Mise à jour du 2 juillet 2021
Après un procès très suivi début mai, le verdict est tombé ce jeudi 1er juillet : Assa Traoré a été relaxée des poursuites en diffamation portées par les trois gendarmes qu’elle accuse d’avoir provoqué la mort de son frère Adama Traoré en juillet 2016.
Elle l’avait affirmé fermement : ce texte, ce « J’accuse » publié sur Facebook en 2019, elle l’assumait pleinement.
Un débat « d’intérêt général »
La 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris a finalement estimé que le sujet de la tribune porte « un débat d’intérêt général » et que « l’excès du propos tenu par Assa Traoré, sur un ton provocateur, et la force des accusations portées contre les gendarmes alors même qu’ils n’étaient ni jugés ni mis en examen doivent nécessairement être appréhendés à la lumière des circonstances de leur publication et du combat personnel et militant ainsi mené par la prévenue. »
C’est aussi le contexte de la publication qui a été pris en compte dans la décision de relaxer la militante :
« Il convient de préciser à cet égard qu’au moment où Assa Traoré publie son texte, en juillet 2019, à la date anniversaire de la mort de son frère, qui correspond aussi à la date de sa naissance, cette affaire avait déjà pris une dimension dépassant le cas particulier, au vu de son retentissement national et international. »
Sur son compte Instagram, Assa Traoré a rappelé l’objectif de son combat, la mise en examen et le procès des responsables de la mort d’Adam Traoré.
Cette année marquera le cinquième anniversaire de sa mort.
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Comme chaque année, le comité La Vérité pour Adama organisera une grande marche contre les violences policières à Beaumont sur Oise, qui se tiendra cette fois le samedi 17 juillet.
Le procès d’Assa Traoré
Article publié le 7 mai 2021
C’est le procès d’
une icône du combat pour la justice et contre les violences policières en France qui s’est ouvert hier à la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris, spécialisée dans les affaires liées au droit de la presse. Assa Traoré, sœur d’Adama Traoré, est actuellement poursuivie pour diffamation.
La raison ? L’activiste a nommé les trois gendarmes qui sont impliqués dans l’interpellation qui a conduit à la mort d’Adama Traoré. Dans une tribune publiée sur Facebook le 18 juillet 2019, soit trois ans jour pour jour après la mort de son petit frère, Assa Traoré nomme aussi plusieurs personnes impliquées dans le traitement de l’affaire.
Elle cite notamment plusieurs experts médico-légaux, dont la médecin experte mandatée par la justice, qu’elle accuse « d’avoir inventé une pathologie cardiaque comme cause de la mort d’Adama Traoré. »
Adama Traoré est mort à l’âge de 24 ans à Beaumont-sur-Oise, après avoir tenté d’échapper à un contrôle de police. Rapidement, des éléments troublants ont questionné les causes de son décès : au lendemain des faits, le procureur de la République de Pontoise a déclaré à la presse qu’il souffrait d’une « infection très grave touchant plusieurs organes », écartant ainsi l’hypothèse de violences causées par des policiers ayant conduit à la mort du jeune homme, pourtant présenté comme en bonne santé. Des éléments manquent au dossier, affirme notamment Mediapart.
Face à de nombreuses zones d’ombre sur les circonstances de la mort d’Adama Traoré, une bataille d’expertises et de contre-expertises s’est engagée. Au printemps 2020, deux expertises médicales contradictoires ont été rendues publiques pour déterminer la cause de la mort du jeune homme : l’une exclut la responsabilité des trois gendarmes qui l’ont interpellé, l’autre, demandée par la famille, établit que l’asphyxie a été causée par un plaquage ventral.
Les accusations contre Assa Traoré
Si l’affaire Adama Traoré est loin d’être la première affaire de violences policières, elle est cependant aujourd’hui devenue un symbole d’une impunité des forces de l’ordre en France. Assa Traoré est, quant à elle, rapidement devenue une porte-parole des proches de victimes de violences policières, aux côtés par exemple d’Amal Bentounsi, dont le frère Amine Bentounsi a été tué d’une balle par un policier en 2012.
