Depuis le mois de septembre se tient une biennale d’Art Contemporain à Istanbul. Nous avons été cinq élèves de l’école des Beaux Arts de Cambrai et cinq de Tourcoing à être sélectionnés pour partir y assister fin octobre. Au programme : découverte de la ville et, bien sûr, des différents sites de la biennale, axée cette année sur le thème de la globalisation. Une semaine en immersion totale en Turquie, entre étudiants et sans guide, voilà ce que ça peut donner…
Lundi 22 octobre
Après l’au-revoir à mon Homme et un pari ("J’arriverai plus vite en Turquie que toi tu retourneras sur Paris", et nous avions vu juste), c’est parti pour deux heures de bus vers Bruxelles. Rendez-vous à 9h avec notre prof, au guichet d’enregistrement.
9h10. Toujours dans le bus.
9h15. Appel du prof : "l’enregistrement se termine à 9h25". Nous commençons à nous imaginer retourner en cours l’après-midi…
9h40. Arrivée à l’aéroport. Etant donné que nous étions quatorze et que le vol n’était qu’à 10h05, le guichet a bien voulu nous attendre. Ouf !
Trois fouilles et deux-profs-qui-se-perdent-deux-fois-dans-l’aéroport plus tard, nous partons pour Zurich !
Le premier vol se déroule très bien. Le capitaine de cabine chino-suisse germanophile tente de traduire les consigne de sécurité en français… Ca nous vaut de nombreux fous-rires autour du thème "fffôtre maîtrre de kââbine". Sans compter qu’en voulant nous passer le film sur la sécurité, il se trompe de cassette et met en route un cartoon. Huhu.
Après une heure d’escale à Zurich et 2h30 de vol vers Istanbul, nous pouvons voir, grâce aux écrans de contrôle de l’avion, que nous approchons de l’aéroport. Il fait gris, on dirait qu’il pleut. L’avion approche, approche… Et s’éloigne ! Nous faisons demi-tour au-dessus de la mer en nous éloignant de 30km… "C’est pas grave, le pilote doit savoir ce qu’il fait" me dis-je dans ma p’tite tête d’angoissée… Et voilà l’hôtesse qui regarde le même écran que nous, écarquille les yeux et hausse les épaules en notre direction : "Je ne sais pas ce qui se passe"… Ah ? Euh… Merci, c’est rassurant…
Bref, après un piquage de nez en direction de la mer et un atterrissage sur un lit de pluie, nous voilà à Istanbul… sous la pluie, le gris et la nuit qui tombe !
Et
à présent, où aller ? Une fois les bagages récupérés et les passeport checkés, il nous faut à présent nous diriger vers le métro d’Istanbul. Première surprise : en France, on nous avait assuré que les euros étaient acceptés partout. Sur le terrain, c’est différent : il faut tout changer, ils ne sont acceptés que dans les lieux les plus touristiques.
