Lundi 4 mars 2024, le Parlement, réuni en congrès au château de Versailles, va se prononcer sur l’inscription dans la Constitution de la « liberté garantie » des femmes d’avoir recours à l’avortement. Un texte avalisé à l’identique par l’Assemblée puis le Sénat la semaine dernière.
Cette révision constitutionnelle implique l’insertion d’un nouvel alinéa à l’article 34 de la Constitution :
« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
Si certain·es saluent une victoire historique, d’autres se montrent plus mitigé·es, déplorant une formulation en demi-teinte qui écarte « le droit » au profit de « la liberté garantie » et ne protège finalement pas ce droit fondamental. Éclairage avec Me Élodie Tuaillon-Hibon, avocate au barreau de Paris.
Pourquoi l’emploi de « liberté garantie » est-il critiqué ?
Me Élodie Tuaillon-Hibon. Au-delà de la terminologie « droit » versus « liberté », c’est surtout l’alinéa prévoyant que la loi déterminera les conditions d’exercice de cette liberté qui pose problème. Cela veut dire qu’en fonction des circonstances et des majorités, on pourra avoir des lois qui, tout en prétendant respecter la liberté garantie aux femmes dans la Constitution, vont en réalité porter atteinte au droit en rendant l’accès à l’IVG plus compliqué. Cela peut concerner les financements alloués, les conditions d’accès en elles-mêmes, la restriction quant au nombre de semaines autorisées (14 semaines actuellement, ndlr).
Faut-il tout de même se réjouir de cette avancée ?
Oui, mais cela ouvre aussi une longue période de batailles pour que les lois qui sont prises en application soient interprétées le plus largement possible en faveur des femmes qui veulent avoir recours à l’IVG. Potentiellement, on va se retrouver avec des lois qui devront éventuellement être déférées au Conseil constitutionnel, lequel devra se prononcer pour savoir s’il y a des atteintes à la liberté d’avorter ou non, trancher si ces atteintes sont justifiées ou non…
Quelle est donc la portée de cette révision constitutionnelle ?
Symboliquement, cela dit quelque chose. Les débats de ces derniers mois ont permis de faire émerger que c’est un sujet qui tenait à cœur à la société française, et sur lequel on pouvait trouver une forme de consensus. Mais, c’est sur le consensus en question que je suis plus mitigée. Comme le rappelle Salomé Saqué sur Instagram, il ne faut pas perdre de vue que les sénateurs, essentiellement de droite, ont obtenu ce qu’ils voulaient. C’est-à-dire un texte qui est dénaturé par rapport à la proposition initiale, qui contenait le mot « droit ».
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