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Cinéma

Sur YouTube, en podcasts, à l’écrit, les meufs cinéphiles viennent renouveler le game

Sur YouTube, dans les pages de magazines spécialisés, sur des blogs ou dans des épisodes de podcast, les femmes trouvent leur place dans un milieu cinéphile encore très masculin.

Le 2 août 2021

Si vous allez vous balader dans la librairie de la Cinémathèque à Paris, quelque part entre la publication dédiée au cinéma de patrimoine Revus & Corrigés et La Septième obsession, vous trouverez une toute nouvelle venue : Sorociné, « la revue de cinéma féministe » dont le premier numéro est consacré aux pionnières, avec son sommaire qui explore et brise l’invisibilisation des femmes dans le 7ème art.

Et si vous avez envie de prolonger l’expérience, il vous suffira d’un petit tour sur YouTube pour tout apprendre de Méliès avec Mélanie Toubeau alias la Manie du Cinéma, pour comprendre les rouages du montage sur pellicule avec Clararunaway ou de vous connecter sur votre plateforme de podcast préférées pour débriefer Twilight avec Anaïs Bordages et Marie Telling dans Amies.

Newsletters, revue en ligne, podcasts, chaînes YouTube ou Twitch, comptes Instagram… Ces dernières années, les femmes font entendre leurs voix dans un domaine encore majoritairement masculin.

Le vent du changement souffle sur le milieu des cinéphiles

Là où des youtubeurs comme Math, le Fossoyeur de films ou Durendal comptent respectivement 1,62 million, 796.000 et 300.000 abonnés et abonnées, leurs homologues féminins tournent autour de 136.000 (Clararunaway), 28.700 (La Manie du Cinéma) ou 28.500 (Les Chroniques de Vesper) followers sur leurs chaînes. Avec pourtant des contenus sourcés, travaillés et documentés.

Mais le vent tourne et ces dernières années, de nouvelles cinéphiles émergent avec une envie de décloisonner, de dynamiter les codes parfois rigides de la critique cinéma… Et de prendre la parole.

Laissons les femmes parler de Fincher (et puis parlons d’autre chose que de Fincher, aussi)

Quand Pauline Mallet a décidé de lancer le podcast Sorociné en 2017, l’idée germait depuis quelques mois dans sa tête. Elle se souvient pour Madmoizelle :

« Je faisais un stage dans une rédaction. Je m’étais rendue compte que quand une femme parlait de cinéma sa parole était souvent secondaire, notamment quand il s’agissait de parler de réalisateurs comme David Fincher, Steven Spielberg, Martin Scorsese… »

Au terme de son stage, l’affaire Weinstein éclate. Elle achète un micro, se réunit avec deux amies et lance son podcast en mars 2018. Deux ans plus tard, elle met des mots sur une envie : lancer une revue papier qui mettrait en avant des parcours de femmesréalisatrices mais aussi monteuses, compositrices, critiques, cheffes opératrices, directrices de la photo…

Après un financement participatif couronné de succès, la revue Sorociné est née.

« Il y a un manque évident quand on regarde les rayons cinéma dans les librairies. Les sujets me semblent assez peu diversifiés. Oui, j’adore Fincher et Scorsese, mais je crois qu’il y a d’autres sujets intéressants à aborder et d’autres personnes à faire intervenir. »

Quand Océane Zerbini lance son podcast, le Lemon Adaptation Club, dans lequel elle invite des fans et journalistes à comparer des livres avec leur adaptation cinématographique, elle fait le même constat.

« Je m’impose une parité à chaque épisode. Quand je fais des épisodes sur David Fincher ou Alan Moore par exemple, c’est une manière pour moi de donner la parole aux femmes sur des sujets sur lesquels elles seraient moins susceptibles d’être interrogées alors qu’elles s’y connaissent tout aussi bien que leurs homologues masculins. »

Poser sur le cinéma un œil pas seulement féminin, mais aussi féministe

Pour Fairouz M’Silti, qui a fondé en 2018 la revue de cinéma en ligne Les Écrans terribles, lancer son média était une manière de s’octroyer un espace de liberté. « La revue est née de réflexions sur une cinéphilie qui serait vraiment libre des chapelles, des hiérarchies, des cloisons », explique-t-elle. Mais aussi d’ouvrir ses pages à des sujets sur le féminisme ou l’anti-racisme.

