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Les stagiaires de 2015, des « rois »… bien mal traités [MàJ]

Les stagiaires en 2015 sont, selon Madame Figaro, des rois qui ont l’audace de se prendre pour des « vrai•e•s » employé•e•s, issues d’une génération Y qui se croit tout permis. Petite remise au clair sur le stage et sa réalité.

Mise à jour du 3 avril 2015, quelques heures plus tard : Que de remous dans cette affaire ! Cité dans l’article de Marion Galy-Ramounot, Julien Pouget, spécialiste ès génération Y, a répondu au papier. Ses propos ayant été utilisés dans Le stagiaire roi : ce monstre de la génération Y, il a tenu à répondre à la journaliste en précisant que JAMAIS il n’a contribué à l’article ou même à son message.

Fervent défenseur de la génération Y et de ses stagiaires, il a répondu via son blog avec justesse et, contrairement à d’autres, intelligence :

« De notre échange d’environ 1 heure, la journaliste retient une expression : « libre et rafraîchissante », et une citation d’Oscar Wilde. Le tout noyé dans un délire qui présente le stagiaire comme un enfant gâté capricieux. »

Julien Pouget en a aussi profité pour signaler au monde que les stagiaires bossent apparemment plus que l’auteure de l’article, qui a tranquillement recyclé un article qu’elle avait publié en 2013 dans les mêmes colonnes du Madame Figaro : intitulé Petit traité du stagiaire et de son boss à l’usage des honnêtes gens, on y retrouvait la même dose de clichés et de … bêtises.

Mise à jour du 3 avril 2015 : Après un tel article et un tel (bad) buzz, la rédaction de Madame Figaro a décidé de réagir à la polémique autour de l’article de Marion Galy-Ramounot en invoquant … l’humour ! Eh oui, c’était un billet d’humeur destiné à faire rire (jaune).

La rédactrice en chef du magazine, Cécilia Gabizon, expliquait en effet hier à Metronews :

« L’idée nous est venue au moment d’une discussion sur comment les générations se comprennent entre elles. C’est là qu’on a eu l’idée de caricaturer ce personnage du « stagiaire roi ». Mais on parle bien « d’un » personnage en particulier ! Pas « des » stagiaires en général.

Ce papier est « un papier d’humeur » : ça peut paraître un peu passéiste, mais la journaliste qui a écrit ça a moins de trente ans. Et elle a joué sur une caricature de nous-mêmes, au Figaro ! Par exemple, Henri, qui est cité dans l’article, est un de nos stagiaires. Il s’est reconnu dans la description et en a plaisanté avec nous. »

La même excuse du  a été servie sur l’article même, en introduction. C’est marrant, ça me rappelle vraiment une polémique récente sur l’incompréhension intergénérationnelle, les clichés « passéistes » mis sur le dos de l’humour… ah oui tiens : Toute la vie des Enfoirés !

Article du 2 avril 2015 :

« Il souffle devant toute obligation fastidieuse, a vraisemblablement un Tumblr intitulé Mon boss est un boloss, est capable de vous envoyer des messages privés sur Facebook comme « Salut, j’ai la gueule de bois, je ne viendrai pas aujourd’hui ». Vous reconnaissez ce genre de petit nouveau qui vous fera bientôt passer pour un ringard : le stagiaire roi. »

Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Marion Galy-Ramounot dans les pages du site Madame Figaro, au sein d’un pamphlet à l’encontre des « stagiaires rois ». Intitulé Le stagiaire roi : ce monstre de la génération Y, cet article enchaîne les clichés sur la « génération Y » et les stagiaires qui en sont issu•e•s.

Ne laissons pas traîner le suspense plus longtemps : je suis stagiaire.

Je suis en année de césure entre mes deux ans de Master dans une école supérieure de commerce : pendant un an, je fais des stages pour mieux définir mon avenir professionnel ainsi que la poursuite de mes études. Je suis stagiaire, et je suis loin d’être un « monstre de la génération Y ».

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« Tu vois, Rodolphe : si tu me l’avais fait, ce café, je te l’aurais pas renversé dessus. »

J’aurais aimé partir du principe que cet article mixe une bonne dose de second degré à des poncifs éculés. Mais les « centaines de témoignages de (sur)vie avec un stagiaire malotru » récoltées par Madame Figaro, les citations d’études sur la génération Y « libre et rafraîchissante » m’empêchent de croire à ce doux conte. Je me demande plutôt… dans quelle décennie vit l’auteure ? Est-elle repartie chez Mad Men, bien enfoncée dans la rigidité des sociétés passées ?

Laissez-moi, Marion, rétablir la vérité sur le stagiaire en 2015.

À lire aussi : De l’art d’être stagiaire

Stagiaire : définition et limites

Tout d’abord, puisque Marion Galy-Ramounot semble confondre stagiaire de troisième, stagiaire en master et petit con aspirant employé• en CDI, il serait de bon ton de redéfinir la notion de stagiaire. D’après la définition du Service Public, un stage a une définition très précise, et par conséquent un•e stagiaire aussi.

