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Ecologie

Valérie Masson-Delmotte : « le changement climatique exacerbe les inégalités »

La climatologue Valérie Masson-Delmotte est l’une des coprésidentes du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Inégalités face aux risques, parité dans les comités de rédactions scientifiques, politiques publiques permettant des rééquilibrages… Pour Madmoizelle, elle revient sur quelques questions sur le genre et l’inclusivité en lien avec le changement climatique.

Interview de la climatologue Valérie Masson-Delmotte : « pour lutter contre le changement climatique, il faut se poser la question de la parité »

À lire aussi : CO2, genre et inclusivité : ce qu’il faut retenir du dernier rapport du GIEC

Madmoizelle. Quels sont les points que l’on peut mettre en avant dans cette synthèse, par rapport aux précédents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental pour l’évolution du climat (GIEC) ? 

Valérie Masson-Delmotte. Il y a trois volets importants : la gravité de la situation, l’urgence à agir, et une forme d’espoir concernant notre capacité à changer d’échelle dans la lutte contre le changement climatique. Les solutions pour chaque secteur qui émet des gaz à effet de serre sont là, elles peuvent être mises en œuvre rapidement. On observe aussi des signaux encourageants, comme la diminution des coûts des énergies renouvelables (solaires, éoliens), ainsi que des batteries. 

Ces solutions viennent avec des bénéfices annexes importants : une meilleure qualité de l’air et une évolution de nos régimes alimentaires ont aussi des impacts positifs en matière de santé publique, notamment. Cela concerne particulièrement les femmes. Par exemple, dans beaucoup de pays du monde, on cuisine avec des combustibles polluants. Se tourner vers des alternatives permet d’améliorer immédiatement la qualité de l’air, avec des bénéfices pour les personnes exposées.

Un autre exemple de ces « co-bénéfices » auquel on peut être sensible actuellement concerne l’agriculture. Une des alternatives à développer, l’agroforesterie (NDLR : l’association d’arbres et de cultures ou d’animaux sur une même parcelle) permet aussi une meilleure préservation de nos ressources en eau. 

À lire aussi : Et si le changement climatique était synonyme d’abondance ?

L’engagement des jeunes dans la lutte contre le changement climatique est de plus en plus visibles, avec les grèves pour le climat. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Le soulèvement des jeunes pour le climat est un mouvement inédit, sur lequel le groupe III du GIEC s’est penché [celui qui concerne les réponses au changement climatique, ndlr]. Les jeunes générations seront exposées à beaucoup plus d’événements climatiques extrêmes que la génération de leurs parents et de leurs grand-parents. 

Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables face aux vagues de chaleur. Et l’écoanxiété des jeunes est plus importante du fait de l’empathie ressentie avec les personnes en souffrance, au-delà de leur expérience directe.

Une évaluation rigoureuse et complète des connaissances scientifiques n’est pas compatible avec des boys club de scientifiques, qui viennent tous de la même région et se connaissent tous.

Valérie Masson-Delmotte

Pourquoi est-ce que le changement climatique touche davantage les femmes, les personnes précaires et racisées ? Est-ce qu’il y a des exemples qui en témoignent ?

Le changement climatique exacerbe les inégalités. Par exemple, moins un logement coûte cher, plus il a de chances d’être situé dans un quartier pollué et/ou d’être une passoire thermique – qui en plus, risque de surchauffer, l’été venu.  

De même, les personnes qui exercent des métiers physiques, en extérieur ou en cuisine, par exemple, sont particulièrement exposées à la chaleur et aux gaz à effet de serre

Dans les régions les plus fragiles, au-delà de certains seuils de température, on ne peut plus travailler, ce qui a des conséquences sur les récoltes. Cela a été observé en Inde et au Pakistan. Or, quand le rendement agricole est affecté, le prix des denrées alimentaires augmentent, et les femmes et les enfants sont particulièrement touchés par les phénomènes de malnutrition…

Ceux qui habitent dans des formes d’habitats informels comme des bidonvilles sont plus vulnérables face aux vagues de chaleur et d’inondation. De manière générale, toutes les formes de marginalisation sont pénalisées : par exemple, en cas d’incendies ou d’inondations, pour trouver refuge quelque part, il vaut mieux avoir un entourage susceptible de vous héberger…

En 2022, une étude* pointait la sous-représentation des femmes dans les sciences du climat et au sein même du GIEC, malgré de récentes améliorations. Le média britannique « Carbon brief » indique qu’il y a 247 femmes impliquées dans la rédaction du sixième rapport, contre 493 hommes, et que les auteurs issus de pays du Sud restent minoritaires…  

On a besoin de toute notre intelligence collective. Une évaluation rigoureuse et complète des connaissances scientifiques n’est pas compatible avec des boys club de scientifiques, qui viennent tous de la même région et se connaissent tous. Des groupes scientifiques plus diversifiés (âge, genre, origine…) permettent des évaluations plus rigoureuses. C’est aussi le seul moyen de s’assurer que les messages parleront à tout le monde, dans tous les pays du monde.

Personnellement, j’ai ressenti une vraie sororité au sein du GIEC, avec des femmes brillantes venues du monde entier, qui se soutiennent les unes les autres. 

La parité permet aussi de meilleures politiques climatiques…

Pour lutter contre le changement climatique, il faut se poser la question de la parité à tous les niveaux. Par exemple : est-ce que le plan d’adaptation de la France est sensible au genre ? Actuellement, ce n’est pas le cas. Or, les familles monoparentales sont souvent composées de mères célibataires et elles ont besoin d’être accompagnées et d’avoir accès à des transports décarbonés. 

Une idée intéressante est celle de l’« allocation climat ». Cela permettrait un meilleur rééquilibrage que les aides qui existent actuellement, en prenant en compte notre empreinte carbone et notre vulnérabilité : une étude réalisée en Suède montre que l’empreinte carbone des femmes est plus faible que celle des hommes. 

Et une autre étude montre que les pays où les femmes sont davantage intégrées dans les systèmes de gouvernance ont une empreinte carbone plus faible que les autres ! 

*Survey of the gender bias in the IPCC


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