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Culture

Animalia de Sofia Alaoui : « J’ai des choses à dire et je veux être écoutée, pas juste parce que je suis une femme arabe »

Vous avez une envie de cinéma, mais ne savez pas quoi choisir parmi les sorties en salle ? Dans Premier Rang, Maya Boukella, journaliste pop culture chez Madmoizelle, vous recommande un film à l’affiche. Cette semaine, on a découvert le film de science-fiction d’une jeune cinéaste marocaine qui questionne sa société… et bien plus encore.

Qui a dit qu’il n’y avait rien au cinéma en plein moins d’août ? Ce mercredi 9 est sorti Animalia, le premier long-métrage de Sofia Alaoui, une jeune réalisatrice marocaine à suivre de près. Son premier film Qu’importe si les bêtes meurent avait déjà remporté le César du meilleur court-métrage en 2020. 

Animalia, de quoi ça parle ?

Animalia se déroule au Maroc où des événements surnaturels plongent le pays dans l’état d’urgence. Des phénomènes de plus en plus inquiétants suggèrent qu’une présence mystérieuse approche…

Le rapport des Hommes à la Nature et aux autres est bouleversé. Riches et pauvres, hommes et femmes se retrouvent logés à la même enseigne et ne peuvent pas grand chose face à l’univers qui gronde.

Seule, Itto, une jeune femme d’origine modeste tente de rejoindre sa belle-famille bourgeoise en traversant le Maroc. L’obligeant à ouvrir les yeux sur le monde qui l’entoure, son voyage se doublera d’une introspection où l’univers et la foi finiront par se rejoindre, ne formant qu’un

« Une nouvelle génération de cinéastes arabes et maghrébins » qui s’éloigne du cinéma réaliste « dédié à l’Occident »

Dans les salles de cinéma françaises, il est encore rare de voir du cinéma de genre contemporain venu de pays arabes ou d’Afrique du Nord. Souvent, les films « du monde » sont calibrés pour traiter de thèmes sociaux, grâce au réalisme. Cette norme, Sofia Alaoui a voulu s’en distancier, comme d’autres jeunes cinéastes arabes et maghrébins :

Je suis partie avec l’envie de faire un film sur ma société, mais je ne voulais pas faire un film de réalisme social. Par exemple, je suis fan du cinéma asiatique parce qu’il utilise le surnaturel pour questionner la société.

Je pense qu’il y a une nouvelle génération de cinéastes arabes et maghrébins émergents qui n’a plus envie de faire de films sociaux réalistes, d’une part, parce qu’on l’impression que ces films sont dédiés à l’Occident et pas à nos pays. 

En tant que jeune réalisatrice marocaine, Sofia Alaoui ne voulait pas être enfermée dans la case « des films de femme arabe choc » : « Je ne suis pas une case de la diversité », affirme-t-elle : « j’ai des choses à dire, et j’ai envie d’être écoutée, pas juste parce que je suis une femme arabe. »

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Ne pas critiquer la religion mais le capitalisme et les dogmes

Selon Sofia Alaoui, au Maroc (comme ailleurs), la « pratique de la religion » n’est parfois qu’un déguisement de façade, cachant un culte de l’argent. Cette obsession pour le profit se traduit notamment dans une déconnexion totale au monde, à la Nature – autrement dit, à Dieu :

Je pense que quel que soit notre horizon, musulman ou non-musulman, il y a chez chacun de nous une manière d’être enfermé dans des certitudes. Le prisme à travers lequel je questionne la société est le Maroc et l’Islam car ce sont les codes que je connais. Mais je crois que nous sommes tous enfermés dans des façons de pensée rigides, qui nous donnent l’impression d’avoir la vérité absolue.

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Animalia met à mal le stéréotype islamophobe et raciste que l’on retrouve dans de nombreux films maghrébins ou arabes distribués en France, où les personnages musulmans sont présentés comme plus « émancipés » après avoir abandonné leur foi au profit d’une idéologie individualiste et capitaliste. À ce propos, la réalisatrice confie : « Je suis fatiguée de ce même cliché : les personnages musulmans sont présentés comme négatifs, et ne trouvent la liberté que lorsqu’ils adoptent un mode de pensée occidental, qui serait synonyme de modernité. Je ne pense pas que ce soit la modernité » et poursuit :

Pour moi, c’était très important de ne pas faire un film choc pour être choc. Le film questionne des choses, notamment religieuses, mais toujours avec bienveillance. Peut être que le public occidental appréciera moins mon film, mais je n’ai pas cherché à faire un film pour les festivals.

Grâce à sa bienveillance, sa maîtrise du scénario et de la mise en scène, la réalisatrice questionne la façon dont le capitalisme instrumentalise la foi pour la mettre au service de ses intérêts matériels. Voyage politique, intime et sensorielAnimalia raconte les retrouvailles avec une foi métaphysique et profonde, née de l’émerveillement face à la magie insondable et sublime de l’univers.


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

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