« Un stage correspond à une mise en situation temporaire en milieu professionnel permettant à l’élève ou l’étudiant d’acquérir des compétences professionnelles en lien avec sa formation et de se voir confier des missions conformes au projet pédagogique de son établissement d’enseignement. »

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Max et Caroline, empêtrées dans un stage ingrat depuis 2011

Je résume :

un stage permet à un•e élève ou un•e étudiant•e d’apprendre une fonction professionnelle dans le cadre d’une entreprise, grâce à des missions qui lui sont confiées par un maître de stage. Le stage a une fonction pédagogique POUR l’élève. Pour l’entreprise, le stage permet de remplir des fonctions irrégulières ou une surcharge de travail : il ne peut donc PAS exister des « postes à stagiaire » où les stagiaires s’enchaînent tous les six mois.

Dans Madame Figaro, on lit :

« Il est loin le temps où Hugo faisait le tri dans votre courrier avant de sucrer précautionneusement votre café noisette. Une époque bienheureuse où tout stagiaire digne de ce nom faisait de la ponctualité une question de vie ou de mort et posait ses vacances au moment opportun pour les autres (c’est-à-dire la première semaine de décembre). »

Jamais dans la loi il n’est écrit que le stagiaire doit être aux petits soins de son employeur, faire des cafés, des photocopies, bien que ces fonctions fassent partie de l’imaginaire commun. Le stagiaire a bien raison de prendre son boulot et ses fonctions à cœur, de poser des questions à ses supérieur•e•s… pour la simple et bonne raison qu’un stage, c’est une occasion de se former à un poste avant de chercher un contrat longue durée, un moyen d’être fixé sur son futur boulot !

C’est souvent l’étape ultime avant une embauche sur le long terme, donc mieux vaut en faire bon usage.

Être stagiaire en 2015

Dans une typologie acerbe des stagiaires modernes, Madame Figaro critique notamment :

« Le carriériste pervers — Cale des déjeuners avec vos N+5 « pour en savoir plus sur le monde de l’entreprise ». Vous regarde d’un air entendu quand vous enguirlandez un autre stagiaire. Produit un bruit effarant en marchant dans les couloirs. S’assoit à votre place quand vous êtes en congé. Ne parle pas aux CDD. »

Oui, madame, le stagiaire 2015 a des ambitions. Oui, le stagiaire 2015 bosse comme un•e employé•e lambda. Oui, le stagiaire 2015 fait peut-être un peu de zèle à vos yeux embués par vos clichés. Parce que le stagiaire 2015 est conscient du monde dans lequel il vit : un boulot, c’est pas simple à trouver ! Quand on est quatre stagiaires en fin d’études pour un seul poste à la clé, on se bataille et on en vient à fayoter, mais la priorité, c’est de bien faire son boulot.

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Tu vois ce que j’en fais de ta photocopieuse ?

Oui, le stagiaire 2015 est content qu’une loi lui permette d’avoir une indemnité de stage fixée à un certain montant. Parce que quand on habite dans une grande ville, malgré « la grande expérience que vous en retirerez, ça n’a pas de prix », même 500€ ça ne suffit pas pour vivre, payer un loyer, se nourrir et autres fonctions annexes. Donc oui, le stagiaire 2015 tente de gratter un CDD ou mieux : c’est juste une question de survie, comme diraient les L5.

« Un temps qui vous paraît définitivement révolu à l’heure où certains stagiaires sont tellement pro qu’ils deviennent vite incontournables. »

Oui le stagiaire 2015 se permet de donner des idées, de demander à assister aux réunions (ce qui est, en fait, normal dans la mesure où tout ce qui est opérationnel, c’est lui qui s’en charge, non ?) et à obtenir de plus grandes responsabilités. Parce qu’il sait que c’est comme ça qu’il arrivera à gravir les échelons dans un monde professionnel où la compétition est omniprésente.

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Si même eux ont accès à la salle de réunion, pourquoi pas moi ?

Je vous passe les remarques, excuse my French, débiles sur la façon de s’habiller des stagiaires, qui définit bien évidemment leur façon d’agir et de penser (une nuque longue pour un ringard un peu zozo, des fringues chics sur le dos du fayot, une jupe trop courte sur les fesses d’une fayotte qui joue de ses charmes). Clémence Bodoc a déjà tout dit à ce sujet dans son article fort pertinent sur le code vestimentaire professionnel, entre mystère et sexisme.

Passons également rapidement au-dessus des clichés gros comme un centre commercial sur la génération Y, si bien résumés dans cette charmante citation :

« Mélangez le tout avec une pincée de « génération Y », ces enfants de la pub pour lesquels tout est sujet à caution, et vous obtenez, peu ou prou, votre stagiaire diva. […] Il est insolent, méprisant, familier, insubordonné, blasé. Pire, à l’heure du 3.0, il vous domine un peu, avouez-le. »

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En conclusion madame, et en mon humble, oh si humble condition de stagiaire, je vous conseille quelques lectures en cette grise journée d’avril.

Stagiairement vôtre,

Louise, qui n’est pas exactement une « reine ».


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Les Commentaires

70
Avatar de gblg
10 avril 2015 à 17h04
gblg
Pour les stagiaires, je vous assure le minimum c'est de recevoir une réponse même négative à sa demande de stage, n'est ce pas madmoizelle. Ce n'est ni capricieux, ni prétentieux... seulement respectueux. Comme ça on peut passer à autre chose ...
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