« Je pense qu’on fait des films et qu’on les pense dans un contexte, que les deux sont indissociables. Pour moi, il est important d’y réfléchir. »

La réalisatrice et critique de cinéma Anna Marmiesse a fondé avec Fanny Beuré le podcast All That Jazz, qui se concentre sur la comédie musicale. Elles replacent aussi systématiquement les œuvres qu’elles analysent dans leurs contextes. La première souligne :

« Fanny, en tant qu’universitaire, s’y connaît à la fois sur les questions de production, sur l’analyse esthétique poussée des numéros et sur les questions des cultural et des gender studies.

On a tendance en France à opposer les deux : les personnes qui sont du côté de l’analyse esthétique ont un certain snobisme vis-à-vis des gens qui se posent des questions sur les conditions de production et sur les questions de représentations liées au racisme ou au sexisme. »

Réfléchir à la portée politique, au contexte de production des films, c’est le travail des chaînes Cinéma et Politique ou de Vidéodrome, tenue par Sam Cockeye. Elle mêle sciences sociales et cinéma pour parler lutte des classes, prostitution, féminisme ou maternité dans des vidéos ultra-documentées. Elle explique à Madmoizelle :

« La plupart des gens regardent des films et c’est donc une très bonne porte d’entrée pour parler de certains sujets. L’analyse technique est passionnante mais l’analyse des personnages me permet de montrer pourquoi les mères, dans les films d’horreur, vont toujours avoir les mêmes caractéristiques, ce que ça dit de notre société… Le regard du réalisateur, souvent un homme issu de la bourgeoisie, en dit long. »

La sororité contre le paternalisme

Judith, elle, tient la chaîne YouTube Demoiselles d’Horreur. Elle s’est lancée dans la vidéo après son école de cinéma pour traiter un sujet encore très absent des médias mainstream : la place des femmes dans le cinéma de genre. Elle analyse :

« L’horreur est le premier des terrains cinématographiques sur lequel les femmes livrent la bataille de la reconquête de leur place à l’écran. Le genre de l’horreur permet la subversion des codes, autorise à montrer des femmes effrayantes ou laides, explore les violences qu’elles subissent dans la vie pour en faire la menace du film…

Ces aspects font que c’est le genre qui va être le plus propice à dynamiter les stéréotypes et à proposer de nouvelles représentations. »

Judith n’est pas la seule à s’intéresser au sujet : la chaîne Welcome to Primetime BITCH !, les blogs Bon chic Bon genre et Léo Iurillo, le podcast La Bobine hurlante (dont l’équipe se compose de deux femmes et un homme) se penchent aussi sur le cinéma de genre. Ensemble, ces créatrices se sont rassemblées pour se soutenir face au mépris du genre et aux « stéréotypes selon lesquels les femmes n’aiment pas les films d’horreur » en organisant des live sur YouTube.

Depuis peu, elles s’assument « de plus en plus comme un collectif » : la S’horrorité.

Sam Cockeye se réjouit de voir de plus en plus de femmes débarquer sur YouTube : « On se soutient mutuellement, on s’apporte de la visibilité, car on est obligées de redoubler d’efforts pour réussir à être reconnues et à avoir de la légitimité. » Océane Zerbini souligne que le « paternalisme » persiste mais que les nouvelles voix émergent malgré tout. Pauline Mallet conclut :

« Faire ce travail collectif de mémoire et de transmission est très enthousiasmant. Si une ado tombe sur notre revue, on espère que ça l’inspirera. »

Une relève à surveiller de près.


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

2
Avatar de Leona B.
4 août 2021 à 10h08
Leona B.
Merci pour cet article et ces liens, je vais aller voir prochainement
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Voir les 2 commentaires

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