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Féminisme

Oui, je parle de sexe, et non, je ne veux pas voir ta bite

Le mythe de « la salope » est un moyen pratique de rappeler aux femmes les normes qu’elles devraient respecter en matière de sexualité. C’est également une excellente excuse pour outrepasser le consentement d’autrui.

Publié le 4 mars 2019

Ce week-end, plusieurs hommes m’ont écrit pour me demander des photos de mes seins ou me dire que, quand ils regardent mes vidéos, leur bite est « raide et juteuse ».

Pourquoi ces informations et requêtes sexuelles non sollicitées dans ma boîte mail ou mes DM Instagram ? Je leur ai posé la question et il semblerait que je l’ai bien cherché. Car, voyez-vous, je suis une salope.

Le sexe salit les femmes

Avant de détailler les caractéristiques d’une salope, il me faut parler plus largement des idées reçues qui entourent la sexualité.

Car le personnage subversif de la salope se construit par opposition aux normes en vigueur autour du sexe.

Dans notre société, le sexe c’est sale, mais seulement pour les femmes.

La gent masculine est présumée ne pas pouvoir se passer de sexe, donc pour un homme normal, le sexe est normal.

Ainsi on admet que les hommes le pratiquent et en parlent, quelque soit le nombre et l’identité de leurs partenaires. Cela n’a pas de conséquence sur le jugement moral que l’on peut porter sur eux en tant que personne.

Au mieux, une vie sexuelle très active est vue de manière positive pour un homme, cela renforçant ses qualités viriles de conquérant (puisque l’homme chasse et la femme est chassée).

Par contre, pour une femme « normale » (donc respectable, fréquentable), le sexe n’est pas normal : il est salissant, il marque son corps, et pervertit également son esprit (on ne peut à la fois être la mère et la putain).

Par voie de conséquence, les femmes « normales » :

  • Ne pensent pas au sexe
  • Ne parlent pas de sexe
  • Ne se masturbent pas
  • N’ont une sexualité que dans le cadre d’une relation « sérieuse » et monogame, par devoir, pour faire plaisir et/ou si elles ont des sentiments

Celles qui ne rentrent pas dans ce schéma sont, par opposition, des salopes.

Qu’est-ce qu’une salope ?

Ces normes sociales arbitraires sont utilisées comme des outils de contrôle de la sexualité féminine pour pointer tout comportement qui s’en éloignerait.

C’est ainsi que naquît le slut-shaming, qui consiste à rabaisser ou culpabiliser une femme à cause de son comportement sexuel réel ou supposé (pratiques, nombre de partenaires…), de son corps ou de son look (grosses poitrine, vêtements « provocants », maquillage…)

La salope est tout le contraire de ce que la société attend d’une femme « normale » :

  • Elle pense au sexe et a du désir
  • Elle parle de sexe
  • Elle se masturbe
  • Elle a des relations sexuelles en-dehors d’une relation de couple

Remplir l’une de ces conditions peut suffire à être secrètement cataloguée ou explicitement traitée de salope, de coquine, de pute, de fille facile, de chaudasse.

C’est un problème en soi, car tout le monde devrait avoir le choix de mener sa vie sexuelle comme il l’entend, quelque soit son genre et sans être jugée ou insultée.

Mais c’est aussi un problème parce que le mythe de la salope contient une idée dangereuse qui entretient la culture du viol, cet environnement dans lequel les agressions et violences sexuelles sont minimisées, banalisées, voire excusées.

Puisque la salope aime le sexe, pourquoi lui demander son avis ?

Tous les hommes qui m’ont écrit ce weekend étaient très fan de mon travail :

« Je voulais vous dire que votre chaîne YouTube est cool, très instructive et très ouverte sur le sexe. »

Pourquoi trouvent-ils ma liberté de ton si fantastique ? Parce que d’après eux, parler de sexe sur Internet = donner son consentement pour tout, et en particulier pour me voir imposer le désir d’inconnus.

D’après eux, le fait que je ne me laisse pas réduire au silence par des normes injustes leur donne tous les droits sur moi.

