Si vous êtes un utilisateur de Wikipédia version anglaise, vous aurez peut-être eu la surprise aujourd’hui de tomber nez à nez avec ceci :
« Le Congrès américain envisage une législation qui pourrait fatalement remettre en cause l’Internet libre et ouvert. Pendant 24 heures, à des fins de sensibilisation, nous fermons Wikipedia. »
La page Wikipédia habituelle apparaît très brièvement, avant de laisser place à l’écran noir.
Que se passe t-il ?
L’encyclopédie en ligne (qui fêtait ses 11 ans il y a 3 jours) souhaite montrer son mécontentement via cette grève de l’accès à ses pages anglaises (les autres versions internationales ne sont pas impactées). Comme le relève The Inquirer, avec ses 25 millions de visite par jour, Wikipedia est un des sites les plus fréquentés du web. Une telle action a donc de grandes chances de sensibiliser les internautes, voire de les inciter à activement militer contre les projets de lois SOPA (Stop Online Piracy Act) et PIPA (Protect IP Act).
Il y a 2 jours, Jimmy Wales (fondateur de Wikipedia) annonçait sur son Twitter…
« Attention les étudiants ! Faites vite vos devoirs. Wikipedia sera down mercredi en signe de contestation ! #sopa »avant d’exhorter hier à une prise de conscience générale :
« À tous les citoyens américains : #WikipediaBlackout n’aura aucune portée, sauf si vous décidez de vous plaindre auprès de vos sénateurs. Faites-le maintenant ! Et donnez le numéro à vos amis aussi ! »Que supposent les lois SOPA (Stop Online Piracy Act) et PIPA (Protect IP Act) ?
Les lois Sopa et Pipa souhaitent autoriser le blocage des noms de domaine des sites accusés de piratage, notamment issus de l’étranger (extérieur des frontières états-uniennes).
Ces lois sont-elles déjà passées ?
– Pour l’instant, SOPA est au point mort, mais l’instigateur du projet a annoncé en début de semaine qu’une version révisée du texte serait soumise à la Chambre des représentants courant février.
– Quant à lui, PIPA va être de nouveau soumis à un vote au Sénat le 24 janvier prochain.
Quel problème déontologique poserait une telle législation ?
Ces lois présentent un écueil : elles menacent l’Internet libre et ouvert.
À terme, elles risquent même de générer une forme de censure. En effet, avec une telle législation, que serait devenu Wikileaks ? Sans même attendre la décision de justice, le site aurait eu à subir des coupures imposées par ses hébergeurs américains…
En décembre, quelques pionniers de l’Internet (parmi lesquels les fondateurs d’eBay, Google, Twitter, Yahoo! et Wikipedia) ont manifesté leur opposition dans une lettre ouverte. Selon eux, les propositions à l’étude « donneraient au gouvernement américain le pouvoir de censurer l’internet en utilisant des procédures similaires à celles employées par la Chine, la Malaisie ou l’Iran ».
À part Wikipedia, qui proteste ?
– Même la Maison-Blanche a estimé que « l’imposante tâche visant à protéger la propriété intellectuelle ne doit pas menacer l’Internet ouvert et innovant »
– Pas de Doodle pour Google aujourd’hui. Le moteur de recherche a choisi de barrer d’un rectangle noir son logo en page d’accueil :
En dessous de sa barre de recherche, Google invite ses visiteurs à « dire au congrès : ne censurez pas le web ».
– Le site SopaBlackOut.org (ci-dessous la home-page) propose même, une fois qu’on a cliqué n’importe où sur la page, des codes html permettant aux webmasters de « black outer » leurs sites en soutien à la cause.
La liste constituée par sopastrike.com répertorie déjà plus d’une centaine de sites participants à l’opération coup de poing, parmi lesquels des sites phares tels que Craigslist, Mozilla, Boing Boing, le réseau I Can Has Cheezburger ou Minecraft.net. Selon les soutiens, il est estimé à 7 000 le nombre de sites et blogs qui devraient rejoindre le mouvement au cours de la journée.Autre son de cloche : Rupert Murdoch, l’homme d’affaire et actionnaire majoritaire de News Corporation, a dénoncé aujourd’hui sur son Twitter la prise en otage des sénateurs par la blogosphère.
« On dirait bien que la blogosphère a réussi à terroriser beaucoup de sénateurs et les élus du Congrès qui s’étaient déjà engagés. Pareil pour les hommes politiques. »
Ça s’appelle le contre-pouvoir, Monsieur Murdoch, et heureusement qu’Internet, c’est aussi ça.
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Les Commentaires
Le problème c'est la définition de ce qui est illégal. Potentiellement si l'ayant droit considère qu'un site parlant d'une oeuvre sur lequel elle a des droits est contrevenant au regard de la législation américaine elle le fait supprimer d'office sans enquête même si il est légal dans le pays d'origine de l'auteur du site en question. C'est un mépris des règles internationales et c'est de la chasse aux sorcières.