille pour qui elles avaient une forte admiration et qui incarnait pour elles, comme les Mignonnes pour Amy, la force de caractère, la popularité, bref, tout ce à quoi elles aspiraient. Charlotte raconte :

« J’ai voulu « faire la grande » lorsque j’avais 15 ans.

J’étais à l’époque en première et j’ai toujours été rejetée, humiliée à l’école et en cours car trop mature pour mon âge (et pas gâtée physiquement).

Je n’étais clairement pas ce qu’on peut appeler une « fille populaire » et bien que je ne m’en rende compte que maintenant, je n’avais pas tellement confiance en moi.

Mon père étant décédé quand j’étais enfant et étant fille unique, ma mère m’a élevée seule et j’avais le sentiment qu’elle était trop sévère comparée à mes copines qui elles sortaient quand elles voulaient, où elles voulaient.

Aujourd’hui, je remercie ma mère puisque si elle n’avait pas agi comme ça, je ne sais pas comment j’aurais terminé.

À ce moment, j’avais donc une fille dans ma classe qui était populaire depuis le collège et que j’admirais beaucoup pour son succès auprès des garçons et son physique que j’enviais.

Petit à petit, nous sommes devenues amies, et, est venu le jour où elle m’a proposé de sortir un soir avec elle et quelques amis de son groupe.

Je me disais que j’avais enfin l’occasion de sortir avec une fille populaire qui était gentille avec moi et j’ai donc tout de suite accepté. »

Sophie, en seconde au moment de son récit, se rend compte aujourd’hui qu’elle n’était que l’ombre de cette amie qu’elle enviait et admirait :

« Je traînais depuis le début de l’année avec une fille, Marion*. Elle était rebelle, très jolie, aimée des garçons et pleine d’assurance.

Moi, j’étais beaucoup moins assurée, j’avais très peu de confiance en moi, j’étais boulotte et j’avais eu mon seul copain l’été avant la rentrée en seconde.

J’étais son ombre et tentais par tous les moyens de faire comme elle pour lui ressembler un tant soit peu. »

Louison raconte quant à elle l’histoire de ses 18 ans, âge auquel elle s’est expatriée à 300 kilomètres de sa famille pour prendre son indépendance et entamer ses études supérieures.

Diagnostiquée quelques années plus tard Haut potentiel intellectuel (HPI), elle subissait à cet âge son hypersensibilité ainsi que son décalage avec le monde et ses pairs qui renforçait son sentiment d’être « bizarre ».

« J’ai passé mes années lycées à analyser, décortiquer les attitudes des gens que je trouvais « cool » pour rentrer dans le moule, me sentir aimée, acceptée. (Spoiler : ça n’a pas marché).

Je la voulais cette « bande de potes du lycée/de la fac » à la Friends ou à la How I Met Your Mother. Je voulais aussi avoir un copain, pour sentir que pour une fois, quelqu’un m’avait choisie dans son équipe, que j’étais désirée et désirable.

C’était mes vœux les plus chers de l’époque.

Je débarque donc en fac, des rêves pleins la tête, naïve, peu coutumière des « choses de la vie » puisque j’ai passé ces dernières années en ermite. Mes repères ? Les films et séries américaines.

Je me souviens particulièrement de deux-trois copines, rencontrées à la fac, qui vivaient leur vie avec une légèreté assumée : elles étaient jolies, drôles, intéressantes, avaient des aventures avec des garçons, des copains, les trompaient, ne pensaient pas au lendemain, vivaient l’instant présent.

Elles savaient lâcher-prise. Je les admirais tellement pour cela. Elles représentaient ce que je n’étais pas. Elles représentaient ce que je voulais être.

À cet instant débute l’engrenage.

Je voulais impressionner la galerie, faire partie de ce groupe, et pour cela, j’ai dû réfréner ce qui faisait de moi qui je suis. »

Quand la pression sociale donne lieu à des violences sexuelles

Si à première vue ces relations amicales auraient pu être bénéfiques et sécurisantes pour Charlotte, Sophie et Louison, il n’en a rien été, puisqu’aveuglées par leur désir de ressembler à leurs nouveaux modèles, elles se sont oubliées elles-mêmes et ont été confrontées à des situations dangereuses.

Pour Sophie, cela s’est produit lors d’une soirée où elle dormait chez son amie Marion.

