Dire oui pour la vie à un•e inconnu•e, cela peut sembler fou voire carrément malsain. C’est pourtant le principe de l’émission Mariés au premier regard diffusée sur M6 ce lundi 7 novembre 2016.
Pourtant, avant même sa diffusion, le programme a fait polémique pour une autre raison que son sujet. Stéphane Edouard est l’un des trois experts accompagnant les candidat•es. Il est présenté comme un sociologue, il est surtout un « expert en séduction ».
Dans un article de 20 minutes, on apprend qu’il a tenu de nombreux propos misogynes dans le passé. Une pétition a même été lancée sur le site Change.org afin que M6 prenne des mesures nécessaires contre de telles allégations. À l’heure où j’écris ces lignes, elle a déjà reçu plus de 50 000 signatures.
Piquée par la curiosité, j’ai décidé de regarder Mariés au premier regard. Je n’avais pas de préjugés si négatifs que ça : une connaissance qui a pu voir le show avant sa diffusion m’a tenu des propos très élogieux à son égard. Elle m’a rassurée, en me disant que c’est cucul, mais pas sexiste.
En commentaire sur le forum, une lectrice a témoigné du fait que ses ami•es regardaient l’émission sans se rendre compte une seconde des débordements misogynes. Et pourtant, c’était un festival…
Mais ce qui m’a frappée par-dessus tout, c’est que cette émission n’est que le miroir de notre société et de ses travers dans notre rapport à la séduction.
Mariés au premier regard et les désespéré•es du célibat
Mariés au premier regard commence en présentant le déroulement du casting. Des célibataires ont été invité•es à participer à une expérience scientifique pour trouver l’amour. Un panel a ensuite été convié à la réunion qui leur explique qu’en fait, ils ne rencontreront leur âme sœur que le jour du mariage.
On peut se demander : qui peut accepter ça ? Et surtout, pourquoi accepter ça ?
Dès les premiers instants de l’émission, cela transparaît à travers les portraits des candidat•es qui acceptent l’aventure. Il y a Tifanny qui compte « 22 mois » sans relation, parce que deux ans « ça semble trop long ». Il y a celles et ceux qui pleurent quand on leur annonce qu’ils et elles ne vont pas pouvoir continuer l’aventure. Il y a surtout les personnes qui acceptent d’aller jusqu’au bout.
On parle de coup de folie, je ne vois que du gros n’importe quoi. Le célibat est encore vu par de nombreuses personnes comme une plaie à fuir à tout prix. Quitte, peut-être, à se ridiculiser à la télé ?
Je ne pense pas pour autant qu’il faille blâmer les candidat•es. Ce sont eux/elles qui se sentent mal, qui se comparent aux autres ou aux idées reçues, à l’image de cette femme qui dit qu’elle ne s’imaginait pas « comme ça » à 35 ans.
Ce qu’il faut changer, c’est l’image qu’on donne des célibataires, les remarques et allusions qu’on leur envoie. Ici, il n’y a pas d’argent en jeu, seulement l’amour. Et si on commençait par encourager l’amour de soi ?
Mariés au premier regard : le mariage entre institution… et bout de papier
Les couples de Mariés au premier regard se rencontrent devant le maire et doivent se dire oui avant d’apprendre à se connaître. Cet acte est décrit de nombreuses fois dans l’émission comme un engagement à vie… Mais on nous rappelle bien vite qu’au bout de deux mois, les candidat•es auront le droit d’annuler le mariage si ça ne se passe pas bien.
Ça me fait penser aux débats que j’ai avec mes ami•es. Certain•es voient le mariage comme une institution par laquelle ils et elles souhaitent absolument passer. D’autres m’en parlent comme d’un simple contrat : si ça simplifie la paperasse et réduit les impôts, pourquoi pas.
Mariés au premier regard vend le mariage comme une solution miracle. Je n’ai pas franchement confiance face aux tests « scientifiques » de l’émission (qui consistaient entre autres à renifler des t-shirts sales — une belle séquence). Je ne pense pas que ça annonce la réussite ou non d’un couple.
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Je vois surtout cette union imposée comme un choix marketing : avant la polémique concernant Stéphane Edouard, je voyais déjà la bande-annonce tourner énormément sur mes réseaux sociaux. Le pitch faisait réagir car, quel que soit notre avis sur le mariage, on ne l’avait probablement jamais envisagé comme cela.
Mariés au premier regard et son sexisme ordinaire
Enfin, impossible de traiter de cette émission sans parler de sa pluie de phrases sexistes. Ici, il n’est pas question d’insultes directes ou de débordements bien voyants. Non, on entend que des remarques qui pourraient sembler tout à fait ordinaires si on ne se questionnait pas sur leur portée ravageuse…
Stéphane Edouard parle ainsi de « taux de féminité et de masculinité » pour connaître la comptabilité entre deux personnes. Il fait également tout un laïus sur le ratio taille/hanches qui déterminerait la beauté d’une femme. Enfin, il parle de femme-enfant quand l’une des candidates se pose devant sa famille « assise en arc-de-cercle » (oui, c’est ça son argument).
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Même Catherine Solano, sexologue, y va de sa petite phrase = elle explique dans le plus grand calme qu’un père doit dire à sa fille qu’elle est belle sinon elle ne se sentira jamais digne d’être aimée par un homme.
En bref, les femmes sont présentées tout au long de l’émission comme de petites choses, un peu fragiles. C’est suffisamment subtil pour ne pas être détectable aux yeux d’une personne qui ne s’y connaît pas. C’est également assez insistant pour présenter ça comme une vérité générale. Et c’est sans doute là que se situe le problème.
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À quand une télé qui fait du bien ?
Je n’ai pas été déçue par cette émission dans le sens où je ne suis pas surprise par ce que j’y ai vu. Ça parle de deux choses qui marchent bien : le célibat et le mariage. C’est sexiste, mais je suis convaincue que la plupart des gens de la chaîne ne s’en rendent même pas compte.
Ce n’est pas parce que je ne suis pas surprise, que je ne regrette pas l’absence de nouveauté, au fond. Et je me demande : à quand une télévision feel good ? À quand des émissions qui au lieu de perpétrer des complexes, choisissent avec soin leurs invités ? À quand un show qui ne surfe pas sur le malheur des un•es pour divertir les autres ?
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Sur le forum de madmoiZelle, de nombreuses personnes ont commenté l’émission en direct. Cela a donné lieu à des débats que je te propose de retrouver dans les commentaires de cet article. Et toi, as-tu regardé ce programme ? Qu’en as-tu pensé ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires
En tous cas je suis toujours un peu mal à l'aise quand ils mettent en scène une candidate qui a besoin de temps pour se rapprocher de son nouveau mari physiquement, ça fait vraiment forcing alors qu'en vrai ça va pas les tuer d'attendre quelques jours quoi. Et si ça dérange le mec que les premières heures de mariage la femme soit pas chaude comme une baraque à frites ben c'est qu'il a un problème.