Songe à la douceur est un roman de Clémentine Beauvais, paru aux éditions Sarbacane. Il est aussi et surtout un roman comme on en voit peu dans le paysage littéraire actuel.
Tatiana et Eugène se sont connus alors qu’elle avait 14 ans et lui 17 ans. La vie — une lettre, un accident — les a fait prendre des chemins différents.
Ce jour-là, lorsqu’Eugène retrouve par hasard Tatiana dans le métro parisien, cela ne le laisse pas indifférent. C’est d’ailleurs un euphémisme : il la veut. Lui qui, adolescent, était sûr de lui, un brin goujat, et qui n’était pas forcément très intéressé par la jeune et réservée Tatiana, laquelle, de son côté, expérimentait les émotions incontrôlable d’une passion amoureuse envers le jeune homme.
Le roman de Clémentine Beauvais est inspiré d’Eugène Onéguine de Pouchkine, et de l’opéra éponyme de Tchaikovsky. C’est donc un bagage littéraire prestigieux qui précède l’ouvrage de la jeune auteure. Néanmoins, il n’y a nul besoin de connaître les deux autres oeuvres pour le comprendre !
Songe à la douceur alterne entre le présent parisien, et les moments rétrospectifs de l’adolescence des deux protagonistes. Chaque chapitre fait un peu avancer le puzzle de leur histoire en même temps qu’il lui rajoute de nouvelles pièces, pour mener, doucement à la compréhension.
Après m’avoir fait franchement hurler de rire avec son précédent roman, Les Petites Reines, Clémentine Beauvais s’attaque cette fois-ci au genre de la romance, qui n’a pas forcément bonne presse et qui souffre directement du snobisme littéraire.
Pour que la barre soit encore un peu plus haute, l’auteure a l’audace de proposer une écriture… en vers libres !
Et nous, lecteurs et lectrices, en sommes-nous décontenancé•e•s ? Un petit peu, au début, il faut l’admettre. Mais il suffit de quelques pages pour se mettre dans le bain et s’habiter à une manière de lire originale et peu commune (encore plus dans des romans jeunes adultes).
Songe à la douceur prend l’allure d’une expérience de lecture étonnante, lorsque l’on est pas nécessairement habitué•e à la poésie. Cette forme n’est pas superficielle et n’est pas non plus un prétexte : elle permet au contraire d’être au plus près de l’écriture des sentiments et des émotions passionnelles de ces jeunes gens qui vivent une histoire d’amour à la fois unique, mais qui saura résonner dans le coeur de beaucoup d’entre nous.
La forme en vers libres est propice à l’identification et à l’introspection, dans une sorte de plongée intense dans les pensées des protagonistes. Elle n’est pas élitiste comme on pourrait être amené•e à le croire, puisqu’elle se révèle parfaitement accessible. On se laisse volontiers happer par l’histoire, et par la musicalité du texte.
La forme a donc du sens, et le travail éditorial mené sur le projet est absolument monstrueux. Chaque retour à la ligne a un intérêt. Chaque espace, chaque alinéa, chaque mot est là pour une raison. L’ensemble participe à expérimenter encore un peu plus les émois, la passion, les émotions, qui sont aussi celles de la détresse et la douleur.
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Pour parfaire un peu plus cette lecture qui mêle déjà intelligence de la forme et profondeur du fond, Clémentine Beauvais parvient aussi à glisser des traits d’humour, piquants, inattendus. Et cela fonctionne à chaque fois, et participe à rendre l’ensemble toujours plus agréable à lire !
Songe à la douceur réussit l’exploit d’avoir recours à une forme rare, offrant une narration fine qui montre un attachement au récit des émotions, et d’être un roman profondément contemporain, qui parlera intimement à ses lecteurs et lectrices.
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