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Culture

Rencontre avec Park Ji-min, l’actrice féministe de Retour à Séoul, chef d’œuvre sur l’adoption

Vous avez une envie de cinéma mais ne savez pas quoi choisir parmi les sorties en salles ? Dans Premier Rang, Maya Boukella, journaliste pop culture chez Madmoizelle, vous recommande un film à l’affiche. Cette semaine, on a découvert Park Ji-min, révélation du passionnant Retour à Séoul, un film sur la double culture et l’adoption.

Au cinéma, entendre parler d’adoption est rare. Découvrir un excellent film français qui le fasse, bien, et qui soit porté par une brillante actrice non professionnelle l’est encore davantage.

Réalisé par le cinéaste franco-cambodgien Davy Chou et visible en salles dès ce mercredi 25 janvier, Retour à Séoul met en vedette Park Ji-min, une jeune artiste plasticienne qui signe ici sa première expérience en tant qu’actrice. Elle apparaît comme une véritable révélation, dans un film d’une intelligence, d’une complexité et d’une beauté remarquables qui évite soigneusement tous les clichés sur les femmes asiatiques, les personnes adoptées, et la Corée.

Qui de mieux que Park Ji-min elle-même pour nous en parler ?

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© Madmoizelle

Retour à Séoul, de quoi ça parle ?

Sur un coup de tête, Freddie, 25 ans, retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née. La jeune femme se lance avec fougue à la recherche de ses origines dans ce pays qui lui est étranger, faisant basculer sa vie dans des directions nouvelles et inattendues.

Madmoizelle. Vous expliquez que vous ne vous considérez pas comme une actrice professionnelle mais comme une artiste plasticienne. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a menée à ce film ?

Park Ji-min. Je suis née en Corée et je suis arrivée en France à l’âge de 9 ans, où j’ai fait une école d’art. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai commencé ma carrière de jeune artiste, en faisant des expos, des résidences étudiantes. J’ai rencontré le réalisateur Davy Chou par un ami commun, dont je suis très proche. Ils se sont rencontrés au Festival de films de Locarno en 2019, et Davy lui a parlé de son projet. Cet ami est d’origine coréenne, adopté par une famille française, donc c’est une histoire qui le touche.

Je suis très heureuse en tant qu’artiste plasticienne, si bien qu’au début, je n’avais pas spécialement envie de jouer dans le film. Jouer dans un film n’a jamais été un rêve ni même une envie pour moi.

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© les films du losange

Avez-vous eu un déclic qui vous a donné envie de jouer dans le film ?

Je n’ai pas eu de déclic. Ç’a plutôt été un processus. Même après avoir accepté le rôle, j’ai mis énormément de temps aussi à me dire que j’allais vraiment m’impliquer à 100 %. C’est quand Davy a accepté que l’on travaille ensemble sur le scénario du film que je me suis dit, « OK, je vais m’impliquer à fond ». Je ne dis pas que j’ai réécrit le scénario, mais il y a pas mal de choses qu’on a créées ensemble pendant plus d’un an.

Les points que vous avez travaillés ensemble étaient-ils liés au féminisme ?

Oui, pour moi, il y avait plein de choses problématiques dans son script sur le sexisme, la misogynie, ainsi que des choses liées à la culture coréenne. Aujourd’hui, en regardant le film objectivement, je trouve qu’il ne renvoie pas une image cliché de la culture coréenne. C’est parce que Davy a beaucoup discuté avec moi, mais aussi d’autres acteurs et actrices coréens et coréennes. Je ne dis pas que c’est un film qui va changer le monde ou que c’est le film le plus génial de toute l’histoire du cinéma. Mais en tout cas, je suis fière du travail de déconstruction qu’on a fait ensemble.

C’est exactement ce que j’ai dit à Davy : tu es un homme, tu écris un personnage principal de femme, c’est déjà biaisé.

Vous vous genrez au féminin, donc vous êtes arrivée sur un projet de film où un homme a écrit un rôle de femme, qui dirige une femme…

C’est exactement ce que j’ai dit à Davy : tu es un homme, tu écris un personnage principal de femme, c’est déjà biaisé. C’est pourquoi je lui ai demandé d’écouter et de comprendre ce que je lui disais, quand je lui parlais de la violence dont on est victimes, au quotidien, même si, en tant qu’homme, il ne pourra jamais le comprendre.

C’est vraiment pour cela que je me suis battue, même si ça a pu être douloureux, notamment pour l’égo. Mais évidemment, ça ne concerne pas Davy personnellement : c’est systémique. C’est difficile d’apprendre que ce que l’on considère comme acquis est en réalité questionnable, et même, que notre monde peut faire du mal à d’autres. Je suis heureuse qu’après des jours de discussion, il ait accepté de m’écouter, de reculer pour me faire une place.

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© les films du losange

Freddie m’a beaucoup interpellée par la fluidité de ses relations. Elle n’est attachée à aucun homme. Est-ce un point que vous avez apporté, ou qui était déjà inhérent au personnage ?

Je pense que c’était inhérent au personnage. Mais le hasard fait que je suis moi-même fluide dans la vraie vie. Ça été une très bonne porte d’entrée dans le personnage : même si je joue un rôle fictionnel et déjà écrit, il y a une grande concordance entre Freddie et moi.

Pour moi, la fluidité est très importante, y compris dans mon travail. Le monde n’a rien de binaire ! Je m’intéresse à ces zones de paradoxe qui se créent quand deux ou plusieurs choses qui semblent être totalement opposées se rencontrent. C’est l’essence même de mon travail et des questionnements qui m’intéressent.

Et je ne suis pas la seule ! Tout le monde est tiraillé par tellement de contradictions et de paradoxes. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles Retour à Séoul me touche énormément : il peut parler à toutes ces personnes, qu’elles soient adoptées ou non. Elles peuvent vivre ces paradoxes dans leur vie quotidienne et se retrouver un peu dans le personnage de Freddie. Je trouve ça très beau.

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© es films du losange

À lire aussi : Chef-d’oeuvre féministe sur la transidentité, Joyland est le meilleur film à voir cette semaine

Crédit de l’image à la Une : © les films du losange


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