Pour avoir cité le nom des trois policiers dans des messages Facebook, la sœur d’Adama Traoré avait déjà été entendue en octobre 2019. En juillet 2020, les deux d’entre eux qui avaient porté plainte contre elle ont été déboutés de leur action en justice et ont été condamnés pour procédure abusive. En mars dernier, Assa Traoré a été condamnée pour atteinte à la présomption d’innocence par la cour d’appel de Paris.
Mais l’affaire ne s’arrête pas là : début avril, l’activiste a annoncé sur les réseaux sociaux avoir été mise en examen pour avoir nommé les trois gendarmes dans une tribune titrée « J’accuse », publiée le 18 juillet 2019. Une nouvelle intimidation pour la faire taire et un acharnement judiciaire, selon ses soutiens, alors que les trois gendarmes impliqués dans la mort d’Adama Traoré n’ont, eux, jamais été mis en examen.
« Si la justice avait fait son travail, je n’aurais pas eu besoin d’écrire cette tribune. Si je n’avais pas fait cette tribune, le dossier aurait été classé », a-t-elle affirmé à la barre selon Le Parisien. Elle défend et assume les mots écrits sur son post Facebook, en citant notamment les propos d’un des gendarmes lors d’une audition, qui affirme qu’Adama Traoré a reçu le poids des trois hommes sur lui.
Plusieurs témoins se sont succédé tout au long de l’audience hier, dont le militant Youcef Brakni et le sociologue Éric Fassin. L’audience doit se poursuivre aujourd’hui avec les plaidoiries des parties civiles et de la défense.
Selon le Comité Justice pour Adama, Assa Traoré a été conduite aux urgences ce matin après un malaise. Le rassemblement prévu devant le tribunal pour la soutenir est maintenu.
L’affaire Adama, George Floyd et le déni français
En juin dernier, la manifestation organisée par le comité Justice pour Adama devant le tribunal de Paris avait rassemblé 20.000 personnes pour protester contre les violences policières et pour dénoncer le racisme systémique au sein des forces de l’ordre. Une manifestation sans précédent.
Depuis, l’arsenal répressif s’est durci… mais pas pour enrayer les violences policières. La loi sécurité globale, examinée depuis novembre 2020, a été adoptée il y a quelques semaines et contient notamment l’article 24 qui vise à limiter la captation et la diffusion des images des forces de l’ordre.
Pourtant, ces images semblent aujourd’hui indispensables à la médiatisation et à la dénonciation de ces violences, mais aussi pour pointer la responsabilité de ceux qui les commettent.
Sans images le montrant assailli et tabassé par plusieurs policiers, Michel Zecler n’aurait jamais pu prouver être victime de violences en novembre 2020. « Sans ces images-là, moi, je serais en prison aujourd’hui », a-t-il affirmé à plusieurs reprises, comme si sa voix contre celles des policiers n’avait irrémédiablement pas le même poids ni la même valeur.
L’émission Envoyé Spécial a révélé ces dernières semaines que l’un des auteurs des violences avait dans son portable un montage raciste reprenant l’image de la vidéo montrant la mort de George Floyd.
Alors que les yeux de la France étaient tournés vers les États-Unis à l’annonce de la condamnation du policier Derek Chauvin, il semble toujours aussi difficile d’admettre l’ampleur des violences commises par les forces de l’ordre en France et de saisir leur portée raciste à l’encontre des hommes noirs et arabes.
À lire aussi : Plongée dans la manif de samedi contre le racisme et les violences policières
Les Commentaires
Vidéo. Enquête vidéo : le déroulé des événements qui ont conduit à la mort d’Adama Traoré
Je trouve dommage de proposer un lien vers les expertises payées par la famille mais pas pour les autres expertises, comme si elles avaient moins de valeur.