« Marion et son crush sont allés s’enfermer dans une chambre. Je me suis retrouvée seule avec l’ami de ce dernier, que je ne connaissais pas.

Il a roulé un joint. J’avais déjà fumé de la weed à quelques rares occasions. Il a fumé quelques lattes et me l’a tendu. Pour « faire la grande », j’ai accepté, fumé un petit peu et lui ai rendu.

Au bout de quelques minutes, j’ai senti que ça me montait à la tête. Ma tête tournait, je me sentais lourde et molle et j’avais l’esprit embrouillé. La drogue était très forte.

Je me suis retrouvée à comater à moitié sur le canapé avec en fond sonore les cris de plaisir (fake si vous voulez mon avis) de Marion. Alors, le mec assis à côté de moi m’a dit : « J’ai jamais vu de seins aussi gros. »

Il a approché ses mains de ma poitrine et a commencé à les malaxer. Complètement dans le coaltar, je n’ai pas trop compris ce qui m’arrivait. Il s’est rapproché de moi sur le canapé et m’a dit : « On pourrait faire comme eux », en tentant de m’embrasser.

J’ai reculé d’un geste maladroit. J’étais encore vierge et n’avais jamais été confrontée à un garçon voulant coucher avec moi. J’ai difficilement articulé un « non ».

Il a retenté de m’embrasser, j’ai eu peur, je l’ai poussé mollement, il a sorti un « hé » surpris. La peur augmentait car je sentais que j’étais trop défoncée pour arrêter une potentielle agression sexuelle.

Par chance, Marion et son crush sont sortis de la chambre, mettant fin à la situation. Ils sont partis tous les deux. Marion me dira plus tard que « j’aurais dû accepter ».

Je la soupçonne d’avoir dit à son crush que j’étais là pour qu’il ramène un pote à lui… »

Après avoir accepté la proposition de sortie de la cool girl qu’elle admirait, Charlotte a quant à elle menti à sa mère pour suivre son amie dans un bar mal fréquenté.

Un mensonge, malgré son mauvais pressentiment, suivi d’une soirée d’horreur dont elle raconte les détails :

« J’étais d’abord réticente, car même si je trouvais ma mère sévère, je n’aimais pas lui désobéir et ma mère connaissant cet endroit, elle m’avait interdit d’y aller.

Finalement, on m’a dit qu’on y « passait juste un petit peu et c’est tout », donc j’ai accepté de suivre le groupe. Je voulais lui ressembler, paraître aussi cool qu’elle et arrêter d’être vue comme la victime.

Au cours de la soirée, j’ai appris qu’elle couchait avec le gérant de l’établissement (elle avait 16 ans, lui 20) et nous n’avions au final nulle part où dormir (vous imaginez bien qu’à 16 ans, elle n’aurait jamais appelé ses parents pour leur demander de venir la chercher dans un bar. Elle aussi mentait sur les endroits où elle passait ses soirées).

Il nous a donc proposé de dormir à l’étage, où il avait canapés, couvertures et chauffage, ce que nous avons évidemment accepté parce que c’était clairement plus tentant que de dormir dans un champ en plein hiver.

Après la fermeture, nous sommes restées à l’intérieur avec lui et son pote. Nous avons discuté tous les quatre, puis ma copine et son plan cul sont allés à l’étage.

Je suis restée en bas avec le pote du gérant (qui avait 16 ans), qui commençait à se rapprocher de moi, chose que je n’ai pas trouvée négligeable puisque c’était la première fois qu’un garçon comme ça (que je voyais comme un bad boy) s’intéressait à moi.

J’avais déjà fait des préliminaires avec un ex, mais n’avais jamais fait « la chose » parce que je n’étais pas prête. Je n’ai donc pas eu peur de ses avances et nous avons commencé à nous embrasser et faire des préliminaires.

Je l’ai trouvé assez doux et je ne me suis pas méfiée.

Pensant que je n’étais plus vierge et prête à coucher avec lui (j’entends par là une pénétration), il s’est positionné pour le faire et je l’ai arrêté en lui disant « je peux pas ».

Je ne suis jamais parvenue à lui dire que je ne VOULAIS pas, juste que je ne POUVAIS pas. Parce que psychologiquement, pour moi, ce n’était même pas prévu et tout simplement pas possible.

