Le féminisme ne plaît pas à tout le monde. Il faut bien comprendre les détracteurs, aussi : un ensemble d’idées qui tend à démontrer que tous les sexes se valent, avec des gens qui se battent pour l’égalité, c’est quelque chose d’extrêmement négatif (non).
Parmi ces anti-féministes, il y a les masculinistes. Le masculinisme regroupe ces gens qui militent parce qu’ils estiment que les hommes souffrent d’une crise identitaire, principalement provoquée par les féministes qui tendent à équilibrer les rapports entre les sexes. Réactionnaires, ils jugent alors que les femmes prennent trop de pouvoir sur eux et les oppressent.
Alors bon, quand ils ont pris connaissance de la meilleure campagne contre le viol du monde dont on te parlait il y a plusieurs mois, les membres de Men’s Rights Edmonton ont voulu y répondre à leur manière.
Les campagnes originales, appelée Don’t be that guy (ne sois pas ce garçon) ne blâmaient pas les victimes et cherchaient à faire comprendre avec des termes très simples aux potentiels agresseurs dans quel cas on parlait de sexe et dans quel contexte on parlait de viol.
C’était clair et précis : si l’autre dit non (que ce soit avant le rapport, pendant, ou n’importe quand), s’il est incapable de dire oui ou non pour une raison ou une autre, ou s’il est inconscient, ce n’est pas du sexe. C’est du viol. Petit rappel en image :
« Ce n’est pas du sexe si elle est saoule. Avoir des relations sexuelles avec quelqu’un incapable de consentir = agression sexuelle. » (Campagne de fin 2012)
La réponse des Men’s Rights Edmonton, elle, met toute la responsabilité sur les épaules des violées. Et c’est dans la même ville d’Edmonton que cette affiche d’un tout autre style a été placardée dans les rues de la ville du Canada – avant d’être rapidement retirée.
En réponse à Don’t be that guy de Savedmonton, les Men’s Rights Edmonton ont lancé Don’t be that girl (ne sois pas cette fille). Avec des phrases telles que « Ce n’est pas parce que tu regrettes un coup d’un soir que tu n’étais pas consentante ». En plus petit, on peut lire « Mentir à propos d’une agression sexuelle = crime. Ne sois pas cette fille. »
Source image : Edmonton.ctvnews
Tu vois, les pré-adolescents qui regardent leur frères et soeurs faire un château de sable pendant des heures et attendent qu’ils aient construit quelque chose de bien pour donner un grand coup de pied dedans ? C’est l’effet que me fait cette parodie pour le moins ancrée dans la
Ces affiches font depuis quelques jours polémique au Canada. Un reportage de Radio Canada évoque une étude qui démontre que 19% des Canadiens estiment que les femmes encouragent les agressions sexuelles. Un chiffre effarant.
La journaliste Geneviève Normand cite alors les membres de Men’s Rights Edmonton qui ont justifié leur initiative en expliquant qu’ils trouvaient que « la campagne initiale a eu tort de s’adresser aux hommes en général alors qu’un petit groupe d’individus commettent des agressions sexuelles ».
Ce que j’entends, personnellement, c’est « c’est pas moi c’est lui, alors je n’ai pas à écouter vos arguments qui me permettraient de mettre toutes les chances de mon côté pour ne pas devenir comme lui ».
Ce qui fout encore plus un coup au moral, c’est qu’on estime à seulement 10% les femmes qui portent plainte après une agression sexuelle. Les autres se taisent, n’osent pas, pour des raisons diverses. Une telle campagne qui culpabilise à ce point les victimes de viol en prenant le contrepoint d’une autre qui ne les blâmait à aucun moment risque fort de dissuader encore davantage les victimes à oser aller porter plainte.
Et ça tord le coeur parce que, comme le dit si bien Contre le viol, « la honte doit changer de camp », et vite. Ce n’est pas aux victimes de remettre en cause leurs vêtements, leur taux d’alcoolémie le jour de leur agression ou que sais-je encore, ce n’est pas à elles de se faire pointer du doigt comme les responsables partielles ou totales de ce qui leur est arrivé.
Et c’est quand même malheureux qu’un message aussi simple partant d’un principe aussi logique ne passe pas chez autant de personnes.
Pour en savoir plus :
- Agression sexuelle et dépôt de plainte : les conseils d’un policier,
- Je veux comprendre… La culture du viol.
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
Désolée j'ai coupé pour que ce ne soit pas trop long.
Je veux intervenir juste pour rétablir la réputation du Canada qui n'a rien fait à personne.
Il se trouve que je travaille dans une agence de placement (région de Montréal) donc on fait des "back check" pour les gens qui viennent s'inscrire : références d'emploi, enquête de crédit et dossier criminel. Ma chef, qui travaille là depuis des années, n'a vu qu'une fois quelqu'un avec un "vrai" dossier criminel.
Je mets "vrai" entre guillemets car la conduite sous influence est une offense criminelle ici. Et là on parle d'agressions. Donc une seule fois (sur des centaines de candidats), elle a vu un dossier criminel avec une histoire d'agressions. C'est très peu.
Alors "Ici il est monnaie courante que les gars aient des dossiers criminels liés à des plaintes d agression." NON. Je n'ai pas de chiffres officiels, mais j'estime avoir eu accès à un bon échantillon pour pouvoir dire que ce n'est PAS monnaie courante - dieu merci.
Quant aux lois dissuasives, je ne sais pas exactement. Une employée s'est fait agresser sexuellement (attouchements) et aux dernières nouvelles, son agresseur n'est pas en prison.
Après oui, d'accord, on parle de viol ici. Me semble que c'est lié quand même.
Par contre - et j'ai vu d'autres messages dans ce sens ici - je crois que quelque soit notre pays, une bonne partie des hommes n'ont pas conscience de ce que constitue un viol. Exemple : après avoir lu le premier bouquin de Game of Thrones, j'en parlais avec des amis, surtout vis à vis de l'adaptation télé. Que ne fut ma surprise de constater qu'aucun n'avait remarqué que Daenerys se fait allègrement violer au début de son mariage. La description est claire pourtant. Il est raconté qu'elle préfère que son mari ne la voit pas car elle ne peut pas s'empêcher de pleurer etc. Pour une raison obscure (elle était mariée? Le violeur était son mari?), mon entourage masculin ne l'a absolument pas vu comme un viol.
Alors bon, si on commençait par revoir la base (ce que constitue un viol), ce serait déjà pas du luxe.