Dimanche matin, 7h, le réveil sonne. En tant que bénévole à la Croix Rouge Française, ça devient pratiquement une habitude… mais aujourd’hui c’est PUMP IT UP, même après mes 5h de sommeil, car je fais l’activité que j’apprécie le plus dans le cadre de mon bénévolat: être dans le VPS (Véhicule de Premiers Secours) qui est à disposition du SAMU (Services d’Aide Médicale d’Urgence). J’enfile l’uniforme couleur sable et orange fluo : quitte à être vue, autant l’être de loin ! Un café plus tard, me voilà dans la voiture en direction du garage où est garée notre ambulance. Notre garde commence à 9h.
« Un petit garçon dont l’état a chuté » : première intervention
9h04 : le régulateur du SAMU nous contacte, on est partis pour la première intervention ! La sirène deux tons en route, les gyrophares qui tournent et l’adrénaline qui monte dans la cellule (l’arrière de l’ambulance). Avec mon collègue, on essaye de savoir vers quoi on se dirige. « Un petit garçon qu’il faut rapatrier à l’hôpital où il est suivi, car son état a chuté », nous répond notre chef. Ok, c’est parti !
On arrive sur les lieux, on fait un bilan complet : température, tension, saturation, ventilation. Le chef contacte le médecin régulateur du SAMU pour transmettre le bilan et les informations complémentaires récoltées auprès des parents. Confirmation de la part du médecin : on transporte le garçon à l’hôpital où il est suivi dans le service pour enfants. Je fais la circulation pendant que le petit, sur son brancard, rejoint l’ambulance. On emmène la mère du petit avec nous, je me retrouve debout dans le véhicule à valdinguer dans tous les sens à la moindre secousse. On jette régulièrement un coup d’oeil au patient, pour vérifier qu’il reste conscient et que son état est stable. Arrivé-e-s au centre hospitalier, la mère nous guide jusqu’au service. Et heureusement, parce que cet hôpital est un vrai labyrinthe !
« Cloison nasale cassée » : deuxième round
De retour à notre ambulance, on désinfecte tout le matériel, on est de nouveau disponible et on en informe notre coordinateur. « Bon bah un petit café va être le bienvenu, on a le temps je pense », dixit notre chef… mauvaise langue qu’il est ! À peine le temps de sortir un gobelet qu’on est déjà rappelé-e-s par le SAMU. Ni une, ni deux on est remonté dans l’ambulance. Motif de départ ? « Cloison nasale cassée ».
À l’annonce de la ville où a lieu l’intervention, mon collègue et moi, toujours dans notre cellule, nous ne sommes pas très rassuré-e-s. C’est le genre d’endroit où la moindre parole, le moindre geste peut faire tout basculer. On reste calmes, prêt-e-s à sortir du véhicule, avec le matériel sur le dos, après avoir fait du 90 km/h en ville et grillé pas mal de feux et de stops. Arrivé-e-s sur les lieux, nous voilà dans la banlieue, regards interloqués des passant-e-s et des habitant-e-s. On descend de l’ambulance, on se retrouve devant l’immeuble indiqué par notre feuille d’intervention. La vitre de la porte d’entrée est cassée. Regards entre collègues, histoire d’être un minimum sur nos gardes. La femme du patient nous attend dans le hall, elle nous indique que c’est au dernier. Nous montons donc les 4 étages à pieds, avec tout notre matos sur le dos tels des bourricots. Mais des bourricots sauveurs de vies !
On arrive dans l’appartement, puis dans la chambre du patient. On cherche à connaître le motif de l’intervention car celui qui nous avait été donné nous paraissait un peu disproportionné par rapport à son état. Au final on apprend que l’homme concerné s’est fait opérer trois jours plus tôt de la cloison nasale et des amygdales suite à des problèmes d’apnée du sommeil. Depuis, il saigne du nez, alors que c’était censé s’arrêter tout seul vendredi au plus tard. Ok, tout est plus clair maintenant ! On fait notre business : bilan et questions pour récupérer des informations complémantaires. Le chef passe le dossier au médecin régulateur, puis on amène le patient à l’hôpital le plus proche. Une fois le transport effectué, c’est reparti pour un nettoyage du matériel.
« Une femme paraît mal en point… » : jamais deux sans trois
Et si on allait manger ? C’est parti ! On file rejoindre une autre équipe de la Croix Rouge pour le repas. À l’arrière de l’ambulance on parle de tout, de rien… Puis on sent qu’on est anormalement arrêté-e-s et que ça klaxonne bien. Notre conducteur se fait interpeller par un homme, j’entends quelques extraits de la conversation : « Deux voitures se sont rentrées dedans », « Une femme paraît mal en point là-bas »… Ni une, ni deux nous voilà sur le coup !
On se retrouve face à une jeune femme totalement choquée et tremblante suite à l’accident qu’elle vient d’avoir. Les premières étapes sont la sécurisation de la zone et le maintien de tête de notre interlocutrice par un de mes collègues, pour minimiser tout risque de traumatisme
. On essaye de récupérer des informations : l’autre voiture mise en cause dans l’accident se gare, la circulation reprend un cours à peu près normal.
La jeune femme tremble, elle perd conscience un bref instant. On va chercher le « plan dur » pour pouvoir l’allonger en la bougeant le moins possible et faire en sorte que son corps reste dans son axe, c’est-à-dire droit, toujours pour éviter tout risque de trauma. Le bilan complet est fait ; entre-temps, le mari de la victime arrive, ainsi que les pompiers et la police. Les premiers prennent en charge la blessée pour la suite des opérations, et nous, nous pouvons enfin partir manger après avoir reçu une bonne dose d’adrénaline.