Mais il m’a répondu : « Comment ça ? », ce à quoi j’ai encore une fois répondu : « Je peux pas… je peux pas. Je suis vierge. » Tout ça en le repoussant de mes jambes au maximum pendant qu’il forçait pour approcher son sexe du mien.

Il a rigolé et m’a dit : « T’inquiète, c’est bon. Crie un bon coup. » Avant de rentrer le plus brutalement possible pour que ma virginité ne soit plus un problème pour lui.

Je n’ai rien dit, je n’ai rien senti, pas de mal, mais j’étais juste neutre. Je ne sentais rien, mon cerveau a dû choisir de décrocher pendant ce moment, car je n’ai pas aimé, je n’ai pas détesté, j’ai subi.

À un moment, il s’est retiré pour aller aux toilettes pour enlever le préservatif, et dès qu’il est parti, je me suis repliée sur moi-même et j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps en disant à voix haute : « Mais qu’est-ce que t’as fait ? Qu’est-ce que t’as fait ? »

En revenant, il m’a demandé pourquoi je pleurais et je lui ai dit sur un ton assez énervé « mais parce que je ne voulais pas faire ça ! ». Il a rigolé, et m’a dit « bon allez, je vais me prendre une bière », ce sur quoi il est parti, me laissant seule, nue et impuissante.

Quelques minutes plus tard, ma copine et le gérant sont redescendus, je les entendais rigoler en bas, tous les trois, sur ce qui venait de se passer entre lui et moi.

Ma copine est montée me voir, me demandant pourquoi je pleurais, je lui ai dit que je ne voulais pas le faire, que je n’étais pas prête, que je n’aurais jamais dû venir.

Elle m’a répondu : « Mais non, t’inquiète, c’est la première fois c’est normal que tu réagisses comme ça. » Ce n’était pas normal, et j’ai mis quatre ans à m’en rendre compte.

J’ai continué de voir ce salopard pendant un an, puisque nous sortions tous les quatre (« sortir » est un grand mot, ils ne venaient nous chercher que quand ils étaient en manque de sexe et nous redéposaient juste après).

Je me suis sûrement fait une réputation au sein de leur groupe d’amis (chance pour moi, ça n’a pas tourné dans tout le lycée), et je me sentais puissante, désirée, populaire comme cette fameuse fille.

J’étais devenue sa meilleure amie, son acolyte et les gens ont cessé de me regarder comme celle que j’avais été pendant dix ans.

Plus tard, j’ai reparlé de cette première fois avec elle et elle s’est toujours dédouané de tout, en me disant que ce n’était pas elle « qui avait mis son sexe dans le mien » et que, en gros, j’étais responsable de tout ça. »

À lire aussi : Sidération et dissociation pendant un viol : les 2 mécanismes de survie du cerveau contre l’arrêt cardiaque

Toujours à 300 bornes de ses repaires et de sa famille, Louison avait décidé de suivre et de ressembler à toutes ces filles légères et cool qu’elle avait rencontré dans sa nouvelle fac.

Elle avait décidé de se travestir en copiant tous les codes sociaux et agissements des personnes de son âge, notamment en adoptant une posture de séductrice et d’objet de désir sexuel, jusqu’au jour où le traumatisme du viol qu’elle a subi l’a consumée :

« Au moment où j’ai voulu devenir cool, je me suis plongée corps et âme (sans jeu de mot) dans des changements radicaux. Je m’habillais plus femme, sexy, tendance, je me maquillais avec soin.

J’écoutais mes copines parler de leurs expériences en analysant leurs ressentis, leur comportement. Et puis de fil en aiguille, j’ai voulu, moi aussi, avoir des choses à raconter.

Sous la pression sociale exercée, j’ai voulu faire ma « première fois » avec un quasi inconnu pour (me ?) prouver que j’en étais capable, que j’étais une jeune femme désirable. Je me mettais constamment en position de séduction.

J’ai donc pris presque au hasard un crush que je trouvais beau comme un dieu mais que je connaissais assez peu. Il a fini par me violer en profitant de ma naïveté, de mon manque d’expérience. Ça a été le début de la fin.

J’ai commencé à me sur-sexualiser encore plus. Faire des soirées trop arrosées durant lesquelles je finissais régulièrement nue pour pas grand-chose, pour « prouver » que je pouvais le faire, que j’avais le contrôle de mon corps et de sa projection.

