Ca n’était évidemment pas prévu au programme. Forcément, petite, quand on me demandait ce que je voulais faire, je répondais invariablement que je voulais travailler dans une grande surface avec des patins à roulettes ou être une chanteuse mondialement célèbre.
Oui, je sais, j’avais déjà beaucoup d’ambition. Après j’ai grandi, et j’ai fait des études, en déplaçant quelque peu mes objectifs professionnels (je n’ai aucun sens de l’équilibre, et je chante comme une casserole).
Bien bosser à l’école, et faire des études, ça faisait partie d’une stratégie que je pensais bien rodée pour mettre le monde du travail à mes pieds. Mais il semblerait que je gère ma vie comme je gère la cuisson du risotto : j’essaie de bien suivre toutes les étapes comme il faut, mais il y en a toujours une que je zappe et au final, ça donne un truc spongieux et imbouffable.
Et voilà donc qu’à 26 printemps, ma vie professionnelle oscille entre stages bouchés, CDI mensongers, CDD chiants et sous-payés, et finalement, la cerise sur le gâteau, j’ai nommé le CHÔMAGE.
[rightquote]J’ai été bien naïve de croire que le chômage et la précarité c’était comme les MST, que ça n’arrivait qu’aux autres.[/rightquote]J’ai été bien naïve de croire que le chômage et la précarité c’était comme les MST
, que ça n’arrivait qu’aux autres. Comme ma mamie (qui se croit toujours au temps des 30 glorieuses), je pensais que les chômeurs, c’étaient rien que des branleurs paresseux aux cheveux gras… Et voilà que la fille qui se lève le matin à 11h00, qui prend sa douche à 14h30, qui mange à 15h00, et qui connaît par coeur les programmes des chaînes de la TNT par coeur, c’est moi. Ca m’apprendra tiens.
J’avoue, au début, j’y ai trouvé mon compte. J’ai des réductions partout et je paye ni mes tickets à la piscine, ni mon abonnement à la bibliothèque. Je peux me lever à l’heure que je veux, et décider de rester en pyjama toute la journée. Je peux aller au ciné à midi, quand les séances sont pas chères. Et quand je fais du shopping, il n’y a personne qui fait la queue aux cabines d’essayage d’H&M. Je peux rattraper mes deux ans de retard en matière de séries, films, bouquins et BD, puisque je n’ai rien d’autre à faire. Oui, au début, le chômage, j’y trouvais mon compte.
Mais c’était sans compter mes rapports kafkaïens avec le Pôle Emploi. Il y a déjà l’histoire du dossier qui n’est jamais complet, qui est perdu, que je refais, auquel il manque de nouveau une pièce, que je renvoie, qui est de nouveau perdu, qui est retrouvé, mais avec de pièces manquantes… bref une histoire sans queue ni tête…
Puis, il y a les rendez-vous avec le conseiller. Quand j’ai vu le rictus de dégoût sur son visage quand je lui ai dit quelle était ma formation, et que j’ai vu qu’il avait un spasme quand je lui ai dit quel type d’emploi je cherchais, je me suis dit qu’on allait bien rigoler, lui et moi.
Effectivement, quand il m’a dit que de toutes façons le secteur était bouché en haussant dédaigneusement les épaules, j’ai eu une sacrée bonne crise de fou rire. Qui a redoublé quand il m’a inscrit au module “rechercher un emploi sur internet” en me disant que ça allait sûrement m’aider, parce qu’internet, c’est l’avenir vous comprenez.
[rightquote]Le site du Pôle Emploi, qui a autant d’attrait et de sexappeal que la gaine de ma tata Claudette.[/rightquote]Ensuite, il y a la création de l’espace personnel sur le site du Pôle Emploi. Site qui a autant d’attrait et de sexappeal que la gaine de ma tata Claudette. Mais si, tu sais bien, le site qui soi-disant te permet de rechercher des offres d’emploi, de les recevoir sur ta boite mail et de postuler en ligne… Alors que dans la réalité, tu ne reçois que des mails “aucune offre ne correspond à vos critères, merci de revoir vos ambitions à la baisse et de bien vouloir vous asseoir sur votre amour propre afin que nous puissions vous envoyer des offres de laveur de vitre, d’élagueur de platanes ou d’agent d’entretien de camping nudiste”.