On rejoint donc nos collègues pour un repas tranquille. Deux heures de pause plus tard, on décide d’aller faire un tour dans le bureau des régulateurs histoire de passer le temps, vu que visiblement personne n’a besoin de se faire sauver la vie ! Et sur ce coup-là, on a reproduit l’erreur commise par notre chef le matin même : à peine a-t-on regagné notre véhicule que nous partons pour une intervention.
Joe le taxi : chapitre 4
Motif ? Une dame de 83 ans, présentant une grande fatigue, qui se trouve dans un restaurant à 20 minutes de nous. Toujours au taquet, prêt-e-s à sortir avec notre matériel, nous arrivons sur place. On y trouve bien une dame… mais elle est tranquillement installée avec son mari, en train prendre le soleil sur la terrasse du restaurant. Après les politesses habituelles, ils nous laissent entendre qu’ils voulaient seulement qu’on les ramène chez eux, car leur taxi ne voulait pas les reprendre et que les pompiers les avaient plus ou moins remballés. Qu’on se le dise : ça ne fait pas plaisir d’être considéré-e-s comme un taxi.
On effectue tout de même un bilan complet, et vu que la saturation (pourcentage d’oxygène contenu dans le sang) est un peu basse, on décide de lui administrer de l’oxygène. Le médecin régulateur nous demande d’emmener la patiente à l’hôpital le plus proche. Elle refuse dans un premier temps, et nous demande de la ramener directement chez elle, ce qui nous est impossible. Mon chef, qui est très diplomate, finit par la convaincre de se laisser emmener à l’hôpital. Nous partons donc chercher le brancard puis nous y plaçons la dame sans qu’elle ait à bouger, car elle a une double fracture de la hanche – qui date d’il y a quelques temps, mais toujours très douloureuse. Mission réussie ! Nous voilà – mon équipe, la patiente et son mari, le fauteuil roulant et notre matos – en direction de notre véhicule. Tout et tout le monde est à sa place, c’est parti pour l’hôpital ! Trente minutes plus tard, la patiente est déposée, le nettoyage est fait.
« J’ai tapé mon chat ! » : dernière étape
Pas le temps de faire la zouave avec les collègues : on est reparti-e-s pour ce qui sera notre dernière intervention, vu que notre garde se finit à 18h et que l’air de rien il est déjà 16h50 ! Le motif de cette urgence nous a provoqué une petite crise de rire : « Une dame a frappé son chat ». Bon, ok, c’est parti !
Nous voilà dans une banlieue similaire à celle où nous sommes intervenu-e-s le matin même. Arrivé-e-s sur les lieux, un homme nous attend au bas de l’immeuble qui nous a été indiqué. « Venez c’est ici, ma sœur devient folle ! Je vais vous montrer, venez ! ». Grâce à mon expérience personnelle, je me doute que cet homme n’est pas blanc comme neige dans l’affaire. On le suit, pour arriver dans un appartement où l’odeur de tabac froid vous fouette le visage dès le palier. Arrivé-e-s dans ce qui semble être le salon, on découvre une femme, tranquillement assise, prête à partir avec son sac et ses papiers ; elle nous paraît légèrement énervée et paniquée.
« Je ne suis pas bien, je veux des médicaments pour me calmer, je dois avoir une tension vraiment très haute ! J’ai tapé mon chat ! Je l’ai depuis 4 ans et c’est la première fois que je le tape, c’est pour vous dire ! Regardez-le ! » nous dit-elle. Et son frère qui enchaîne : « Moi, ça fait quatre ans que je suis hospitalisé dans une unité psychiatrique, et vous voyez ça va ! Quatre ans que je suis hospitalisé, j’ai même plus de médicaments là, je dois partir demain pour que mon médecin m’en redonne, mais ma sœur… Elle me rend fou ! ». Mon chef décide donc d’effectuer le bilan complet dans l’ambulance, ce qui est préférable au vu de la situation.
On ramène la patiente dans notre véhicule ; sur le court chemin qui y mène elle noue le contact très facilement avec un de mes collègues, celui qui effectuera par la suite le bilan. Une fois installée dans l’ambulance, la femme pose ses yeux sur moi, s’étonne que je sois la seule fille et me demande mon âge : « J’ai 19 ans ! ». Elle sourit, et me dit qu’elle aimerait bien les retrouver, ses 19 ans. Ce moment-là ma fait particulièrement sourire, car ma jeunesse surprend souvent les patient-e-s.
Bref, j’en reviens à ma petite dame. Au fur et a mesure, on apprend qu’elle est dépressive et qu’elle a un traitement pour ce problème. Puis elle glisse dans la conversation qu’elle est pré-ménopausée et que le stress lui provoque des gaz : une information inattendue ! Nous étouffons discrètement un rire et la transportons à l’hôpital, où le psychologue l’attend. À la descente de l’ambulance, la patiente déclare « Vous êtes tous sympathiques ! Merci pour tout ! » : sourire de toute l’équipe pour cette femme, qui nous dit ça si spontanément… Ça fait plaisir. Nous la laissons ensuite en compagnie du thérapeute.
Garde finie, enfin ! Retour à la base, nettoyage du véhicule, et nous pouvons rentrer chez nous après une journée plutôt mouvementée et, ma foi, quelque peu surréaliste. Pourtant, c’est pour tous ces petits moments, ces sourires, ces rires, ces choses et ces situations improbables, voire même les risques que l’on peut prendre, que j’aime ce que je fais. Les gens ne sont pas toujours agréables avec nous, on n’est pas payés, mais on continue notre boulot parce qu’on aime le faire. Et parce que l’air de rien, ça laisse aussi de sacrés souvenirs, bons ou mauvais.
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