À chercher à coucher avec le plus de garçons possible, dans des situations, avec des histoires impossibles, en sachant très bien que j’aurais du mal à encaisser le « choc » émotionnel. Mais bon, si elles y arrivaient, pourquoi pas moi ?

Et malgré tous ces « efforts » je continuais à ne pas me sentir « à ma place ». Je ne le montrais pas mais mon état psychologique allait de mal en pis. Je me sentais sale.

Heureusement, j’ai horreur d’aller mal et je réagis relativement vite lorsqu’il s’agit de prendre mes cliques et mes claques pour changer d’air, pour rebondir.

J’ai donc opéré une seconde rupture à la fin de ma troisième année : quitter la ville où je faisais des études qui ne me correspondaient pas mais qui étaient « dans la norme ».

J’ai pris la décision de rentrer chez mes parents pour retrouver un cocon sain, de reprendre des études qui me plaisaient vraiment et dans lesquelles je me suis épanouie par la suite.

Ça a été la première étape vers un « renouveau ». »

Même si ce renouveau a été long et compliqué à mettre en place, avec plusieurs rechutes dans des relations toxiques et des comportements destructeurs, c’est en demandant de l’aide à une psychologue que Louison a pu doucement guérir de ses traumatismes et mieux gérer ses spécificités émotionnelles.

Aujourd’hui elle regarde cette époque avec beaucoup de recul et de maturité mais regrette d’avoir essayé de se changer elle-même pour être acceptée.

Un besoin de validation sociale et de validation sexuelle chez les adolescentes

Dans les témoignages de Louison, Sophie et Charlotte, on le lit noir sur blanc : la société leur renvoie que leur validation sociale passe par une validation sexuelle dans le regard des autres, et spécifiquement des garçons.

Ovidie, journaliste, écrivaine et réalisatrice, témoigne dans la saison « Juste avant » du podcast Intime & Politique du même schéma qu’elles  : sa relation d’amitié avec une fille à la réputation de « salope du collège », à la fois rejetée et figure de popularité, qui l’a poussée dans les bras d’un garçon qui l’a violée.

Avec du recul, elle analyse pour madmoiZelle cette notion de « faire la grande », qui peut mener à un début de vie sexuelle précoce et/ou traumatique :

« Pour moi, il y a deux dynamiques qui s’entrecroisent et qui forment un cocktail explosif. La première dynamique, c’est le fait qu’en tant que jeune fille, tu sois flattée qu’on commence à s’adresser à toi comme une adulte.

Le moment où on te sexualise, toi tu assimiles ça à un moment où on te considère comme une adulte et tu es flattée dans cette illusion d’être plus grande que tu es.

Il y a aussi qu’en tant que femme, tu grandis avec l’idée que ta valeur dépend du regard masculin, c’est un truc qu’on te rentre dans la tête très très très jeune, que ta valeur sociale et toute ta valeur vont dépendre de cette validation, validation qui va passer par la beauté et la valeur sexuelle.

Donc à partir du moment où tu deviens sexuellement intéressante, tout d’un coup tu te vois attribuer une valeur, tu as enfin ta valeur dans la société, en tant que jeune fille potentiellement baisable, mariable, etc. »

Après des années de réflexion sur ce qui lui est arrivée, à se poser la question de pourquoi cette amie avait pu la pousser dans une situation dangereuse pour sa sécurité, elle apporte un début de réponse :

« Avec le temps, j’ai cessé d’en vouloir à cette fille qui m’avait entrainée dans des plans pourris.

Je me suis dit que cette fille-là, celle qu’on appelait la « salope du collège », qui était aussi assez populaire parce que valorisée par ça mine de rien, elle n’avait pas envie d’être seule dans cette stigmatisation. C’est comme ça qu’elle nous avait entraînées.

À l’époque, nous étions deux filles avec beaucoup moins de charisme qu’elle, beaucoup moins d’aura, on était ses sbires finalement.

Le simple fait d’être avec elle nous valorisait aux yeux des autres, et elle je me souviens qu’elle insistait beaucoup pour nous entraîner dans certains traquenards, pour qu’à notre tour on « perde notre virginité » puisqu’elle l’avait perdue avant nous.