Passage du portillon de métro sous les yeux d’une sécurité armée et équipée de détecteurs de métaux… Métro… jusqu’à Zeytinburnu, puis tramway, jusqu’à Sultanahmet, soit une vingtaine de stations. Nous avons déjà traversé une grande partie d’Istanbul dans notre petite bulle…
Ma première impression ? Cette ville est hallucinante ! On traverse de grandes rues pleines de voitures, comme Paris ou Lille, mais des porteurs (d’eau, de denrées, de colis…) se faufilent à pieds, parfois en tirant une petite charrette, parmi les automobiles arrêtées dans les embouteillages. Parfois, nous voyons des rues entières de boutiques luxueuses, d’autres fois des rues, pas moins grandes, juste éclairées par les lumières des quelques petites échoppes encore ouvertes… Des quartiers luxueux, puis des terrains vagues, puis des chantiers entourés d’une surveillance militaire impressionante…
L’immersion totale a commencé : les transports en commun, les panneaux, etc., tout est en langue turque. Pas un mot d’anglais n’apparait, hormis sur quelques publicités…
Après ce périple, nous voici arrivés à Sultanahmet, le coeur historique de la ville. Tout est magnifique ! Au premier coup d’oeil, on découvre une rue pavée, on se croirait presque à Montmartre… Puis on tourne la tête : un jardin public, et plus loin : Sainte Sophie et la Mosquée Bleue. Magnifiquement éclairées…
Nous arrivons enfin à notre auberge de jeunesse. Nous savions que nous allions devoir partager un dortoir de huit personnes. Premier souci : il n’y a plus aucun cadenas pour nos casiers, et la porte de notre dortoir a été fracassée. Il faudra donc se balader partout avec nos objets de valeur sur nous. Autre problème : un WC et une seule douche pour huit ! Qu’importe. Ces petits désagréments sont vite éclipsées par la découverte de la salle commune : TV, musique, narguilé… Et, surtout, des tonnes de poufs, de canapés, de tapis… Et le tout continue à l’étage : une terrasse ! Canapés, poufs, transat’… J’imagine que les soirées vont être très agréables…
21h30. Promenade dans le quartier de Sultanahmet. Nous voulons voir la mer. Cette ville ne cesse de me surprendre : les travaux d’une route viennent de commencer, les magasins sont toujours ouverts. Dans les ruelles, les maisons sont les seules sources de lumière, les portes et les fenêtres sont ouvertes, les gens passent leur tête par la fenêtre des voisins… Au bord de la mer Marmara, des hommes sont en train de pêcher.
A croire que cette ville ne dort jamais…
Mardi 23 octobre
Premier jour de visite !
Rendez-vous est donné à 10h sur la terrasse de l’auberge pour un premier bain de soleil et un petit-déjeuner (oeuf dur, olives noires, tomate, concombre, pain, beurre, confiture et thé turc). La vue de la terrasse est vraiment magnifique…
![]() J’avais bien dit"bain de soleil", non ? |
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Avant de partir, une précaution : la bouteille d’eau ! A Istanbul, l’eau n’est absolument pas potable. Il faut donc toujours en avoir une bouteille sur soi. Ce nouveau rapport à l’eau est assez déroutant : d’un seul coup, un élément banal de notre vie quotidienne (celui qui se trouve sur la liste de course du samedi matin, "sans plus") devient un objet de première nécessité, mais aussi un objet qui, à lui seul, peut faire tenir un commerce entier. Vous avez lu Dune ? Hum ? Alors ça devrait vous rappeler une certaine planète…
Nous commençons par une traversée du quartier d’Eminönü à pied. Nous partons de Sultanahmet, et nous descendons – à pic ! – jusqu’au premier lieu de la biennale, l’IMC. Nous passons par de toutes petites ruelles, avec beaucoup de maisons en ruine… Nous croisons beaucoup de marchands ambulants : petits pains, marrons chauds, pistaches grillées, épis de maïs, bulbes de fleurs exotiques, kleenex, bouteilles d’eau… Mais aussi possibilité de se peser, d’acheter des sucres, des alcootests, de faire cirer ses chaussures, d’acheter des semelles… Nous tombons même sur un magasin entier de papier : papier toilette, aluminium, kleenex…
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Après ce petit périple, nous voici arrivés à l’IMC : un centre commercial de six blocs, grands de cinq étages chacun, entièremment dédié au textile ! Il y a même un bloc rempli de machines à coudre !
Parmi ces petits commerces, certains locaux sont destinés à l’exposition d’oeuvres.
Gros coup de coeur pour Teddy Cruz et son travail sur Tijuana, ainsi que Julien Prévieux, qui décline les offres d’emploi en pointant les zones d’ombres des grandes sociétés.
L’idée de devoir se perdre dans l’IMC et de suivre le marquage au sol est assez intéressante. Malheureusement, le totu devenait tellement labyrinthique que nous avons loupé une trentaine d’artistes…
Après pas mal d’attente (ce n’est pas toujours facile de concilier les rythmes et les envies de chacun !), nous sommes partis découvrir Istanbul, comme des grands !