Le chômage, c’est le truc qui m’a fait comprendre que le Pôle Emploi pouvait servir à plein de choses, sauf à te trouver du travail. Plusieurs fois, j’y ai cru. J’ai reçu des offres intéressantes, correspondant à mes envies et à mes compétences. Pas à mes prétentions salariales (qui ne sont pourtant pas bien élevées), mais au moins à quelque chose qui me donne envie de me lever le matin. Et avec la possibilité de postuler en ligne grâce à la télécandidature.
La télécandidature, c’est trop fun. C’est résumer ta vie, ton oeuvre, tes envies, tes passions, en 140 caractères. J’aime tellement les défis, que je me prends à chaque fois au jeu, et que je me crois un peu sur Twitter, et que donc j’y mets toute mon âme. Et deux jours plus tard, je reçois un SMS “l’offre DTCXDPTDR69 est suspendue. Elle a été publiée sur notre site pour la forme, en fait c’est le fils du patron qui a eu le poste. Merci d’avoir perdu votre temps (dont vous ne faites rien de toute manière puisque vous ne bossez pas) sur notre site” ou “l’offre DTCXDPTDR69 est réservée exclusivement aux roux bègues et unijambistes, or, vous avez deux jambes. Nous n’avons par conséquent même pas pris la peine de lire ce que vous nous avez écrit, mais merci quand même”.
Le chômage, c’est le truc qui m’a fait comprendre qu’il y avait un sacré paquet de choses qui n’allaient pas dans notre société. Surtout quand je reçois les susnommées annonces qui me font un peu kiffer. Et que je lis dans la ligne “type de contrat” un acronyme qui fait penser aux gazouillis d’un joyeux moineau: CUI-CAE, aussi appelés contrats aidés.
Oui, ces fameux contrats qui sont censés permettre à ceux qui ont des difficultés à rejoindre le monde du travail à s’insérer professionnellement. Sur le papier, c’est beau, et je me sens concernée, étant donné que je cumule depuis plus d’un an les CDD à temps partiel, qui me permettent à peine de payer mon loyer. Sauf qu’une personne en difficulté pour le Pôle Emploi, c’est un jeune de moins de 25 ans, sans diplôme, vivant dans une Zone Urbaine Sensible, ayant un handicap et sortant de prison.
Or, j’ai 26 ans, un bac +5, je vis en centre ville, je me débrouille toujours pour avoir un petit contrat de travail, ne serait-ce que pour m’occuper un peu l’esprit, j’ai mes quatre membres, et je n’ai jamais braqué de supérette. Et que même en pleurant des larmes de sang, et en proposant à mon conseiller de lui faire les pneus de sa 206 (pour remplir le critère repris de justice), je n’y ai pas le droit. Paradoxal, dites vous ? Ah ben oui, surtout quand les offres ciblent des bac +4 minimum avec au moins 2 ans d’expérience, pour 20h payées au smic.
Oui, le chômage, ça t’apprend l’humilité et la patience. Ca t’apprend aussi à mettre un peu ton ego en veilleuse, surtout quand tu fais de nouvelles rencontres qui te demandent ce que tu fais dans la vie. Ca t’apprend à ne plus juger les gens sur leur profession. Mais surtout, ça te laisse à mort de temps pour écrire des trucs LOL à publier sur madmoiZelle…
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Les Commentaires
Je suis donc passée de CDI à 35h/sem + 2h/sem d'animation fitness à... rien..
Bon au début, ca m'a permis de découvrir ma nouvelle ville.. mais pareil, secteur bouché à moins d'accepter 1h30 aller/retour (aller sur Paris) quand ya pas de bouchon...
Je songe sérieusement à me réorienter. Je suis diététicienne à la base. Pensez vous qu'un "bilan de compétence" pole emploi ou mission locale soit interessant?
Bon dans ma peine, j'ai de la "chance", je touche quand même le chômage malgré que ce soit une démission (rapprochemnt de conjoint), donc c'est pas l'urgence de prendre le premier truc qui passe, mais bref... 2 mois et j'en ai marre
Un tit com qui fait pas avancer le débat mais bon