Le nom de Rupi Kaur vous dit sûrement quelque chose. Autrice de Lait et Miel, recueil de poèmes placé pendant 77 semaines dans le classement du New-York Times des meilleures ventes, de Soleil et ses fleurs ainsi que de Home Body, elle s’est fait connaître sur son compte Instagram, qui compte aujourd’hui 4,5 millions de followers. D’abord auto-édité, son premier recueil a ensuite été republié par un éditeur.
Pour cette autrice, l’écriture est d’abord un moyen de soigner ses blessures. Sa dernière publication est d’ailleurs un cahier d’exercices poétiques, nommé écrire pour guérir, dans lequel elle invite ses lectrices à retrouver leur créativité, tout en apaisant leurs maux.
Ses poèmes, d’une forme très courte, et souvent illustrés, interrogent des thèmes tels que l’amour, l’expérience immigrée, les traumatismes et la féminité. Son œuvre s’inscrit alors dans son expérience du corps féminin, dans laquelle elle s’exprime librement sur les menstruations, la sexualité féminine, ou encore l’égalité des genres pour encourager les femmes à s’autonomiser et à s’accepter.
L’écriture de poèmes sur Instagram comme moyen d’expression féministe
Plus largement, sur Instagram, de nombreux « instapoets » explorent des thèmes proches de ceux de Rupi Kaur. Leurs poèmes mélangent formules percutantes, thématiques intimes, et s’accompagnent parfois d’illustrations. Particulièrement, plusieurs autrices publient des poèmes féministes. Il serait impossible de toutes les citer, mais de Lang Leav à Yrsa Daley Ward, ces poétesses partagent des écrits promouvant l’égalité des genres.
Les autrices francophones sont aussi nombreuses à utiliser Instagram. « En vérité, sans Instagram, je ne suis pas certaine que j’aurais osé ni même eu l’idée de publier mon premier recueil de poésie seule. Et il est évident que je n’aurais certainement jamais pu être repérée ni démarchée par différents éditeurs par la suite non plus » explique Pauline Bilisari.
Sur son compte Instagram, qui compte plus de 37K de followers, elle met en avant ses poèmes. D’abord auto-publiée pour son recueil de poésie Ça ira, elle a ensuite été repérée et publiée par un éditeur pour Et demain le soleil reviendra. Son engagement féministe s’inscrit alors dans ses poèmes, qui lui permettent de s’exprimer librement :
« la poésie, c’est le cœur qui hurle, c’est tout ce qu’on retient depuis des années qui s’échoue enfin à travers les mots qu’on y livre (…) On écrit et on y crie notre légitimité, nos douleurs passées, présentes encore, et nos espoirs pour l’avenir. On libère la parole, on parle pour celles et ceux qui n’ont pas pu parler, pour les enfants qu’on était, pour les personnes que nous sommes devenues, et pour tous ceux qui viendront encore (…) L’écriture, la poésie, Instagram, me permettent de prendre la parole et partager mes idées et mes valeurs sans avoir à ouvrir la bouche et à faire face à ce monde qui me terrifie parfois. »
Pour ces jeunes autrices féministes, Instagram représente donc un espace d’expression poétique qui donne aux femmes la possibilité de porter leurs voix à grande échelle, et d’énoncer des thématiques plus intimes pour encourager la libération de la parole féminine.
Une poésie qui touche une plus large communauté
À travers le hashtag #instapoet, le réseau Instagram permet de centraliser les vers de ces auteurices et de démocratiser la poésie, notamment chez les plus jeunes. Pauline Bilisari explique en ce sens que « les gens s’ouvrent à la poésie » et que « Instagram a permis à toute une génération de personnes de se rendre en librairie dans le but d’acheter un livre vu en ligne ou d’un auteur qui les avait touchés ».
Si ces nouvelles formes poétiques sont parfois critiquées, elles ont aussi permis de populariser un genre littéraire perçu comme élitiste. De quoi réjouir les lecteurices de ce nouvel élan poétique engagé qui ouvre des perspectives inédites.
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