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Parentalité

Est-ce qu’isoler son enfant est une violence éducative ordinaire ? Le débat est là

Le « time out » est au cœur d’un débat brûlant qui divise Instagram et les parents. Punition humiliante pour les uns, sanction saine pour les autres, retour sur une polémique qui n’aurait jamais dû prendre autant d’ampleur.

Si vous êtes un utilisateur assidu de l’Instagram parental, vous n’avez pas pu passer à côté du débat brûlant qui agite actuellement nos réseaux sociaux : le « time out » doit-il être interdit, ou au contraire est-il à recommander ?

Cette pratique qui consiste à isoler temporairement un enfant déchaîne les passions et oppose les associations et les praticiens anti VEO — les violences éducatives ordinaires — à de nombreux professionnels de la petite enfance. Les premiers dénoncent une punition humiliante, études à l’appui, quand les deuxièmes regrettent une interprétation fantasmée desdites études.

Pourquoi la question du « time out » fait soudain débat ?

Tout commence avec un article paru dans le Figaro : « File dans ta chambre ! »: un ordre que les parents ne pourront bientôt plus donner ? File dans ta chambre fait référence au titre du livre de la psychologue Caroline Goldman, paru en 2020. Dans son ouvrage, cette professionnelle de la petite enfance conseille le « time out » comme méthode éducative et se réfère au Conseil de l’Europe qui aurait recommandé cette pratique dans un fascicule publié en 2006

L’ouvrage publié par la psychologue a fait grand bruit auprès des associations anti VEO qui lui ont reproché de faire l’apologie des violences éducatives en prônant l’exclusion d’enfants en détresse émotionnelle. Ces mêmes associations ont ensuite contacté le Conseil de l’Europe pour exiger le retrait de cette recommandation.

Même si le titre du Figaro suggère que le « time out » pourrait bientôt être interdit, il n’en est rien. Comme le résume parfaitement la créatrice du compte Instagram et du Podcast Premièrecouche.

image (3)
Capture d’écran Instagram

Le « time out », une pratique violente, vraiment ?

Si de nombreux professionnels et parents pratiquent la mise à l’écart temporaire pour sanctionner de mauvais comportements, le « time out » ne fait pas toujours l’unanimité. Les associations et les comptes anti VEO purs et durs dénoncent une punition humiliante et délétère. Le fondateur du réseau FamilyLab France, David Dutarte, explique :

Si on exclut l’enfant dès qu’il nous remet en question, l’enfant se sent nié. Si on l’écoute, il se sent valorisé et il respectera mieux les limites des adultes.

Ces propos chocs interrogent : aucun parent bien intentionné n’a envie de se transformer en bourreau autoritaire et toxique. Mais comment peut-on établir de telles conclusions sur les conséquences du « time out » quand la pratique même n’est pas explicitée et qu’il existe autant de moyens de la mettre en place que de familles ?

Selon le Conseil de l’Europe, toujours lui, cette méthode consiste simplement à « imposer à l’enfant une mise à l’écart temporaire ». Les circonstances de cette mise à l’écart ne sont pas précisées.

Nulle part, il n’est question d’exclure ni de nier les ressentis de l’enfant. De nombreux spécialistes de la petite enfance, à l’instar de Caroline Goldman ou de Marie Chétrit, voient justement dans cette méthode une alternative à la violence éducative, pourvu que la sanction soit appliquée dans un cadre adapté.

Pour les parents que nous avons interrogés, cette pratique est toujours précédée d’explications et de négociations. Il s’agit simplement d’un recours pour opérer un retour au calme, dans un environnement sécurisé, avant de reprendre la discussion :

Quand mon fils est violent avec sa sœur et ne m’entend plus, ou que je suis très en colère et qu’il ne m’écoute pas et que je sens que je pourrais lui dire des choses blessantes, je l’isole le temps de reprendre mes esprits (…) en lui expliquant « je te mets ailleurs pour protéger ta sœur ou que tu puisses te calmer » ou « j’ai besoin de calme, je suis très en colère ». J’ai besoin de ce temps pour reprendre mes esprits pour revenir ensuite et en discuter. Clairement, je le mets ailleurs le temps que ma tempête se calme, c’est en quelque sorte moi qui suis en « time out ».

Claire, mère de deux enfants, contactée sur Instagram

On envoie notre fille de 3 ans et demi dans sa chambre quand elle fait quelque chose d’interdit malgré les rappels à l’ordre (taper, crier ou très mal parler, parfois en cas de bêtises) ou quand elle part dans des crises de colère que rien ne calme. (…) Dans ces cas-là, c’est le meilleur moyen pour vraiment désamorcer la situation. D’ailleurs, elle se calme mieux et plus vite si elle est seule. Elle y va même de son plein gré parfois et nous chasse de sa chambre quand on retourne la voir trop tôt.