Direction le pont qui nous relie à la moderne Istanbul. Un pont rempli de pêcheurs (à 2h du matin, certains pêchent encore…).
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Le peu que l’on a vu de l’Istanbul moderne ne nous a pas offert beaucoup de surprises, à part un bazaar entier consacré… au bricolage ! Nous reviendrons plus tard dans cette partie de la ville. En attendant, nous redescendons pour rallier le tram… traversons un sous-terrain… "Oh, des magasins… d’ARMES" ! Les murs entiers du passage sont tapissés de revolvers et de fusils. Non, je n’ai pas osé sortir mon appareil photo, mais croyez-moi, on avait la chair de poule…
Après neuf heures de marche, nous revoilà à l’auberge pour une soirée barbecue, avec du VRAI kebab ! Des boulettes, du riz brun… Un vrai délices pour seulement 6YTL (à peu près 3€). Discussions jusque 3h du matin et gros coup de stress à cause d’un aubergiste un peu trop amical… Moossye joue les chaperons !
A 3h30 du matin, on jette un oeil sur Istambul depuis la terrasse. La ville est séparée en deux : d’un côté, le jour se lève doucement, de l’autre, il fait nuit noire…
Une ville toute en contrastes…
Mercredi 24 octobre
Aujourd’hui, c’est l’Antrepo n°3 que nous allons visiter. Il nous faut donc faire un petit voyage en train jusqu’à Tophane (prendre les transports en commun dans un pays étranger et n’entendre que la langue du pays : un bonheur !).
L’expo est vraiment intéressante, le travail de Rem Koolhaas (comme d’habitude) impressionant, et celui d’Hamra Abbas atypique !
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Après quatre heures de visite de la biennale, nous décidons de reprendre le tram… Quelle aventure ! Les voies sont au milieu de la route, cernées par celles réservées aux voitures, et closes par des murs de plexiglas. Pour arriver à la station, nous devons marcher un peu sur les rails… A gauche, les voitures passent très rapidement, à droite, les mur de plexiglas de la station de tram. En face, une voiture de police, tous girophares dehors, arrive très vite sur nous… Nous courrons, crions… Et finissons par passer par dessus une rembarde et prendre le premier tram à l’arrêt, nous rendant compte alors que nous fraudions malgré nous ! A la vue de la sécurité aux abords du tram (chiens, armes, détecteurs de métaux, etc.), nous n’étions pas très fiers de nous…
Après ce petit passage frauduleux, nous voilà en partance pour le spice bazaar ! C’est la première fois que l’on entend parler français depuis lundi ! A force de se perdre dans des ruelles et des quartiers où l’on ne parle que le turc, on en est presque dépaysés !
Ce bazaar est vraiment très agréable, on ne s’y perd pas, on y trouve des épices, du thé, des loukoums, mais aussi des souvenirs, des bijoux… Compte 5€ pour 1kg de loukoums et 3,50€ pour un assortiment d’épices ! Tu y trouves aussi des huiles de massage au jasmin, une pure merveille !
"Turkish Viagra, If you take, you can make love 5 in the night" (non testé)
1,5kg de loukoums et deux boîtes de thé plus tard – tu ne peux pas aller à Istanbul sans gouter l’Apple Tea ! – , nous repartons vers l’auberge. Une courte pause et nous voilà en chemin pour Sultanahmet…
Je n’ai jamais autant mangé de viande dans ma vie que pendant cette semaine ! Elle y est parfumée comme nulle part ailleurs. Les plats sont délicieux : des ailerons de poulets, du kebab, des boulettes avec du yaourt turc, de la salade, du blé, du riz brun… (Le retour au jambon/purée s’annonce difficile…)
Bon, petit bémol quand même, le serveur a passé la soirée à taxer les clopes de mes amies… Quelle joie d’être non fumeuse, ça en évite des conflits !