À l’époque, on n’employait pas du tout le terme de slut shaming, mais c’est quand même de ça dont il s’agit, elle n’avait pas envie de le subir seule et d’être la seule salope du groupe. »

Les conséquences du manque d’éducation sexuelle chez les jeunes

Pour la sexologue québécoise Francine Duquet, dont les recherches portent sur l’hypersexualisation sociale, l’éducation sexuelle et qui dirige le projet Outiller les jeunes face à l’hypersexualisation, dans l’histoire de Charlotte, Sophie et Louison, il y a un manque cruel de repères et d’éducation sexuelle et affective :

« Il ne faut pas banaliser le désir d’être populaire chez les adolescents. Être populaire, c’est une façon de ne pas être ignoré, c’est une façon de ne pas passer inaperçu et ça touche directement à l’estime de soi.

L’idée de la popularité, elle est aussi alimentée par l’environnement ambiant, la télé, la télé-réalité, les clips, la pornographie… Les modèles ambiants misent sur le sexe, le luxe et l’argent qui semblent donner un fort capital popularité.

Les adolescents et adolescentes sont en manque de repères par rapport à jusqu’où certaines pratiques sexuelles peuvent et doivent aller.

Dans le cas de ces jeunes filles, elles n’ont pas de repères pour valider ce qu’elles ressentent, pour valider qu’elles ont vécu une agression. On voit tout le travail qu’il y a à faire dans l’éducation sexuelle des jeunes.

Pour moi, un des objectifs pour contrer le phénomène d’hypersexualisation sociale, c’est de développer le sens critique [des adolescents] face aux représentations médiatiques de la sexualité et les phénomènes de mode sexuelle, ainsi que leur apprendre l’importance d’exprimer leur sensibilité personnelle et de la respecter aussi. »

Le film Mignonnes, une piste de réflexion sur la vie des jeunes adolescentes françaises

Pour avoir d’autres pistes de réflexion sur le besoin d’acceptation sociale et l’hypersexualisation des jeunes filles, le film Mignonnes de Maïmouna Doucouré, en salles le 19 août, est un support de choix.

Puissant, touchant, mettant en scène de nouvelles actrices talentueuses, un film féministe important à consommer sans modération !

À lire aussi : Je suis devenue « la pute du collège »… mais ça finit bien

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Les Commentaires

6
Avatar de Iphise
19 août 2020 à 23h08
Iphise
@Bleu pastel par curiosité, c'est quoi une tsundere ?
Sinon, pour rebondir sur une partie de ton message, j'sais pas...je vois dans l'idée de qui tu parles en évoquant les "populaires", et certain.e.s d'entre eux.elles font passer des mauvais quarts d'heure. Alors ouais, parfois tu te dis "ouais enfin en attendant moi j'vais réussir mes études" (mention spéciale pour les plus haineux "et je serai ton ou ta patron.ne", comme une revanche sur ce que t'as subi (ou même pas en fait !) mais...y'a quelque chose qui me gêne quand même dans ce raisonnement. Parce que je pense aussi que ça dépend énormément du contexte social où dans lequel grandissent ces enfants populaires. Et de ce que j'ai pu noter, c'étaient souvent des jeunes qui avaient du mal à l'école, des difficultés familiales, entre autres...c'est des jeunes quoi, eux aussi ils se cherchent, comme nous toutes et tous à l'époque. Le collège c'est la grosse pression pour être accepté.e, et y'en a leur façon de faire c'est d'être grande gueule, de faire le ou la chaud.e, l'extravagant.e, l'adulte. Y'en a c'est pour attirer l'attention. Ils & elles se raccrochent aux codes de féminité et masculinité auxquels ils ont été biberonnés, avec la maladresse des adolescent.e.s qui avancent à tâtons. Alors ça ne justifie pas de martyriser d'autres jeunes, évidemment (cela étant dit, le harcèlement n'est pas nécessairement le fait des populaires...), mais je pense que ça serait intéressant aussi de regarder ça à la lumière du contexte social/de la reproduction sociale aussi. Tu ne connais pas leur vie, en fait, à ces gens-là ("tu" général). Et dans cette perspective, je trouve ça un peu cruel, le "moi au moins, je galère pas avec mon avenir". Parce qu'effectivement, y'en a qui font les chaud.e.s au collège, et en fait après ils & elles galèrent pour leur vie...pour moi c'est même pas une victoire en fait, c'est super nul pour ces personnes. C'est pas drôle du tout de pas réussir l'école.
Bref je sais pas si c'est très clair, là où je veux en venir...