Sous leurs airs progressistes, les auteurs de ces mails entretiennent sans le savoir des schémas de pensée archaïques qui nourrissent la culture du viol.

Je vous avoue que si j’écris cet article, c’est en grande partie pour avoir un lien à copier-coller en réponse aux prochains mails et DM (il y en aura) qui me détailleront la vigueur des érections provoquées par mon contenu.

Car j’ai essayé de dialoguer avec eux, et c’était fatiguant.

« Ouverte sur le sexe », donc pas besoin de consentir

Pour ces hommes, le fait que je parle de sexualité me range dans la catégorie des salopes, et leur donne le droit d’outrepasser mon consentement à recevoir des contenus à caractère sexuels.

Ou simplement à me respecter en tant que personne ! (Demanderait-on une photo de ses seins à une inconnue dans la rue ?)

« Je voulais vous dire aussi que vous me faites de l’effet quand je vous vois en vidéo. Excusez-moi je sais que ça parait bête et déplacé mais j’y peux rien, je n’arrive pas à me contrôler.

J’espère que ce n’est pas grave pour vous et que vous ne m’en voudrez pas ! Si vous êtes vraiment ouverte sur le sexe ? »

Si je suis aussi « ouverte sur le sexe » que le prétend mon travail, je me dois donc d’accepter avec le sourire ce genre de mails sexuels de la part d’inconnus.

« Je pensais que tu étais impudique comme tu le dis sur ta chaîne alors c’est sûrement pour ça que je me suis lâché. »

Puisque la salope y pense, en fait et en parle, à la différence des femmes « normales » qui ont au moins la discrétion de cacher leur maigre intérêt pour la chose, c’est bien que la salope elle AIME le sexe.

Et si la salope aime LE SEXE, elle doit aimer tout le sexe, partout, tout le temps et avec tout le monde.

La salope, caution de la culture du viol

Jugée, rabaissée, moquée, dénigrée… Dans ce système, la salope est donc pourtant la meilleure amie de l’homme qui, rappelons-le, ne peut vivre sans sexe.

Une fille facile, quelle aubaine ! La salope brille par sa disponibilité inconditionnelle, elle n’a pas besoin d’être séduite pour donner du sexe : ELLE AIME ÇA !

Elle offre à l’homme pressé par ses besoins irrépressibles un exutoire quand celui-ci n’a pas le temps de manipuler une femme « normale » pour « obtenir ses faveurs ».

Puisqu’« elle aime ça », inutile d’observer à son endroit les règles qui s’appliquent aux autres personnes telles que la politesse, mais surtout le consentement.

Puisqu’« elle aime ça » et ne s’en cache pas, à elle d’assumer les conséquences.

En fait, il n’y a pas besoin de lui demander si elle est d’accord : le fait qu’elle soit une salope exprime son consentement pour elle, toujours et en tous lieux.

Ou alors, ce n’est pas une salope. Exemple lorsque je fais remarquer à l’un de mes interlocuteurs que c’est irrespectueux et lui demande de ne plus m’écrire :

« Ok pas de souci ! De toute façon, je n’aime pas les femmes coincées et malpolies ! Je ne suivrai plus ta chaîne non plus ! Et pour finir je ne suis pas irrespectueux ! Je t’ai juste testée sans plus ! »

Et hop, finalement, parce que j’ai refusé d’avoir une discussion érotique avec cet inconnu, je suis passée du camp des salopes à celui des coincées…

Merci de m’y laisser, tranquille, à tout jamais.

À lire aussi : Je suis devenue « la pute du collège »… mais ça finit bien


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Les Commentaires

48
Avatar de Florette77
26 août 2019 à 15h08
Florette77
Ce sujet est dédié aux réactions concernant ce post : Oui, je parle de sexe, et non, je ne veux pas voir ta bite
Les filles, pour celles qui reçoivent des dick-pics, faites vous un petit dossier...
Le prochain coquin qui vous envoie la sienne sans être sollicité, renvoyez lui une de votre petite collec... ça les calmera de suite et leur montrera un peu ce que ça fait...
Ps: choisissez une plus grosse, juste pour le fun!
5
Voir les 48 commentaires

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