Demain, une dure journée nous attend… Nous n’avons que six jours (dont deux de voyage) pour faire une biennale et découvrir la ville. Ca promet quelques frustrations… Et aussi de merveilleux souvenirs !
Jeudi 25 octobre
C’est parti pour quatre expos !
Direction Istanbul Modern pour une collection d’Art Moderne ainsi qu’une sélection des oeuvres présentées lors des anciennes biennales… Observer les relations qu’il peut exister avec l’art occidental est assez marrant… Dans certains tableaux, on croirait reconnaître un Matisse, un Van Gogh ou encore un Paul Klee.
Après un petit repas dans une toute petite baraque, direction l’AKM pour la suite de la biennale. Je dois préciser qu’Istanbul est loin d’être une ville toute plate, bien au contraire… Beaucoup de rues sont tellement escarpées qu’elles donnent l’impression que la moindre chute entrainera un roulé-boulé qui t’enverra un kilomètre plus bas… Nous traversons de petites ruelles, simples, animés par les petits commerces de consommation courante (pas de souvenirs, quoi), et nous arrivons sur une place énorme, qui rendrait minuscule la plus grande place parisienne, avec un trafic et une foule impressionants. Ici, les vendeurs ambulants côtoient les énormes magasins et les grands hôtels. Je n’en crois pas mes yeux !
Et nous voici à l’AKM !
Visite de deux heures. Bon, ok j’avoue, je me suis endormie devant la vidéo de Komarov, mais :
1) les canapés étaient hyper confortables,
2) il faisait tout noir,
3) c’était la 5e fois que je voyais la vidéo (et c’était bien !).
Beaucoup de photos prises… L’architecture de l’endroit et ses lumières sont vraiment intéressantes. D’ailleurs, je te conseille d’aller faire un petit tour sur le site de la biennale pour te renseigner sur l’histoire, riche en rebondissements, de ce lieu.
En ce qui concerne la biennale, j’ai adoré les photos de bâtiments jamais achevés d’Aghasyan.
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Ensuite, nous prenons une navette pour Santralistanbul, ancienne centrale d’energie reconvertie en musée d’Art Contemporain. Enfin des artistes turcs ! Ce musée donne un aperçu de la création depuis 1920/30, mais surtout de cette dernière décennie. Il m’a énormément aidé à comprendre cette culture différente (et à la fois similaire) de la nôtre. Coup de coeur pour extrastruggle.com !
Les Commentaires
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Sinon sur l'affiche avec le drapeau de la turquie , cela n'a rien à voir avec tout ça il est écrit même quelquechose de très beau "Les jeunes! C"est nous qui avons crée la République mais c'est vous qui allez l'élever et la faire vivre." et celui dont les portraits sont affiché est juste M.K Atatürk celui grâce à qui la Turquie est laïque et non islamiste aujourd'hui et surtout le vainqueur de la guerre d'indépendance contre l'impérialisme, les Turcs l'aiment beacoup (même trop des fois mais c'est quelque part nécessaire ).
Ce sont des choses à préciser pour comprendre un peu mieux ce qui se tramait (en fait c est le même problème que l'ETA en Espagne sauf que ça dure depuis 20 ans et que ça a fait 45 000 morts )mais j'espère que ceux qui iront à Istanbul observerons aussi à quel point cette ville est cosmopolite .
On y trouve naturellement des turcs lol des grecs des arméniens des juifs (qui ont fui l'Inquisition et ont été acceuilli par les Ottomans) mais aussi après l'exode rural des kurdes et même des Africains des Chinois etc... et tout ça se réflète dans l'architecture les restaus qu'on trouve les lieux de culte la musique.C'est un pays hyper compliqué à comprendre mais je l'aime avec ses qualités et ses défauts et je conseillerais vraiment aux gens d'aller le découvrir de goûter à cette chaleur humaine .
Istanbul est vraiment magnifique j'y suis allé plusieurs fois mais en été rien ne vaut la côte égéenne.