Bref. Article extrêmement intéressant qui montre jusqu'où peut aller la quête d'identité et la recherche de validation. Quand j'y réfléchis, je me dis que c'est dommage qu'on n'ait pas plus d'adultes de confiance (qui bien souvent ne sont pas les parents), à qui on oserait vraiment tout dire, à qui on oserait tout demander, pour nous aider à nous construire, avoir du recul, et éviter de se retrouver dans ce genre de situation. Des sortes d'adulte-refuge. Bien souvent, on ne fait pas tellement confiance aux adultes (mêmes ceux là pour ça, type infirmier.ère/psy scolaire), ou on n'ose pas leur parler, et on se retrouve livré.e à soi-même, sans conseils dont on aurait pourtant tellement, tellement besoin. J'espère que ces madz arrivent/sont arrivées à se reconstruire et à regarder avec indulgence leur 'moi' de l'époque, et qu'elles sauront rester intègres à elles-mêmes à partir de maintenant
Tu as tout a fait raison sur le fait qu'on ne sait rien de la vie des populaires. C'est assez drôle quand j'y repense. De 9 à 14 ans j'étais dans le côté populaire puis de 14 à 17, le côté bouc émissaire.
Donc je dirais que je peux parler de l'expérience des harceleurs et des harcelés.
Malheureusement, quand j'étais "populaire" avec ma bande, on rackettait les plus jeune, on bastonnait d'autres bandes, on rentrait très tard de chez nous. Je ne sais pas pour une copine mais pour moi et mon ancienne meilleure amie, on essayait d'éviter le plus possible la maison. Moi avec une mère violente qui n'assume pas d'avoir eu des enfants et qui fait sa crise d'adolescence et elle qui a un père violent et strict avec une mère et un frère fou. On voulait grandir et devenir adulte très vite pour pouvoir partir de chez nous. Gagner notre vie pour avoir son appart et ne plus vivre avec les parents. On avait ce groupe que de fille parce que les autres groupes de racailles c'étaient que des mecs et ils étaient vraiment désagréable envers les filles. On voulait changer à notre façon la vision qu'ont ces mecs du quartier. Montrer qu'on pouvait se battre, qu'on n'avait pas peur, qu'on pouvait leur faire peur. Des petites amazones en puissance. On était si arrogante. Je pense qu'on voulait avoir du pouvoir là où dans la maison, on en avait pas. On voulait oublier nos souffrances. On était aussi jaloux des autres élèves qui avaient des vies de famille tranquille ou sympa.
Je dirais qu'avec Harry Potter, je change de drogue. A la place de me jeter dans les bagarres, j'entre dans les livres mais toujours pour oublier cette vie injuste et difficile.
Entrant en secondaire 14-17 ans, je suis passé a la barrière des marginaux. Je commençais a accepter que j'étais différente. (J'ai été diagnostiqué spectre autistique mais plus tard) Je sentais que j'étais différente mais je ne savais pas pourquoi et par quoi. En primaire, pour me faire accepter, j'essayais de ressembler a tout le monde mais ça me prenait tellement d'énergie. En secondaire, j'étais tellement fatiguée de ne pas être moi-même que j'ai tout laissé tomber. Poudlard m'a ouvert les yeux. S'habiller différemment que les autres filles, arrêter de parler comme les racailles ou les fashionistas, se plonger dans les livres, avoir de meilleurs notes, ça a attiré bien sur le regard des "populaires" des secondaires. Et je suis devenue leur harcelée. Moins de violence physique, plus de violence psychique. Menace de viol, menace de tabassage, devoir faire leur devoir en plus des miens, ils se moquaient de moi parce que je portais les vêtements a la mode de Tokyo mais en Suisse, c'est tellement nouveau que ca faisait bizarre. Elles se moquaient que je ne portais pas de string léopard, des jeans tailles basses hyper serré, des soutiens-gorges en dentelles flashy qui se voient en dessous de leur pull en laine taille XXL qui fait très "j'ai dormi avec le pull de mon copain", se moquer que je n'avais pas de copain et que je n'étais pas intéressée par les hommes (j'ai aussi appris plus tard que je suis asexuelle panromantique). Le secondaire, c'était un jungle. Et j'avais l'impression que chaque jour était une épreuve de Jumanji.
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