Raphaëlle, mère de deux enfants, contactée sur Instagram

En général, chez nous, quand notre fils part en crise et qu’il n’arrive pas à se calmer, il va dans sa chambre. Jusqu’à peu, il y allait seul pour retrouver son doudou et sa sucette […] En général, une fois qu’il est dans sa chambre, il claque la porte et nous refuse l’accès. Quand il s’est calmé, il redescend ou il joue. C’est efficace 100% du temps pour désamorcer les crises. 

Valérie, mère de deux enfants, contactée sur Instagram

La lutte anti VEO, beaucoup de bonnes intentions… et d’injonctions

L’éducation bienveillante fait aujourd’hui consensus auprès de tous les spécialistes de la petite enfance. Pourtant, lorsque l’on interroge ces spécialistes, l’idée même de ce que constitue une VEO varie. Certaines associations et figures de la parentalité positive n’hésitent pas à ériger en vérité générale des préceptes qui ne figurent pas sur les documentations officielles. 

Selon le Conseil de l’Europe, la parentalité positive s’appuie sur 5 piliers :

  • La réponse sécurisée et affectueuse aux besoins émotionnels de l’enfant ;
  • La mise en place de structures saines et sécurisantes ;
  • La validation des ressentis de l’enfant, considéré comme une personne à part entière ;
  • L’apprentissage de l’autonomie et de l’indépendance ;
  • La proscription totale des violences physiques et morales.

Et… C’est tout. Il ne s’agit que d’une ligne de conduite générale que chacun peut suivre à sa manière, selon son vécu et son tempérament.

La violence intra-familiale est une réalité tragique. On estime qu’en France 50 000 enfants sont encore victimes de maltraitance chaque année et ces chiffres sont probablement en deçà de la réalité. La lutte anti VEO est louable et nécessaire. 

Malheureusement, les interprétations personnelles érigées en préceptes et les injonctions contradictoires qui en découlent peuvent épuiser les parents désireux de faire toujours mieux.

La lutte contre les violences intra-familiales est un sujet de société capital. Mais le combat ne doit pas se mener sur Instagram, au sein d’un entre-soi parental bienveillant par essence, à grand coup de condescendance et de rappels à l’ordre mesquins. 

À lire aussi : Contre la maltraitance infantile, cet algorithme traque les violences physiques

Crédit photo image de une : Andrey Popov


Les Commentaires

46
Avatar de Lia_Stilton
15 juin 2023 à 14h06
Lia_Stilton
@Kettricken C'est ça, il y a confusion. Certaines personnes croient qu'il ne faut pas dire "non" alors qu'en fait c'est la négation qui est (relativement) déconseillé.
Si on dit à un enfant "(non), ne va pas sur la route" ça reste abstrait et il y a de fortes chances que l'info retenu soit "va sur la route". C'est d'autant plus vrai au regard de l'âge mais on en a tous fait l'expérience même une fois adulte, si quelqu'un dit de ne pas regarder vers la droite je suis prête à parier que la grande majorité a justement regardé vers la droite juste après. ^^
Aussi "stop" est plus parlant que "non".
Mais en soit le mot "non" est utile et d'ailleurs les enfants se l'approprient très bien (il le faut, un enfant qui dirait toujours "oui" ça serait assez inquiétant).
Il y a des gens qui confondent laxisme et bienveillance. Au contraire il est important de ne pas être laxiste pour être bienveillant. Nous avons tous besoin d'un cadre, notre cerveau en a besoin pour pouvoir se développer. Comment apprendre à faire des choix, à investir certaines situations s'il n'y a pas de limites posées ?
Concernant le "time-out" puisque c'est le sujet de l'article de départ j'y vois deux problèmes.
Le fait de choisir la chambre comme lieu négatif alors que ça devrait être toujours positif.
Le fait d'isoler sciemment une personne. De décider si oui ou non elle peut revenir auprès de ses pairs. Accepterions-nous ça en tant que personne ? Que quelqu'un nous dise "bon bah va [dans tel endroit] t'y resteras seul.e jusqu'à ce que je décide que tu puisses revenir nous voir". What ?!
Évidemment si la personne demande à s'isoler ou si elle peut être dangereuse pour elle même ou autrui c'est différent.
Dans mon cas, mes parents utilisaient le "time out" (même si personne n'appelait ça ainsi à l'époque) et ce n'était pas du tout dans le sens "reste seule jusqu'à ce qu'on décide que tu peux revenir", c'était plutôt "nous sommes tous énervés, on va chacun s'isoler un moment jusqu'à ce qu'on puisse se parler normalement". Personnellement, j'accepterais totalement que quelqu'un me dise "je n'aime pas la manière dont tu me parles, tu veux bien revenir quand tu seras calmée ?". Aujourd'hui, en tant qu'adulte, lorsque je suis en colère contre quelqu'un, j'utilise cette méthode : je m'isole le temps de me détendre, et je viens lui parler lorsque je suis prête à avoir une discussion calme.
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